Matricule « 45.710 » à Auschwitz

Louis Lacour est né le 19 septembre 1901 à Flers (Orne). Il habite 74, boulevard Rodin à Issy-les-Moulineaux (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victorine Langlois, 23 ans, dévideuse et de Louis Cyrille Lacour, menuisier, 24 ans, son époux. Ses parents habitent 4, cours Launay à Flers.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Flers au moment du conseil de révision
et qu’il travaille comme débardeur de bateaux, puis ouvrier spécialisé machine, puis cimentier. Il mesure 1m 73, a les cheveux châtain et les yeux bleus, le front vertical, le nez rectiligne et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1921, Louis Lacour est appelé au service militaire le 1er avril 1921. Il est incorporé au 130ème régiment d’infanterie, où il arrive
le 6 avril. Il passe au 21ème régiment de tirailleurs algériens le 29 décembre 1921. Il va faire la campagne du Levant en Syrie de cette date jusqu’au
9 janvier 1923. Lors de la dissolution du 3ème bataillon du 21ème régiment de tirailleurs algériens, le 8 décembre1922, il passe au 17ème régiment
de tirailleurs algériens. Le 1er avril 1923, il passe « dans la disponibilité » et bénéficie d’une permission de rapatriement.
N’étant pas revenu au corps le 13 avril, il est considéré comme déserteur. Il est rayé du contrôle de la désertion le 27 avril, ramené à la caserne par la gendarmerie. Il passe au 13ème régiment d’infanterie le 13 juin 1923. Il est renvoyé dans ses foyers le 26 juin 1923, « certificat de bonne conduite refusé ». Il « se retire » à Rouen au 8 et 10, rue du Plâtre.
En décembre 1927, il habite 19, rue du Maréchal Pétain à Coutances (Manche).
Louis Lacour épouse Renée, Marie, Eugénie Lenoël le 24 mars 1928, à la Lande Patry (Orne), commune à 3 km de Flers. Elle est reçue au Brevet élémentaire en 1923 au cours complémentaire d’Avranches (Orne). En août 1930, le couple habite au 14, rue nationale à Flers. Le couple aura trois filles (Liliane née en 1928, Paulette, née en 1929, Françoise, née en 1933, toutes trois dans l’Orne.
En mars 1933, ils ont déménagé au 4, rue Vieille à Pont-l’évêque (Calvados).  La même année, fin septembre, ils viennent habiter en région parisienne, au 108, rue du point du jour à Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine), près des (anciennes) usines Renault.
En août 1934, Louis Lacour est domicilié à Boulogne (Seine / Hauts-de-Seine), 28, rue de Bellevue, un petit immeuble de deux étages.
Louis Lacour est embauché comme mécanicien auto aux usines Renault de Boulogne-Billancourt du 5 juin au 4 juillet 1934, puis du 28 février au 28 juin 1935, du 27 novembre 1936 au 24 novembre 1938 et du 7 décembre suivant jusqu’à sa mobilisation.
En mars 1938, le couple est à nouveau domicilié à Billancourt, 233, rue Galliéni. Le novembre 1938, ils viennent habiter au 74, boulevard Rodin à Issy-les-Moulineaux, un logement où Louis Lacour sera arrêté.
Peu avant la mobilisation générale de 1939, Louis Lacour est « rappelé à l’activité » le 26 août 1939 et affecté au 41ème dépôt d’infanterie où il arrive le jour même (mise en vigueur du plan B, rappel des réservistes non-frontaliers affectés aux unités de forteresse avant le décret de mobilisation générale du 2 septembre 1939). Père de famille de trois enfants, il est reclassé « classe 1915 », le 2 décembre 1939.

Le 3 juin 1940, l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux, servant de base aux avions de l’Etat Major de l’armée
française pour les liaisons, et la cartoucherie Gevelot sont bombardés par la Luftwaffe (nom de code « Opération Paula ».  Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En novembre 1940, il s’inscrit au bureau de chômage des usines Renault (les registres indiquent « à ne pas reprendre »). Surveillé par la police
avant-guerre, en tant que militant communiste ou syndicaliste pour son activité locale ou dans l’entreprise (notamment pour la participation aux grèves de 1936 et de 1938), il fait comme ses camarades l’objet de fiches policières comme cela a été le cas dans la plupart des communes de la Seine (lire à titre d’exemple dans le blog : Le rôle de la police française (Rouen, Ivry et Vitry, BS1). Ces données sont reprises à l’occupation par la Brigade spéciale des RG (BS1).

Le 7 janvier 1941, le commissaire de police de Boulogne-Billancourt écrit au directeur des Renseignements généraux pour lui signaler Louis Lacour « aux fins d’internement. Communiste violent. Dernièrement encore, il s‘est trouvé mêlé à une affaire de distribution de tracts, mais n’a pu être inculpé,
quoique ayant une activité certaine
 ». Le 27 janvier son domicile est perquisitionné. « Visite domiciliaire » négative. Le rapport des RG indique : «La situation de Lacour sera examinée en vue d’une prochaine mesure de concentration ».

Liste des RG, 24 juin 1941, montage avec l’en-tête de la liste (Pierre Cardon).

Louis Lacour est arrêté à Issy-les-Moulineaux le 24 juin 1941 dans
le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), en vue de leur déportation comme otages. La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 24 juin 1941, mentionne pour Louis Lacour : « militant notoire de l’ex Parti communiste. Meneur très actif ».  Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Louis Lacour est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45710 », selon la liste par matricules du convoi établie
en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de
savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Louis Lacour meurt à Auschwitz le 31 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 684 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). 

Stèle à Issy : Camille Delbès, Paul Dumont, Louis Lacour, Ernest Rossignol. Quatre « 45000 » sont honorés. Il y manque Marcel Burel.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Issy-les-Moulineaux.

Sources

  • Etat civil des mairie d’Issy et de Flers, 1992.
  • Correspondance avec Maurice Hochet, ancien détenu à Compiègne (1992).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des Archives des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Registres matricules militaires de l’Orne.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Un Commentaire

  1. cet homme était mon grand père maternel et je ne connaissais rien de sa vie merci de cette biographie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *