Matricule « 46 093 » à Auschwitz
Fernand Salmon : né en 1897 à Genneton près de Thouars (Deux-Sèvres). Il habite à Asnières (Seine) ; charron, cheminot ; syndicaliste Cgt, communiste ; arrêté en janvier 1941 ; interné aux camps d'Aincourt, Rambouillet, Gaillon, puis Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.
Fernand Salmon est né le 16 juin 1897 à Genneton près de Thouars (Deux-Sèvres). Il habite 5, rue Henri Martin à Asnières (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Constance, Henriette Guillemin, 25 ans, marchande et d’André, Célestin Salmon, 31 ans, tailleur, son époux décédé le 25 mai 1997 (22 jours avant la naissance de son fils).
Son registre matricule militaire indique qu’il habite à Genneton au moment du conseil de révision et y travaille comme charron.
Fernand Salmon mesure 1m 60, a les cheveux bruns, les yeux jaune foncé, le front haut, le nez moyen, et le visage long. Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter). Conscrit de la classe 1917, Fernand Salmon est mobilisé par anticipation en 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe le sont après la déclaration de guerre d’août 1914.
Le 9 janvier 1916 il est mobilisé au 20è Régiment d’artillerie. Après 7 mois d’instruction, il est affecté le 7 juillet au 109è Régiment d’artillerie lourde, qui est engagé sur les fronts d’Artois, Oise, Meuse, Somme, à Verdun, Craonne, puis en Champagne en 1916. Le 7 mai 1917, à Épernay, Fernand Salmon est blessé à la main droite par un éclat de bombe et évacué vers l’arrière jusqu’au 2 mai 1918. Il retourne « aux armées » du 3 mai au 15 juillet. Le 16 juillet 1918, il « passe » au 21è Régiment d’artillerie, jusqu’au 9 juin 1919. Il passe dans la réserve de l’armée active le 7 janvier 1919, mais est maintenu sous les drapeaux (suites du décret du 1er août 1914). Le 30 mai, il « passe » au 38è Régiment d’artillerie.
Le 10 juin, il entre à l’hôpital d’Avignon puis réintègre le dépôt le 18 juillet. Il est mis en congé illimité de démobilisation le 27 septembre 1919, et « se retire » à Genneton, « certificat de bonne conduite accordé ».
Le 19 décembre 1920, Fernand Salmon est embauché comme homme d’équipe par les Chemins de fer de l’État, réseau de l’Ouest à Thouars (publication au JO du 12 février 1921). Pour l’armée (5/10/1921), cet emploi le fait alors « passer » théoriquement dans la réserve de l’armée active, à la 5è section des chemins de fer de campagne en tant qu’« affecté spécial » (c’est à dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit). Le 13 juin 1921, il habite avenue de la Gare, dans cette ville.
Le 16 septembre 1921, Fernand Salmon épouse, à Thouars, Marie, Julia, Augustine Revault (elle est née le 11 novembre 1899 à Saint-Maurice-la-Fougereuse). Le couple aura trois enfants (« Suzette », « Gigi » (Gilbert) et « Dédé » (André), âgés de 19, 15 et 9 ans en décembre 1940.
Fernand Salmon adhère à l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC).
Le 22 février 1927, la famille Salmon habite au 63 rue de la Porte-aux-Prévosts, à Thouars. Il est nommé « mortaiseur-bois » (Direction des Chemins de fer de l’Etat / publication au JO du 6 juin 1929).
Le 1er mars 1930, la famille Salmon déménage à Courtalain (Eure et Loir) à 1 km de la gare Courtalain-Saint-Pèlerin (ligne de Chartres à Bordeaux). Fernand Salmon reçoit la carte du Combattant le 11 mars 1930. En août, la famille habite à Saint-Pellerin, le village voisin.
En 1931, il passe les permis de conduire auto et poids lourds.
