Matricule « 45251 » à Auschwitz

André Bisillon : est né le 8 décembre 1895 à Toutry (Côte-d'Or) ; domicilié à Puteaux (Seine) ; mécanicien, surveillant d’octroi ; militant CGT, communiste ; arrêté le 27 janvier 1941, relâché par le juge ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 29 août 1942.

André Bisillon est né le 8 décembre 1895 à Toutry (Côte-d’Or). Il habite au 16, rue Hoche à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation. Il est le fils de Geneviève, Honorine Voisin, 33 ans, sans profession et de Jean-Baptiste Bisillon, 43 ans, ajusteur, son époux. Ses parents habitent le hameau de Montzeron par Toutry.
Son registre militaire (matricule n° 3810 du 4ème bureau de la Seine) nous apprend qu’il a les cheveux bruns, les yeux marrons, le front bombé et le nez saillant, le visage ovale. Il travaille comme mécanicien puis surveillant d’octroi et habite chez ses parents à Saint Maurice au 10 grande rue à (canton de Charenton, Seine / Val de Marne). Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Il a le permis de conduire les automobiles.
Le 1er août 1914 la mobilisation générale est décrétée. Conscrit de la classe 1915, il s’engage volontairement pour la durée de la guerre le 21 septembre 1914 à Paris 12ème, pour le 168ème Régiment d’Infanterie. Après l’instruction militaire, il « passe » au 7ème régiment de tirailleurs indigènes le 11 avril 1915. Il est nommé caporal le 18 mars 1915 et caporal fourrier le 9 septembre 1915.

Croix de guerre avec étoile de Bronze

Du 25 au 27 septembre 1915, il participe à la 2ème bataille de Champagne (attaques entre le bois Sabot et les ouvrages d’Ulm). Il est cité à l’ordre du jour n° 115 du 1er Régiment de Zouaves « très bon gradé, grièvement  blessé  lors de l’attaque d’une forte position ennemie ». Après convalescence, il « passe » au 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens le 6 janvier 1916. Lourdement handicapé, il n’est admis à la réforme n°1 que le 24 novembre 2017, avec gratification de 466 F, décision de la
commission de réforme transmise par dépêche le 17 décembre 1917. Il est réformé définitivement le 31 juillet 1922, titulaire d’une pension permanente de 40%.
En 1929, il est surveillant d’octroi, domicilié au 13, rue du Puits à Suresnes.
Le 6 avril 1929, il épouse Germaine Helluin à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine). Née à Reims le 9 janvier 1895, elle a 34 ans. Emballeuse, domiciliée 13, rue des Puits. Elle est divorcée en 1920 de Lucien Colas, épousé en 1912. Le couple Bisillon s’installe en octobre 1929 au 13, rue du Puits à Suresnes. Il est métallurgiste, puis employé communal (surveillant d’octroi).

En octobre 1934 ils viennent s’installer au 16, rue Hoche à Puteaux, où il s’inscrit sur les liste électorales à cette date. Il est toujours surveillant d’octroi.
Militant communiste, il est aussi responsable du Syndicat CGT des Communaux de Puteaux. En 1936, il appartient au Bureau du Comité de propagande et d’actions syndicales. Membre de l’ARAC, il adhère au Mouvement Amsterdam-Pleyel.
André Bisillon adhère au Parti communiste en 1936. Il est secrétaire de la cellule des Bouvets à Puteaux (Seine-Ouest) en 1937 et 1938. Il fait l’objet
de fiches policières comme cela a été le cas dans la plupart des communes de la Seine (lire à titre d’exemple dans le site : Le rôle de la police française (Rouen, Ivry et Vitry, BS1). Ces données seront reprises à l’Occupation par la Brigade spéciale des RG (BS1) et transmises à l’occupant. En janvier 1940, un rapport de police notait : « … depuis la dissolution de ce parti, il observe une attitude réservée au point de vue politique. Toutefois, dans son entourage, on pense généralement qu’il est resté fidèle aux théories moscoutaires, car il n’aurait élevé aucune protestation contre le pacte germano-soviétique ou l’attitude des chefs communistes français».

