Louis Chaussard à Auschwitz

Matricule « 45.362 » à Auschwitz

Louis Chaussard : né en 1889 à Cercy-la-Tour (Nièvre) ; domicilié à  Dijon (Côte d’Or) ; cheminot ; communiste ; arrêté le 23 juin 1941 ;  interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 3 octobre 1942.

Louis Chaussard est né le 25 août 1889 à Cercy-la-Tour (Nièvre). Il habite au 1, ou 16, rue de la Manutention à  Dijon (Côte d’Or) au moment de son arrestation.
Louis Chaussard est le fils d’Annette Michaud, 34 ans, sans profession et d’Etienne Chaussard, 42 ans journalier, son époux.
Issu d’une fratrie de neuf enfants Louis Chaussard a sept sœurs et frères aînés (Charles 1872, Charlotte 1875, François 1877, Jean 1880, Eugène 1883, Marie 1884, Annette 1887) et une sœur cadette (Adolphine 1894).
Il habite à Cercy-la-Tour et exerce le métier d’employé de commerce au moment du Conseil de révision.  Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux et yeux châtains, le front étroit, le menton rond, le nez moyen, le visage ovale. Il a un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire supérieure).
Conscrit de la classe 1909, Louis Chaussard est incorporé au 56èmeRégiment d’Infanterie le 30 octobre 1910. Il est envoyé en disponibilité le 31 octobre 1912, « certificat de bonne conduite accordé ».
Il épouse Clémentine Chatelain (née à Cannes Ecluses le 2 avril 1892) à Cercy-la-Tour le 12 juillet 1913.
Le couple aura trois filles : Andrée, née le 13 mars 1917 à Cercy-la-Tour (58), Alice, née le 16 juillet 1918 à Cercy-la-Tour et Micheline, née le 5 décembre 1929 à Nevers.
Avec la mobilisation générale (décret du 1er août 1914), il est rappelé sous les drapeaux au 8ème escadron d’infanterie, à Châlons-sur-Marne, où il arrive le 3 août. Il est blessé le 25 août 1914 (plaie par balle au mollet droit) à Essey-la-Côte (Meuthe-et-Moselle) lors de la reprise de Rozelieures (1315 tués !). Il est à nouveau blessé (atrophie papillaire : il n’aura plus qu’1/10èmeà l’œil droit) et évacué du Bois d’Ailly le 28 mars 1915 lors de la bataille de Saint-Mihiel. Pendant l’offensive de Champagne, il est évacué des tranchées de La Courtine le 2 avril 1917. Il passe au 8èmeescadron du Train le 20 janvier 1919. Louis Chaussard est démobilisé le 3 avril 1919 (campagnes contre l’Allemagne comptabilisées du 6 août 1914 au 6 avril 1919) et classé dans la Réserve militaire comme « affecté spécial » aux chemins de fer de campagne et affecté au PLM à Cercy-la-Tour en qualité de manœuvre (laveur).

La Tribune des cheminots 15 sept. 1927

Le 15 septembre 1927, la Tribune des cheminots organe de la Fédération CGTU des Cheminots, publie un article dans lequel les cheminots unitaires relatent un incident qui les a opposés aux confédérés. Louis chaussard y est mentionné parmi les membres du bureau de la section de Cergy-la-Tour.
En mai 1929 il habite Nevers au 74, rue des Montapins.
En septembre 1935, le couple habite au 1, rue de la Manutention à Dijon.
Louis Chaussard est employé au dépôt SNCF, où il travaille à l’entretien : il est sous-chef brigadier de manœuvre ( in « Rail et Mémoire« ).
Louis Chaussard est communiste et connu comme tel par les services de police.

Sueddeutsche Zeitung Photo : Dijon 1940

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 17 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Dijon et s’y installent. Interdictions, réquisitions, couvre-feu, l’armée allemande contrôle la ville. Dijon est durement touchée par la politique antisémite et les arrestations orchestrées par les troupes allemandes et l’administration de Vichy. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Louis Chaussard est arrêté, le 23 juin 1941, par la police allemande (le 22 juin 1941 et dans les jours qui suivent l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent dans la zone occupée et avec l’aide de la police française, plus de mille communistes.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (Louis Chaussard est détenu dans les prisons de Dijon et de Vesoul), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Louis Chaussard est interné à Compiègne, le 5 juillet 1941. Il y reçoit le matricule n° »1096″.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Chaussard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Louis Chaussard à Auschwitz le 8 juillet 1942

 Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz (1) le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45362« . La photo d’immatriculation portant ce numéro matricule a été identifiée par Gabriel Lejard, rescapé du convoi, parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Louis Chaussard meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 165).
Lire dans le site: 
Les dates de décès à Auschwitz.
La date du 15 octobre retenue par le Ministère (JO du 18 septembre 2011) pour apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès le concernant est fictive. Il a été déclaré « Mort pour la France« .

Louis Chaussard est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises Libres (FFI), appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 124317.
Le titre de « Déporté Résistant » lui a été attribué.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membresde la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Souvenirs et témoignages de Gabriel Lejard (cassette 1988).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz identifiée par Gabriel Lejard à la FNDIRP.
  • Fichier central des ACVG à Caen.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
  • Mail de Madame Claudette Roche, petite-nièce de Louis Chaussard (25 juillet 2011) concernant la généalogie.
  • Etat civil et Registres matricules militaires de la Nièvre en ligne.

Notice biographique rédigée en février 1998, complété en 2015, 2016 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com .

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