Henri Jamet : né en 1898 à Campagnoles (Calvados) ; domicilié à Caen (Calvados) ; électricien puis caviste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 25 août 1942. 

Henri Jamet est né le 1er juillet 1898 au domicile de ses parents au hameau de La Renaudière à Campagnoles (Calvados) près de Vire. Il habite un petit pavillon au 6, rue Beau-Soleil à Caen (Calvados) en 1940, puis au 73, rue Caponnière selon l’adresse communiquée par la Préfecture au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augustine, Adrienne Lelevé, 30 ans, ménagère et de Pierre, Adrien Jamet, 39 ans, cultivateur, son époux. Il a trois sœurs, Marie-Louise, Yvonne et Juliette et 3 frères, Alphonse, Emile et Jules.

Son registre matricule militaire indique qu’il habite Coulonces dans le canton de Vire et qu’il est cultivateur au moment du conseil de révision. Il sera par la suite ouvrier d’usine, puis garçon de cave.
Il mesure 1m 78, a les cheveux châtains et les yeux bleus, le nez aquilin et le front large. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1918, il est mobilisé par anticipation en 1917, comme tous les jeunes gens de sa classe.
Il est incorporé le 2 mai 1917 au 36ème régiment d’infanterie, basé à Caen. Après 7 mois d’instruction, il part « aux armées » le 30 décembre 1917. Le 36ème est engagé dans le secteur du Chemin des Dames. Le 7 juin 1918, il « passe » au 359ème régiment d’infanterie, aussitôt engagé avec l’appui des tanks pour la reprise de Mortemer. Le 28 octobre 1918, il passe au 297ème R.I. lui aussi engagé dans le même secteur. Après l’armistice, le régiment est dissous en février 1919. Le 7 février 1919, Henri Jamet est versé au 19ème escadron du Train. Du 29 mars 1920 au 6 juin, il est affecté au 166ème R.I. qui occupe les territoires rhénans en Allemagne, conformément au traité de Versailles. Rapatrié le 6 juin suivant, il est démobilisé le 9 juin, « certificat de bonne conduite accordé », et « se retire » à Coulonces (banlieue de Vire).
En décembre 1920, il vient habiter au 3, rue aux Teintures à Vire (Calvados). Il est alors ouvrier d’usine, électricien.

Le Bonhomme Normand avril 1921

Il épouse Léontine, Julienne Marie à Vire, le 18 avril 1921.
Elle est couturière, domiciliée 12, rue du Bourgneuf. Agée de 22 ans, elle est née le 12 avril 1899 à Vire. Le couple habite en mai au village des Monts, commune de Vaudry (près de Vire). En novembre 1923, le couple a déménagé au 74, rue Émile Chénel, à Vire. En décembre 1931, ils viennent habiter au sud de Caen, rue de Cormelles, à quelques rues de Mondeville.
Henri Jamet travaille alors comme caviste à la Société Coopérative de Mondeville-Colombelles, émanation directe de l’usine SMN (« Société Métallurgique de Normandie »).

Le pavillon rue Beau Soleil

partir de  janvier 1937, Henri Jamet habite un pavillon au 6, rue Beau Soleil à Caen, rue voisine de la rue de Cormelle.
Le couple Jamet-Marie se sépare par jugement de divorce promulgué à Caen, le 6 novembre 1939.

Le décret de mobilisation générale du 1er septembre 1939 le « rappelle à l’activité ». Le 2 septembre 1939, il est mobilisé et affecté à la  Défense passive de Caen. Le 30 avril 1940, il est affecté au dépôt d’infanterie n° 33.

Le 13 juillet 1940, Henri Jamet épouse en secondes noces Claudine Lucienne, Constance Davoult, à Caen. Elle est tricoteuse, domiciliée allée des fleurs à Caen. Agée de 26 ans, elle est née à Ifs (Calvados), le 18 février 1914.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Le 13 juillet 1940, Henri Jamet épouse en secondes noces Claudine Lucienne, Constance Davoult, à Caen. Elle est tricoteuse, domiciliée allée des fleurs à Caen. Agée de 26 ans, elle est née à Ifs (Calvados), le 18 février 1914. Henri Jamet est démobilisé à Caen le 31 août 1940.

Liste de militants communistes arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai 1942 (© montage P. Cardon)

Il est arrêté le 2 mai 1942 à son domicile,  comme otage communiste, alors qu’il travaillait dans son jardin à Ifs, par la police française sur désignation de la Feldkommandantur 723.
Il figure en effet sur la liste de 120 otages «communistes et Juifs» établie par les autorités allemandes. en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43ème RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Il est emmené de nuit à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen (dite également prison de Beaulieu), entassé avec d’autres militants communistes caennais arrêtés le même jour, au sous-sol dans des cellules exiguës.
A la demande des autorités allemandes (la Feldkommandantur 723), Henri Jamet et ses codétenus sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés, mais déportés.  Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen.
Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage d’André Montagne).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Jamet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45683 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz 1946

Il est resté à Birkenau selon la date et le lieu de décès porté à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz).
Henri Jamet meurt à Birkenau le 25 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 2, page 497). 

Attestation d’André Montagne pour sa veuve

A la demande de sa veuve, qui en 1949 habite toujours au 6, rue Beau-Soleil, André Montagne, rescapé du convoi a attesté de sa mort au camp d’Auschwitz.

Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1955.

Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et d’André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom d’Henri Jamet est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942.
Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

Sources

  • Fiche FNDIRP (demande de carte de Déporté politique) établie par sa femme (1949) et dossier statut (demande de titre).
  • Demande d’attestation de la FNDIRP de Caen à André Montagne (23 décembre 1949).
  • Lettre et attestation d’André Montagne à la FNDIRP (28 décembre 1949).
  • Lettre et certificat adressés à Mme Jamet (13 juillet 1951).
  • Listes d’arrestations des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (Feldkommandantur 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (document CDJC 1990).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen.
  • © Archives en ligne du Calvados, Etat civil et registres matricules.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
    (1946).
  • Jean Michel Guillot, La vie au Plateau, mémoire de recherche 2008.
  • Recherches généalogiques (acte de naissance, mariage, divorce, recensements 1931 et 1936, articles de presse) effectuées par Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2016, 2017 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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