Matricule « 45 216 » à Auschwitz
Marcel Bec : né en 1907 à Dormans (Marne) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; dessinateur industriel ; communiste ; arrêté le 29 décembre 1940 ; interné aux camps de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 30 novembre 1942.
Marcel Bec est né« dans la voiture de ses parents » (selon son acte de naissance)le 23 septembre 1907 à Dormans (Marne).
Il est domicilié 34, quai de Boulogne à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine) au jour de son arrestation.
Il est le fils unique de Françoise Vidal, 30 ans, ménagère et de Louis Bec, 37 ans, chaudronnier ambulant.
Il fait des études à l’Ecole professionnelle de Reims (école où fut signée la reddition allemande le 7 mai 1945 et où figure désormais son nom parmi les anciens élèves victimes des deux dernières guerres). Pendant son service militaire en 1927, il est affecté à un régiment de Chasseurs à pied. Selon sa belle-sœur, il participe à l’occupation de la Rhénanie.
Le 18 juillet 1929, il est embauché comme ajusteur, à l’atelier d’outillage central chez Renault à Billancourt, métier qu’il exerce jusqu’au 24 novembre 1928.
Le 12 septembre 1933, il se marie à Verneuil (Marne) avec Blanche, Julie Mauroy, sans emploi, fille de cultivateurs-vignerons.
Le couple s’installe à Boulogne-Billancourt. Marcel Bec travaillant chez Renault, il s’est perfectionné en suivant des cours du soir au Conservatoire des Arts et Métiers. Il devient dessinateur industriel.
En 1934, il participe aux journées antifascistes, puis adhère à la CGT et au Parti communiste.
Il participe aux grèves de mai-juin 1936 et exprime sa solidarité avec les Républicains espagnols.
En 1937-1938 Marcel Bec est capitaine de l’équipe première de football du COB « club Olympique de Billancourt« , qui gagne le championnat de Paris (en division honneur).
Il est en grève le 24 novembre 1938 pour protester contre la hausse des cadences chez Renault et les atteintes salariales au conquêtes du Front Populaire. Pour cette raison et à cause de son activité militante, il est licencié après la grève du 30 novembre 1938. Il s’agit de la grève générale lancée par la CGT pour protester contre l’abrogation de la semaine de 40 heures par le gouvernement Daladier. La grève est un échec au plan national : une répression « délibérée, systématique, massive et d’une rare sévérité » (Antoine Prost) frappe les grévistes, en particulier chez Renault.
Suit une période de chômage. Marcel Bec retrouve du travail dans une petite usine de Boulogne (la SEV). Fin 1939, Marcel Bec est « rappelé à l’activité » et mobilisé dans l’Est de la France puis « affecté spécial » (un « Affecté Spécial » est un spécialiste maintenu à son poste civil et soumis à la juridiction militaire (art. 52, loi du 1er avril 1923).
Pendant l’exode, Marcel Bec gagne à vélo La Rochelle, en compagnie de sa femme.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès son retour à Boulogne, Marcel Bec reprend ses contacts, milite dans un comité de chômeurs et prend la parole devant la mairie de Boulogne. Malgré la répression anticommuniste, Il ne quitte pas son domicile, où il est connu comme communiste.
Marcel Bec est arrêté par la gendarmerie française le 29 décembre 1940 chez ses parents à Dormans, pendant les fêtes de fin d’année. Lors de son arrestation, il est trouvé « porteur de trois exemplaire de L’Humanité, d’un bordereau de souscription du Parti communiste, et de deux carnets de souscription ». Une perquisition à son domicile à Boulogne amène la découverte de « différents papillons communistes, ainsi que quatre petits papiers manuscrits ayant trait à une activité de propagande ».
Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste), Marcel Bec est déféré au Dépôt et retenu à la Maison d’arrêt de la Santé en attente de son procès. Celui-ci a lieu le 17 mai 1941, devant la 12è chambre, où il comparaît avec Laurent Guizard et une douzaine de co-inculpés. Tous deux sont condamnés à 15 mois de prison. Ils font appel de la sentence : leur peine est ramenée à 8 mois.
Mais François Bard, préfet de police de Paris, ordonne son internement administratif le 25 novembre 1941, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (4).
Lire dans le site : 26 militants communistes et syndicalistes des usines Renault de Boulogne-Billancourt déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942.
Le samedi 3 janvier Marcel Bec est transféré du Dépôt au Camp de séjour surveillé de Rouillé (1), via les gares d’Austerlitz et Poitiers, au sein d’un groupe de 50 internés administratifs composé de 38 politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ : relevant de la police judiciaire) / note de service du 30 décembre 1941.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
A Rouillé, il donne comme adresse Verneuil (Marne), où son épouse est probablement venue habiter chez ou près de ses parents.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés (2) qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Marcel Bec (n° 27 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Depuis le camp de Compiègne, il est déporté à destination d’Auschwitz. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet, il lance depuis la gare de Laon une lettre du train qui l’emporte à Auschwitz.
Dans l’émotion, il l’a datée du 6 juin. Mais son contenu concerne sans ambiguïté le départ depuis Compiègne le 6 juillet 1942. « à 1200 nous avons quitté le camp pour une destination inconnue »
Comme beaucoup de ses camarades, il pense qu’ils vont aller travailler en Allemagne. « … nous avons 3 jours de vivres. Je suis en bonne santé… Ne vous inquiétez pas inutilement … Vous recevrez probablement ma valise bleue avec des affaires personnelles, ainsi que 100 francs. Mon silence sera peut-être prolongé, patientez. Affections à tous«
Marcel Bec est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000» (1170 déportés immatriculés à Auschwitz dans la série des
matricules « 45 000 » et « 46 000 », d’où le nom de
« convoi des « 45 000 » que les rescapés se sont donné). Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les « judéo-bolcheviks » responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
On ignore son numéro d’immatriculation à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ne sait rien de sa déportation à Auschwitz, sinon qu’il est présent au Revier (infirmerie) de Birkenau le 5 novembre 1942.
