Evadé du convoi
Félix Bouillon : né en 1913 à Nanteau-sur-Lunain (Seine-et-Marne) ; domicilié à Caen (Calvados) ; docker ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 ; évadé en gare de Metz ; repris, interné à Romainville ; décédé en 2001.
Félix Bouillon est né le 16 mai 1913 à Nanteau-sur-Lunain (Seine-et-Marne).
Il habite cours Caffarelli (atelier au n°12), puis rue d’Auge, à Caen (Calvados) au moment de son arrestation. Il est le fils de Lucie Neumiller, 27 ans et de Etienne Bouillon, 33 ans, terrassier, son époux.
Docker, il travaille pour Worms et ensuite Savare. C’est là qu’il fait la connaissance d’Eugène Baudoin (déporté le 6 juillet 1942), de Gaston Besnier (déporté en 1943) et de Jean Le Bouteiller (évadé en même temps que lui).
Il fait son service militaire à Saint-Lô au 8è Régiment d’Infanterie.
Mobilisé en 1940, il est fait prisonnier.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Félix Bouillon est prisonnier de guerre pendant un an en Allemagne, à Dortmund, au Stalag 613. Il est rapatrié comme malade.
II travaille alors comme mécanicien.
Félix Bouillon est arrêté à son domicile à 2 heures du matin par la police française le 1er mai 1942 après le déraillement de Moult-Argences.
Il figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes.
Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. Lire dans le sit : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis le camp de Compiègne, Félix Bouillon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il s’évade du train peu avant Metz, mais il est repris par les gardes-frontière allemands.
Lire dans le site : Les 3 évadés du convoi du 6 juillet 1942.
Récit de son évasion page 57 dans « de Caen à Auschwiz« )
« Le train s’est mis à ralentir en approchant de Metz. nous avons (avec Jean Lebouteiller) vu dans une courbe, qu’à la fin du convoi il n’y avait pas de locomotive. Nous ne risquions pas d’être écrasés par la machine en se laissant glisser sur le ballast. Nous avons attaqué le plancher du wagon avec nos outils : des lames de sommier récupérées à Compiègne dans notre block.
Le danger : les soldats du fourgon de queue armés d’une mitrailleuse.
Avant l’arrivée à Metz nous profitons du ralentissement du train et nous nous jetons sur la voie. Pour amortir la chute nous nous protégeons avec un vêtement au niveau de la tête et de la nuque.
Je me lance en premier, et reste allongé sur le ballast, laissant le convoi passer sans bouger. La sentinelle ne m’a pas vu. Gagné ! Jean (Lebouteiller) apparaît à son tour à cent cinquante mètres de là. Le train s’éloigne. Nous nous retrouvons. Nous avons fait un peu de toilette dans un petit cours d’eau plus bas. Malheureusement deux gardes-frontières allemands nous ont vus et interpellés. Nous ne répondons pas aux questions (ne connaissant pas l’allemand et nous sommes emmenés au poste de police et ensuite à Metz). Nous sommes alors tabassés proprement et mis en prison après avoir été identifiés comme évadés du convoi. Nous y sommes restés quelques jours avant le retour à Compiègne. Nous sommes transférés à Romainville d’où partent 46 otages, fusillés le 21 septembre 1942 au Mont Valérien. Nous sommes libérés en janvier 1943 ».
Félix Bouillon est ramené sur Paris, au camp de Compiègne, puis transféré à celui de Romainville.
Il en est libéré le 8 janvier 1943.
Le 3 juillet 1943, à Paris 17°, il épouse Carmella, Hectorine Donato.
Il a témoigné dans les écoles sur son internement avec André Montagne, (photo ci-contre).
Félix Bouillon est décédé le 25 juillet 2001, à Caen
Sources
- 3 Photos : Félix Bouillon avant son arrestation / interview par Thomas un élève du collège (en compagnie d’André Montagne).
- Félix Bouillon à la gare de Caen.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Fiche de Jean Quellien, historien.
- « De Caen à Auschwitz » collège Paul Verlaine d’Evrecy, lycée Malherbe de Caen et Association « Mémoire Vive ». Pages 26 et 57
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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