Photo annotée par madame Piron, veuve de Pierre Piron, déporté à Mauthausen, un couple intime des Braud.

Matricule « 45 297 » à Auschwitz

Alphonse Braud, né en 1908 en Vendée ;  domicilié à Chantenay (Nantes) où il est instituteur ; syndicaliste au SNI-CGTU ; communiste ; Déporté comme otage communiste à Auschwitz, où il meurt le 17 septembre 1942

Alphonse Braud est né le 24 mars 1908 à Mareuil sur Lay (Vendée). Il habite à Chantenay, 21 rue du Général Travot, au moment de son arrestation, dans les faubourgs de Nantes (Loire- Atlantique) où il est instituteur.
Il est le fils de Marguerite, Jeanne, Aimée Phélippeau, 27 ans (née le 4 décembre 1880 à Chantonnay), ménagère et d’Alphonse, Jules Braud, 27 ans, peintre (né le 6 juillet 1880 à Chantonnay).
Son père, soldat au 330e RI est tué à Thionville le 29 avril 1917. Alphonse Braud devient à ce titre pupille de la Nation (le 20 septembre 1918). Sa mère va alors travailler comme ouvrière à la Manufacture des Tabacs de Nantes.
Alphonse Braud est élève instituteur à l’Ecole normale de Savenay (promotion 1924-1927)

L’Ecole normale de Savenay. Une plaque rappelle qu’Alphonse Braud y fut élève

Devenu instituteur, il est nommé successivement à Pont-Saint-Martin (banlieue sud de Nantes, où il habite au 81, rue d’Allonville à Nantes en 1929, puis Saint-Sébastien-sur-Loire (en 1934) et Nantes (en 1935).
Il est adhérent au Syndicat National des Instituteurs (SN) affilié à la CGTU. « Longtemps hostile au « groupe des jeunes » animé par Jean Josnin qui réunissait les jeunes instituteurs communisants au début des années 1930, il y adhéra vers 1932 (ou 1934) tout en restant membre du Syndicat national des instituteurs (SN) adhérent à la Confédération générale du travail ce qui, dans une période où les relations entre PCF et CGT étaient au plus bas, l’amena plusieurs fois à la limite de l’exclusion du SNI. Il siégea au conseil syndical et fut membre de diverses commissions » Avec André Lermite, il rejoint le mouvement « Amsterdam Pleyel ». « Il fut chargé par la région d’un poste de direction dans les comités antifascistes de la région nantaise. Il milita ainsi au mouvement antifasciste « Paix et Liberté » dans les années qui précédèrent la guerre (Le Maitron. Notice de Guy Haudebourg).
A la suite de relations amicales avec des dirigeants communistes locaux et influencé par Jean Bruhat et Jean Josnin (tous deux de la tendance communiste de la Fédération CGTU de l’enseignement), il adhère au Parti communiste le 1er octobre 1935 en même temps qu’André Lermite. Tous les deux appartiennent en 1938 à la cellule Henri Barbusse de la section de Chantenay, dont André Lermite devient le trésorier (d’après le Maitron notice d’André Lermite par Renaud Avez, Claude Geslin, René Lemarquis).
Il fait également partie du Comité d’aide à l’Espagne Républicaine. Avec André Lermite  « il propose en juillet 1939 une motion sur la Paix aux membres de la section départementale du syndicat. Cette motion se démarquait de la position pacifiste de la majorité du SNI et resta minoritaire » (Le Maitron. notice Guy Haudebourg).
Au début de 1939, il fait un voyage d’études en URSS.

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Nantes est occupée le 19 juin 1940 à midi.  La Kommandantur juge lesprit de collaboration » (Zusammenarbeit) de la mairie SFIO insuffisant et exige chaque jour 20 otages… Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Avec l’Occupation allemande, Alphonse Braud poursuit ses activités, jouant un rôle actif au niveau de la propagande, à Chantenay, avec André et Marguerite Lermite.
Le 22 juin 1941 ou le 23 juin 1941 (le 21 juin 1941 selon le journal « Clarté » de 1946), il est arrêté par la police spéciale anticommuniste (la SPAC de Nantes) dans sa classe à l’école Gutenberg de Chantenay, d’après madame Piron, ou à Nantes, par la police française d’après sa fille. Dans cette même période d’autres communistes sont arrêtés.
Alphonse Braud est incarcéré la prison du Champ de Mars de Nantes.
Son arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.

Liste allemande des Nantais internés à Compiègne

Alphonse Braud est transféré à  Compiègne (le Frontstallag 122) le 12 ou 13 juillet 1941.
Il y reçoit le matricule « 1253 ». Son camarade André Lermite aura le numéro « 1254 ».
Il est un otage « fusillable » : le 20 avril 1942, son nom est inscrit sur une des 2 listes de 36 et 20 otages envoyés par les services des districts militaires d’Angers et Dijon au Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), après l’attentat contre le train militaire 906 à Caen et suite au télégramme du MBF daté du 18/04/1942. Le Lieutenant-Général à Angers suggère de fusiller les otages dans l’ordre indiqué (extraits XLV-33 /C.D.J.C).
Les noms de cinq militants d’autres départements, qui seront déportés à Auschwitz, figurent également sur ces 2 listes (André Flageollet, Jacques Hirtz, Alain Le Lay, René Pailolle, André Seigneur).
17 militants de Loire-Inférieure internés à Compiègne sont déclarés otages «fusillables ». 10 d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Alphonse Braud, Eugène Charles, Victor Dieulesaint, Paul Filoleau, André Forget, Louis Jouvin,  André Lermite, Antoine Molinié, Gustave Raballand, et Jean Raynaud.
Les sept autres internés déjà à Compiègne sont Maurice Briand (déporté à Sachsenhausen / décédé en 1943), Roger Gaborit (déporté à Buchenwald / rescapé), Jules Lambert (déporté par le convoi du 24 janvier 1944), François Lens (déporté à Sachsenhausen / décédé lors de l’évacuation en 1945), Jean-Baptiste Nau (déporté à Buchenwald où il décède), Raoul Roussel (mutilé de guerre). L’Abwehr-Angers confirme cette liste, dans un courrier du 19 mars 1942 (n° 6021/42 II C3).

Cahier d’Emile Drouillas

A Compiègne, Alphonse Braud participe au « Comité » du camp des politiques et donne des cours de Français (niveau moyen) à ses camarades internés avec un autre instituteur, Pierre Lavigne. Le cours de Français supérieur est assuré par André Leguillette (il sera déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943, rescapé). André Lermite donne des cours de mathématiques.
Lire dans le blog : Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Alphonse Braud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation. 

Alphonse Braud, le 8 juillet 1942

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le blog : Le KL Aushwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro 45 297.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant
l’évacuation d’Auschwitz. Lire dans le site  le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date. mais n’ayant pas une profession recherchée par les SS, il est vraisemblablement resté à Birkenau.

Atteint du typhus, Alphonse Braud meurt le 17 septembre 1942
à Auschwitz d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).

Une école de Chantenay porte son nom.
Il est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
Lors de la deuxième marche commémorative de la Résistance, en juin 2006, les élèves de CM1-CM2 de l’école Alphonse Braud et leur instituteur déploient une banderole « Dans les pas de la Résistance« .

  • Note 1: 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du
    musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Témoignages de Gustave Raballand et d’Eugène Charles.
  • Souvenirs de la fille d’Eugène Charles, madame Laurence Lemasle (juin 2013).
  • Liste des otages susceptibles d’être fusillés de la région militaire allemande d’Angers (CDJC.XLV 32 : il y figure avec le numéro 21).
  • Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 20, page 223.
  • Photo en civil annotée par madame Piron, veuve de Pierre Piron, déporté à Mauthausen (matricule « 62880 », décédé à Melk le 7 décembre 1944), envoi de Pierre Piron (fils) 
  • Liste allemande (envoi de M. Oury de Nantes).
  • Photo d’enregistrement à Auschwitz permettant de confirmer son numéro.
Signatures à l’IUFM de Nantes

Notice biographique réalisée en février 2002 (complétée en 2009, 2017 et 2021) pour l’exposition de l’AFMD de Nantes en février 2002, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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