Marcel Bec meurt le 30 novembre 1942 (la date est date inscrite dans les registres du camp, in Death Books from Auschwitz, Tome 1, page 61).
L’arrêté ministériel du 12 juillet 2007 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès et paru au Journal Officiel du 7 août 2007, porte la mention « décédé le 15 mars 1943 à Auschwitz (Pologne).
Cette date fictive reproduit l’état civil établi après la Libération (après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés).
Les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945 sont accessibles depuis 1995. Le Death Books from Auschwitz a été publié en deux gros volumes par le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau à cette date. Voir également le site Internet du Musée d’Auschwitz-Birkenau.
Le nom de Marcel Bec figure sur la plaque commémorative des ancien élèves victimes de la guerre, à la demande des « anciens du COB » (Club Olympique de Billancourt).
A la libération, le nom de « Marcel Bec » est donné au nouveau stade du COB inauguré le dimanche 23 mai 1948, en forêt de Meudon en présence de Madame Bec et de MM. Pierre Lefaucheux, Pierre Dreyfus et Bernard Vernier Palliez.
A partir de 1958, un challenge de cross « Marcel Bec » est régulièrement organisé en forêt de Meudon.
En 1961, confisquant les installations sportives du COB, la direction de Renault débaptise le stade Marcel Bec en «Stade des Fonceaux». Suite à une procédure juridique engagée par les élus du CE de Billancourt, un compromis est réalisé en 1974 (3) ; les installations sportives sont à nouveau placées sous la responsabilité du CE de Billancourt et le stade retrouve le nom de « Stade Marcel Bec ».
Le complexe sportif Marcel Bec s’étend sur près de 12 hectares, une des plus
grandes superficies sportives d’Ile-de-France.
En 2009, l’enceinte de douze hectares, est devenue propriété de la communauté d’agglomération Grand
Paris Seine Ouest (GPSO). Le complexe (stade, piscine) a été rénové en 2013 et portait toujours le nom de Marcel Bec en 2014.
Une petite rue de Dormans porte également son nom, à proximité de son domicile de jeunesse.
Deux plaques familiales entretiennent sa mémoire : l’une sur la tombe de ses parents à Dormans, l’autre sur celle de sa belle famille à Verneuil.
- Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
- Note 3 : Le texte de l’accord de 1974 précise :
1. Le CE en application de l’ordonnance de 1945, est seul responsable de la gestion des œuvres sociales, le sport étant l’une d’entre elles, il dispose des installations sportives dont la Règle est propriétaire : Stade Marcel Bec à Meudon, base de canoë de l’Ile Saint-Germain, base d’aviron au Bas-Meudon. Toutefois, la Régie devant faire faire face aux obligations scolaires qui concernent les élèves du Centre Technique Privé RNUR, dans le domaine des activités sportives, le Comité d’établissement admet la nécessité de la satisfaction absolue des besoins sportifs de ce Centre, simultanément aux autres besoins. En conséquence, le Centre Technique Privé disposera d’une tranche minimum de 120 heures par mois, d’utilisation des installations sportives, qui seront définies en début de chaque année scolaire. En l’état actuel des choses, cette tranche ne sera pas considérée comme œuvre sociale du CE.
2. A cet effet, la Régie, propriétaire de ces installations, en assure, à sa charge, le bon entretien et l’amélioration. Pour marquer cet événement et réaffirmer l’attachement des sportifs aux héros de la Résistance et morts pour la France, une stèle est implantée en 1975 dans le stade, reprenant les noms inscrits sur la stèle de 1945.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par sa belle-sœur, Madame Denise Benoit-Mauroy, qui a fourni de des informations, photo et documents personnels (4 octobre 1992).
- Renseignements fournis par Mme Jocelyne Husson, professeur à Reims (juin 1990).
- M. Giraud, président départemental de la FNDIRP .
- « Reims, souviens-toi« , travail effectué par les élèves de Mme Jocelyne Husson, professeur à Reims. 1990.
-
Archives de la Préfecture de police, Cartons « Occupation allemande », BA 2374.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine (XLI-42).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Bulletin de l’Amicale Châteaubriant, Rouillé, Voves. Maquette du CSS Rouillé, œuvre de Camille Brunier, ancien Résistant, ancien menuisier, professeur d’atelier au Lycée de Venours.
- Documents et photos sur Marcel Bec, historique du Stade « Marcel Bec » provenant de Michel Certano, fils de résistant, parent de Joseph Certano fusillé au Mont-Valérien. Ouvrier chez Renault, responsable CGT du CE, il a été un des principaux acteurs des luttes syndicales dans l’entreprise (décembre 2012).
- Recherches de Michel Certano (association « Esprit de Résistance») à partir du Bulletin municipal de Boulogne-Billancourt (supplément au n° 335, avril 2005) établissement d’une liste des déportés des usines Renault.
- Note d’Annie Lacroix-Riz, historienne «Arrestations de militants communistes de Boulogne Billancourt, décembre 1941, juillet 1942» établie à partir
des archives de la préfecture de police de Paris.
Notice biographique modifiée en 2012, 2017 et 2019. Réalisée initialement pour l’exposition de la FMD de Reims (1990), par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com