Signature le jour de son mariage

Matricule « 45 817 » à Auschwitz

Gabriel Maisonneuve : né en 1909 à Colombes (Seine) ; domicilié à 
Courbevoie (Seine) ; polisseur sur métaux, ouvrier du bâtiment ; communiste ; ancien des Brigades Internationales ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 12 septembre 1942.

Gabriel Maisonneuve est né le 14 avril 1909 à Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine).
Il habite au 15, rue de l’Industrie à Courbevoie (ancien département de la Seine) au moment de son arrestation.  Il est le fils de Florentine, Ernestine Launois, 26 ans, blanchisseuse et de Jean Maisonneuve, 27 ans, passementier qui le reconnait à sa naissance.
Ses parents habitent alors au 28, rue du Progrès à Colombes.
Il est ouvrier du Bâtiment.

Le 14 février 1931 Gabriel Maisonneuve épouse Madeleine Marguerite Viry, à Courbevoie, où il est domicilié chez ses parents au 7, rue de Bezons. Le mariage prévu le 31 janvier 1931 avait été annulé « par défaut des parties ». Il est vraisemblable que Gabriel Maisonneuve, qui effectue alors son service militaire au 73è Régiment d’artillerie à cheval, comme canonnier d’artillerie, en garnison à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) n’avait pas eu de permission pour se marier à la date prévue.
Madeleine Viry, 17 ans, manutentionnaire, est née à Courbevoie le 3 février 1913. Elle est domiciliée au 49, Louis Blanc à Courbevoie.
Le couple a un fils, Maurice, qui naît le 3 mai 1931 à Paris.
Le couple se sépare en 1937, et le garçon est confié à sa grand-mère.
Gabriel Maisonneuve adhère au syndicat CGT en 1936 et au Parti communiste en 1937. Il habite alors au 8, rue du Vieux-Pont à Courbevoie. Responsable à la « littérature » au sein de sa cellule, il est également « CDH », appellation que se donnent les militants vendant bénévolement  l’Humanité au sein d’un Comité de défense de L’Humanité (1).

Il s’engage en novembre 1937 dans les Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue par Hitler et Mussolini.

Brigadistes (montage Pierre Cardon)

Le 11 novembre 1937, il est affecté à la 14è Brigade Internationale, surnommée « La Marsellesa« , sans doute au sein du 3è bataillon « Henri Barbusse » où se retrouvent les volontaires français. La 14è brigade internationale qui avait été retirée du front le 19 octobre 1937 après avoir perdu 1200 hommes à la bataille de La Cuesta de la Reina, est passée sous le commandement du français Marcel Sagnier.
Gabriel Maisonneuve combat dans le secteur de Valdemorillo. Le 20 mai 1938 on trouve son nom sur une liste de permissionnaires. Compte tenu de la date, il n’est sans doute pas retourné en Espagne.
Lire dans le site : Les « 45 000 » ayant combattu pour l’Espagne Républicaine (1936-1938)

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Militant communiste et ancien Brigadiste, il est arrêté par la police française à Courbevoie le 5 octobre 1940, dans la grande rafle organisée avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du parti et de la CGT).
Il est interné avec ses camarades, au camp de «séjour surveillé» d’Aincourt, dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), près de Mantes, ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt

Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue
par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de
leur internement (C 331/7). Pour Gabriel Maisonneuve on lit les mentions :
« 31 ans. Militant actif et propagandiste notoire », suivies de son adresse.

Il est interné à Aincourt du 5 octobre 1940 au 26 avril 1942. Il y travaille à la blanchisserie.

Le 23 avril 1942 il est transféré au CSS de Voves au sein d’un groupe de 91 internés (les 23 et 26 avril 1942, ce sont 153 internés en provenance d’Aincourt qui sont transférés à Voves).
Lire dans le site : Le camp de Voves

Le camp de Voves © ARMREL

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Gabriel Maisonneuve figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».

Gabriel Maisonneuve est remis aux autorités allemandes qui l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 10 mai, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il reçoit le matricule « 5707 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gabriel Maisonneuve est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 817 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Gabriel Maisonneuve meurt à Auschwitz le 12 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 761). Il est homologué « Déporté politique ».

Des rescapés courbevoisiens des camps rendent hommage à leurs camarades (FNDIRP)

Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 18 décembre 1949, il est homologué comme « Soldat » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er octobre 1940.

Son nom figure sur la pancarte (points rouges)

Son nom figure sur la plaque commémorative en Mairie de Courbevoie et sur le monument aux Déportés et fusillés, dans le cimetière RP Cloarec.

  • Note 1 : Les CDH sont créés en 1929 à l’appel de Marcel Cachin en riposte à l’offensive du ministère Tardieu contre L’Humanité. En effet le journal, toujours vulnérable depuis sa création, est mis en demeure de régler ses arriérés après la mise en liquidation de la  » Banque Ouvrière et Paysanne  » provoquée par une enquête du ministère.
    1929, création des CDH

    En 1929, la création des  » Comités de Défense de l’Humanité  » permet de desserrer l’étau : c’est le début de la longue tradition de vente militante. Dans la foulée, la première fête de l’Humanité se tient en septembre 1930, à Bezons. (Lire l’article de Pierre Milza « Les problèmes financiers du journal «L’Humanité» de 1920 à 1939 »  dans la « Revue d’histoire moderne et contemporaine »  Année 1973  20-4  pp. 553-567

Sources

  • Témoignage de Fernand Devaux
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. 1992.
  • ACVG, février et juin 1992 (acte de décès établi le 3 octobre 1946).
  • Archives municipales de Courbevoie (Liste des déportés de Courbevoie. Cérémonie commémorative).
  • Liste incomplète) du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • Brigadistes : BDIC Nanterre / Archives du Komintern, Fonds des Brigades Internationales (RGASPI), Mfm 880/24 – Dossiers des volontaires français.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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