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Georges Barthélémy, député Maire socialiste de Puteaux, vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et s’engage dans la voie de la collaboration, restant maire de Puteaux sous l’occupation. Anticommuniste virulent, il déclare notamment que les dirigeants communistes doivent être traduits devant les tribunaux militaires « pour non pas subir le feu du peloton d’exécution, ce serait leur faire trop d’honneur, mais être poussés sous le couperet » (il est abattu à Paris en 1944 par un groupe de résistants communistes).

Devant la recrudescence de l’activité de propagande clandestine (inscriptions à la craie, collage de papillons gommés et diffusion de tracts), le commissariat de police de Puteaux et les Renseignements généraux intensifient les surveillances, filatures et enquêtes de voisinage.
En janvier 1941, une structure communiste clandestine d’une trentaine de membres est découverte.
26 militants, dont André Bisillon,  Louis Leroy, Lucien Pairière et Emile Poupleau, sont arrêtés et inculpés d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste), pour : « recrutement d’éléments susceptibles de participer d’une manière particulièrement active à l’organisation de la propagande communiste clandestine à Puteaux » et « confection, répartition et diffusion du « matériel de propagande (tracts, papillons, placards) ».
René Bisillon est arrêté le 27 janvier 1941. Il nie formellement avoir participé à l’activité clandestine. Il est conduit au Dépôt de la Préfecture
de police le 9 février 1941.
Le 18 mars, le nouveau Préfet de police de Paris, Camille Marchand, informe le bureau du personnel communal de la Préfecture de la Seine (René Bisillon est employé à l’octroi) qu’il a ordonné l’internement administratif d’André Bisillon au CSS d’Aincourt. Mais le 12 avril, le juge instruisant son inculpation le met en liberté provisoire, sans que les Renseignements généraux et la Préfecture n’en aient été informés. Mais il figure désormais dans les fichiers de la Préfecture, qui utilisera cette condamnation lorsque les autorités allemandes réclameront des
listes d’otages. Le 26 juin 1941, André Bisillon est arrêté à nouveau, à son domicile, par des policiers du commissariat de Puteaux.

Extrait de la liste des RG du 26 juin 1941, montage à partir du début de la liste, © Pierre Cardon

Aux archives de la Préfecture de police de Paris, son nom est mentionné sur une liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941 à Compiègne : Elle indique pour André Bisillon : « Meneur particulièrement actif ».

Cette arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Bisillon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

 Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45251 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

L’entre du camp d’Auschwitz

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

André Bisillon meurt à Auschwitz le 29 août 1942 d’après les registres du camp.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. L’association Nationale des anciens FFI-FTP l’a proposé pour la médaille commémorative de la guerre 1939-1945, remise le 14 juillet 1949. En mai 1970, son nom est gravé sur le monument à la mémoire des Martyrs de la Résistance à Puteaux.
Son nom est honoré à Puteaux, dans le square des martyrs de la Résistance sur le monument « A la mémoire des martyrs de la Résistance » inauguré le 7 septembre 1989 (relevé Claude Richard / mémorialgenweb).

André Bisillon est homologué (GR 16 P 61465) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
En 1947, sa veuve, membre du PCF, travaillait comme mécanicienne. Elle est décédée le 9 août 1966 à Casaglione (Corse).

Sources

  • Plaquette mai 1981, « La Résistance à Puteaux, Juin 1940 à Août 1944« . Témoignages vécus et recueillis par Jean Nennig,
  • M. Philippe Buyle, historien (février 1991).
  • Mlle Chabot, archiviste (juin 88 et février 1991).
  • Témoignage de Madame Marie-Louise Pairière, veuve de Lucien Pairière, un des « 45000 » de Puteaux, juillet 72.
  • L’état civil porte le 15 septembre comme date de décès. Cette date est fictive : dans l’ignorance des dates précises, les services français d’Etat Civil ou les ACVG (pour établir les pensions aux familles), ont souvent fixé des dates fictives dans les années qui ont suivi la guerre (le jour du départ, le 1° du mois, le 15, le 30, le 31).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Acte de décès d’avril 1992.
  • Archives en ligne de Côte d’Or.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. RG.
  • Etat civil et Registres matricules militaires de la Côte d’Or.
  • Etat civil de la Marne.
  • Etat civil de Suresnes, mariages 1929 (p 18/67).

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Nanterre.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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