Roger Marchand © Maurice Marchand, DR
Avec son épouse Elizabeth
Roger Marchand : né en 1901 à Paris 10ème ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; chaudronnier ; syndicaliste et communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le

Roger Marchand est né le 2 octobre 1901 à Paris (10°) au 6 rue de la Grange aux Belles. Au moment de son arrestation, Roger Marchand habite au 22 rue des Collines à Gennevilliers (dans la Seine, aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine).
Il est le fils d’Augustine Gillet, 22 ans, émailleuse et de Georges Marchand, 21 ans, ciseleur.  Le couple, qui habite au 28, rue des Envierges, se marie le 28 juillet 1917.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m58, ales cheveux châtains, les yeux gris, le front petit et légèrement fuyant, le nez rectiligne, le visage rond. Au moment de l’établissement de sa fiche matricule, il est recensé dans le département de la Seine (deuxième bureau, matricule 3775), il est mentionné qu’il travaille comme chaudronnier en cuivre. Il habite chez ses parents au 22, rue des collines à Gennevilliers. Il a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire et écrire).
Conscrit de la classe 1921, il est appelé au service militaire le 11 avril 1921 et arrive à la 15ème Section des ouvriers d’aviation. Il est transféré le 18 avril 1921 à la 12ème Section des ouvriers d’aviation. Le 1er avril 1923, il devrait « passer dans la disponibilité » (retour à la vie civile), mais en raison de l’occupation de la Ruhr, il est « maintenu sous les drapeaux » (en application de la Loi du 21 mars 1905). Il est « renvoyé dans ses foyers » le 30 mai 1923, « certificat de bonne conduite accordé ».
Dès 1929, la police notait qu’il était adhérent du Parti communiste, militant actif du 7e rayon de la région parisienne et du Secours rouge international. Son amie Elisabeth Maury, journalière en usine, adhérente du parti communiste, milita à la section de Gennevilliers du Comité mondial contre la guerre et le fascisme (CMF)…Le Maitron.
A 29 ans, Roger Marchand, domicilié avec ses parents au 22, rue des Collines à Gennevilliers,  épouse à Gennevilliers Elizabeth, Honorine Maury, le 25 octobre 1930. Elle a 35 ans, sans profession, née le 14 février 1895 à Levallois-Perret, domiciliée au 22, rue des Collines. Elle est divorcée de Georges Piette, mère d’un garçon, Georges Henri Piette (1917-1979). Elle est membre de la section de Gennevilliers de l’Union fraternelle des femmes contre la guerre impérialiste (UFFCGI ou UFFCG).

Collection Maurice Marchand

Roger Marchand travaille dans la métallurgie comme chaudronnier-rectifieur aux usines Chausson d’Asnières, ville voisine de Gennevilliers.
Communiste depuis 1925, il est responsable du syndicat CGT dans son entreprise où il dirige de nombreuses grèves. « chef incontesté des ouvriers des usines Chausson » peut-on lire dans sa biographie rédigée à la Libération par la municipalité.
En décembre 1936, travaillant aux établissements Chausson à Asnières comme chaudronnier, et cette entreprise étant considéré par l’Armée comme relevant de la Défense nationale, il est classé « affecté spécial » (mobilisé sur son poste de travail en cas de conflit armé).
Il est rayé de l’affectation spéciale en novembre 1938. En 1939-1940 il est toujours domicilié 22, rue des collines à Gennevilliers. Il a vraisemblablement été licencié lors des grèves de 1938, puisque son dernier employeur sera la maison Pournik et Rosemblit,  à Levallois-Perret.
En 1939, à la déclaration de guerre, il est considéré « service auxiliaire » par décision de la commission de réforme de Versailles du 25 janvier 1940, pour une ectopie.

Son épouse décède à Gennevilliers le 21 décembre 1939. Son père, Georges Augustin est décédé le 2 mai 1939 et sa mère, Augustine Louise décèdera le 4 août 1940 à Clichy.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Roger Marchand participe à l’action clandestine dès ses débuts. Le 5 octobre 1940,  Il est arrêté par des policiers d’Asnières dans une rue de Colombes en compagnie de deux militants communistes de cette ville : Maurice Bertouille et Charles Barthelemy.
Roger Marchand portait un pot de minium et des craies, destinés à inscrire des mots d’ordre sur les murs. Ces arrestations s’inscrivent dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, exécute une rafle identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.

Roger Marchand est interné avec ses camarades, au camp de «séjour surveillé» d’Aincourt, près de Mantes (dans la Seine-et-Oise, aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés. 

Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Roger Marchand on lit :« 39 ans. Militant actif et propagandiste notoire ».
Sept internés dont Roger Marchand demandaient au président la délégation spéciale de Gennevilliers nommée par Vichy des brodequins et de vêtements chauds. Celui-ci sollicitait l’avis du préfet de la Seine le 28 mars 1941 (in Le Maitron).

Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé (1), au sein d’un groupe de 149 internés. Le 14 octobre, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé 4 mois auparavant, dont celui de Roger Marchand.

Des listes lui sont envoyés par les Renseignements généraux le
28 octobre : pour Roger Marchand, la mention est presque identique à celle de la liste du camp d’Aincourt : « militant communiste actif et propagandiste notoire ».

Le camp de Rouillé (VRID)

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom de Roger Marchand (n° 119 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (2) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 22 mai 1942.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Roger Marchand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Franz Reisz 1946

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45829 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date. On ignore également sa date de décès.

En 1946, le ministère des Anciens combattants a fixé fictivement celle-ci au « 31 octobre 1942 à Auschwitz » sur la base du témoignage de ses compagnons de déportation.
Un arrêté ministériel du 14 septembre 1994 paru au Journal Officiel du 21 octobre 1994 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Roger Marchand.  Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Gennevilliers, dans le cimetière
communal et sur la stèle commémorative : « A la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie pour la défense et la libération de la France et dont les corps ne reviendront pas« .
Sa biographie rédigée par la municipalité à la Libération est éloquente : « Simple, modeste, Marchand était l’image du militant tout au service de la classe ouvrière et de son Parti. Sa vie était toute de dévouement et d’abnégation« .

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué à la suite des démarches effectuées par son beau-fils.

Remarque : Le 3 mars 1964 le Ministère des Ancien combattants fait état dune demande de passeport effectuée en octobre 1943 au nom de Jean Marchand « pour aller travailler en Allemagne« . En fait il s’agit de Roger Jean Marchand de Paris 8° qui travaillait en Allemagne pour son entreprise et n’est pas reparti après une permission. Les Allemands, ont donc fait une demande de passeport pour le mois d’octobre 1943 pour que Roger Jean Marchand revienne travailler en Allemagne, et a sollicité l’avis des Renseignements généraux… qui ont refusé le passeport, confondant Roger, Jean Marchand de Paris 8° avec Roger Marchand de Gennevilliers, communiste « notoire ». La confusion est renouvelée en 1964, lorsque Roger Jean Marchand fait une demande de titre de réfractaire !

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Archives de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, biographies).

  • Fichier national et dossier individuel de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.

  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
  • Les photos m’ont été adressées par M. Maurice Marchand, de Gennevilliers, le 22 novembre 2005, après la conférence du 22 novembre sur les convois des « 45000 » et « 31000 ».
  • Registres matricules militaires de la Seine.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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