Clarin Baixas à Auschwitz

Matricule « 45.192 » à Auschwitz

Clarin Baixas : né en 1908 à Pia (Pyrénées-Orientales) ; domicilié à Nanterre (Seine) ;  marbrier ; syndicaliste, conseiller municipal communiste ; ajusteur, employé communal ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, maisons centrales de Rambouillet et de Gaillon, camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt

Clarin Baixas est né le 13 septembre 1908 à Pia (Pyrénées-Orientales). Il habite au 188, rue Philippe Triaire à Nanterre (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation. Il est le fils de Mathilde Garetta, 39 ans, sans profession et de Michel Baixas, 40 ans,  cultivateur, son époux.

Il est marié avec Raymonde Mora, née le 15 août 1913 à Paris XIIIe (elle est parfumeuse à Clichy). Le couple a quatre enfants, tous nés à Paris : Roger (1931), Micheline (1932), Odette (1934) et Colette (1939).
Clarin Baixas travaille comme marbrier.

Premier tour, 5 mai 1935. Les points rouges mentionnent un « 45.000 ».

Clarin Baixas, membre du Parti communiste et syndiqué à la CGT est présenté par le Parti communiste au premier tour des élections municipales, le 5 mai 1935 sur la liste dirigée par Pierre Brandy et Raymond Barbet à Nanterre.

Le scrutin de ballottage se déroule le 12 mai 1935. Deux listes principales restent en présence. Une liste d’Unité d’action antifasciste qui réunit treize communistes, sept sympathisants et dix socialistes. La liste du maire sortant, rejointe par quelques socialistes, et dont la seule profession de foi est de «faire barrage aux bolchéviques». Le choix des électeurs se porte à 51 % sur la liste d’unité antifasciste.
La liste du maire sortant obtient 47,46 % des voix, reçues essentiellement dans les trois bureaux de vote du quartier du centre » 
(Les élections municipales à Nanterre en 1935. Robert Cornaille, Société d’Histoire de Nanterre, p 47).
Clarin Baixas est élu au deuxième tour le 12 mai 1935 avec 4161 voix sur la liste d’union antifasciste.
Le conseil de Préfecture le déchoit le 29 février 1940, pour appartenance au Parti communiste.

Soldats allemands à Nanterre

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. La nuit du  14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers. En ce début de l’été 1940,  l’effectif  des  troupes  d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Il est arrêté à deux reprises pendant la guerre pour « propagande clandestine ».

Le 5 octobre 1940, il est arrêté par la police française dans la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du parti et de la CGT.

Fiche des renseignements généraux envoyée au directeur d’Aincourt

Il est interné le même jour avec ses camarades, au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, près de Mantes dans la Seine-et-Oise, aujourd’hui dans les Yvelines, ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés. Lire dans le Blog : Le
camp d’Aincourt

Liste du camp de Gaillon (points rouges, seront déportés à Auschwitz)

Le 5 juin 1941, après un passage par la maison d’arrêt de Rambouillet, il est transféré à la Maison centrale ou camp de Gaillon. Lire dans le site : la-Maison-centrale-de-Gaillon

Le 18 février 1942, dans un pli confidentiel adressé à M. Caumont, préfet délégué (directeur du secrétaire général pour la police), le Préfet de police de Paris, François Bard, l’informe d’un projet révélé par ses services « en vue de mettre en application les directives données par les dirigeants communistes à l’évasion « même par la force » d’un certain nombre de militants actuellement internés dans les camps de concentration, les responsables chargés de ce travail procèdent actuellement à l’élaboration d’une liste sur laquelle figurent les internés considérés comme des militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion. Après une première sélection, les dirigeants communistes ont retenu les noms ci-après de plusieurs internés de la région parisienne et de la province, qui seraient actuellement détenus pour la plupart au camp de Gaillon dans l’Eure» (1).

Le camp de Gaillon

Le nom de Clarin Baixas figure sur cette liste de 46 militants communistes dont l’évasion « même par la force », serait préparée par la direction nationale du Parti communiste clandestin. Quatorze d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage. Son épouse et son fils aîné, Roger, lui ont rendu visite à Aincourt et à Royallieu. Pendant sa détention en France, Clarin Baixas fait des dessins à la plume pour ses enfants. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Clarin Baixas est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.192 » (sa photo d’immatriculation (2) a été reconnue par Roger, son fils aîné).

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun document des archives SS préservées de la
destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (à partir des témoignages de rescapés, afin de donner
accès aux titres et pensions aux familles des déportés). Voir l’article :Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

En 1945, des rescapés ont dit à sa famille que Clarin Baixas était mort du typhus dans le train le conduisant à Auschwitz, certainement pour éviter l’évocation des souffrances connues au camp.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué le 1er juillet 1955. Clarin Baixas a été déclaré « Mort pour la France ».

Clarin Baixas est homologué (GR 16 P 28253) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .

Nanterre © Pierre Cardon.

Une rue de Nanterre honore son nom.

  • Note 1 :Cette curieuse note nous semble néanmoins peu vraisemblable. En effet si les RG ont incontestablement eu dans cette période des informations au niveau de la direction communiste clandestine, il s’agit peut-être d’un « coup » monté par le préfet François Bard, nommé en mai 1941 et qui entend ainsi se faire valoir en déjouant une évasion collective (il ne durera qu’un an à cette fonction hautement sensible, remplacé en mai 1942 par Amédée Bussière). On constate en effet que l’on a pris un ou deux noms dans chacune des communes de la Seine et que – pour ce qui concerne ceux pour lesquels nous avons rédigé une notice biographique (les futurs « 45.000 ») – la plupart ne sont ni les tout premiers responsables de l’appareil clandestin du PC – ce qui légitimerait qu’on en prépare l’évasion – ni des membres connus des anciens services d’ordre du Parti ou d’anciens des brigades internationales, ce qui semblerait logique dans le cadre d’une évasion collective de cette ampleur.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la
    Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages paoter de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives de Nanterre, liste de déportés.
  • Lettre (mars 2006) de sa fille, Mme Odette Breton, dont le frère aîné a reconnu la photo « en rayé ».
  • ACVG juin 1992.
  • Mairie de Pia (66) le 10 août 1992.
  • Archives de la Préfecture de police,
    Cartons occupation allemande, BA 2374. 

  • Le registre d’état-civil porte la mention « Mort au camp de Compiègne, le 6 juillet 1942 » comme date de décès : dans l’ignorance des dates précises, les services français d’Etat-Civil ou les ACVG (pour établir les pensions), ont souvent fixé des dates fictives dans les années qui ont suivi la guerre (le jour du départ, le 1° du mois, le 15, le 30, le 31).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
  • Photo plaque de rue à Nanterre © Pierre Cardon.
  • Société d’Histoire de Nanterre : « Elus et militants à l’époque du Front populaire », par Claude Pennetier, bulletin n° 18, septembre 1996. Bulletins de vote des élections de 1935.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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