En 1932, Fernand Salmon est muté comme « agent technique principal » au dépôt des Batignolles (Paris Nord, service du camionnage-Ouest), 163 bis avenue de Clichy (Paris 17è).
La famille Salmon emménage dans un groupe d’habitations à bon marché (HBM) qui vient d’être construit pour la Société immobilière des chemins de fer de l’État au 5, rue Henri-Martin à Asnières, face au marché Flachat, et proche du dépôt des chemins de fer et de la gare de Bois-Colombes. Fernand Salmon y sera domicilié jusqu’au moment de son arrestation.
Fernand Salmon est adhérent au Syndicat CGTU de la Fédération des Chemins de Fer, délégué syndical de son service et membre du Parti communiste.
La police connaît ses engagements militants : membre de la cellule Batignolles-camionnage, de la cellule du quartier Flachat à Asnières à partir de 1935, adhérent à la section d’Asnières du Secours rouge international et au Comité départemental d’Eure-et-Loir (section de Courtalain), membre du groupe d’Asnières des Amis de L’Humanité et du Travailleur et de L’Union nationale des Comités de défense de L’Humanité (CDH), « Parrain du 10è bataillon des Brigades internationales lors de la guerre d’Espagne ».
Après la dissolution du Parti communiste (le 29 septembre 1939), il continue de militer clandestinement.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Fernand Salmon est arrêté le 6 janvier 1941 (selon son fils Gilbert) ou le 14 janvier 1941 (date portée sur le certificat du Ministère des Anciens combattants du 25 juillet 1946).
Il est incarcéré au Dépôt de la Préfecture, puis à la Santé jusqu’au 16 janvier 1941. Il est ensuite interné six jours au camp d’Aincourt selon son fils du 17 au 23 janvier, « Centre de séjour surveillé », dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, le 5 octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
Fernand Salmon est transféré à la prison de Rambouillet du 27 janvier au 26 septembre 1941, puis au camp de Gaillon avec 23 autres détenus. Il y est interné du 27 septembre 1941 au 24 mars 1942.
Lire dans le site : la-Maison-centrale-de-Gaillon
A cette date Fernand Salmon est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Il y reçoit le matricule « 3692 ». Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 5 juillet, Fernand Salmon prépare pour sa famille deux lettres, aux contenus quasiment identiques, qu’il va jeter le lendemain depuis le wagon.
Ces lettres seront récupérées par des cheminots et envoyées à leur destinataires, quelquefois accompagnées d’un petit mot.
Il est possible que pour Fernand Salmon, ce soit madame Dugny épouse d’un cheminot déporté dans le convoi qui les lui ait adressées (voir dans le site les Lettres jetées du train).
Depuis le camp de Compiègne, Fernand Salmon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
A son arrivée à Auschwitz, il reçoit le numéro matricule « 49 093« , selon les historiens polonais du camp.
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore la date exacte de son décès à Auschwitz. Selon un témoignage recueilli par sa veuve auprès d’un survivant, il serait mort du typhus à Birkenau. Dans l’ignorance des dates précises de décès les services d’état civil français ont souvent fixé des dates approximatives dans les années qui ont suivi la guerre.
Ainsi l’acte de décès du 20 avril 1946 porte une date de décès à Auschwitz : le 15 décembre 1942.
Georges Dudal et Henri Peiffer ont attesté de son décès à Auschwitz pour sa veuve.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été homologué comme « soldat » au titre de la Résistance Intérieure Française, date de prise de rang du 15décembre 1941 au 15 décembre 1942 (10 janvier 1950).
Sa veuve recevra donc à ce titre la pension de veuve de guerre (notification le 4 octobre 1950).
La mention « Mort pour la France » est inscrite sur son acte de décès le 6 juillet 1946.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives municipales d’Asnières.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Archives familiales et lettre de son fils Gilbert (du 16 décembre 1993).
- Certificat d’appartenance à la Résistance intérieure (Front national).
- Registres matricules militaires des deux-Sèvres.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016 et 2019) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com