Jean Mahon in « les communistes dans la Résistance en Côte d’Or » éd. PCF 21 / 1996 p.2

Matricule « 45.813 » à Auschwitz

Jean Mahon : né en 1905 à Bar-sur-Aube (Aube) ; domicilié à Dijon (Côte d’Or) ajusteur, cheminot ; syndicaliste, secrétaire régional du PC ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz  où il meurt le 24 août 1942.

Jean Mahon est né le 9 mai 1905 à Bar-sur-Aube (Aube).  Il habite au 12, rue des Moulin à Dijon (Côte d’Or) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Blanche Blavoyer, 26 ans, ouvrière en robes, née en 1878 à Bar-sur-Aube et de Raoul Mahon, 25 ans, né en 1880 à Arcy-sur-Aube, maréchal-ferrant, son époux.
Ses parents habitent au 2, rue Gambetta à Bar-sur-Aube. 
Il a une demi-sœur, Marcelle Blavoyer, née en 1900 à Sainte-Savine et une sœur, Marthe, Marie, Joséphine née en 1911. La famille habite 2, Boulevard Gambetta à Bar-sur-Aube en 1906.
Leur père, de la classe 1900 est rappelé et mobilisé à la déclaration de guerre. Blessé en juillet 1917, il décède le 4 novembre 1918 à Nogent-en-Bassigny (Haute-Marne). Ses enfants sont « adoptés par la nation » en 1919″.
Le 7 octobre 1919, Jean Mahon entre comme apprenti ajusteur au dépôt PLM de Dijon-Perrigny (Côte-d’Or). Jusqu’en 1927, Jean Mahon est domicilié avec sa famille à Longvic (Côte d’Or), dans la banlieue sud, limitrophe de Dijon. Il est bientôt sous-chef de brigade d’ouvriers.

Le 5 février 1927 à Dijon, il épouse Henriette Belin, employée de bureau. Elle a 21 ans, née le 25 septembre 1905 à Dijon et y étant domiciliée au 5, rue de l’Espérance. Le couple a un fils, Pierre, Raoul, François, qui naît à Dijon le 27 février 1931. La famille vit alors au 5, rue de l’Espérance.
Jean Mahon est cheminot, ajusteur à la Compagnie PLM.
Militant communiste et syndicaliste « aux côtés de ses camarades cheminots, Jean Bouscand, Auguste Heinimann » (Le Maitron). Jean Mahon est « très apprécié, aussi bien politiquement que syndicalement » (Gabriel Lejard). Son épouse est également une militante communiste, membre du Comité Mondial des Femmes, section de la rue du Goujon, ainsi que le mentionne La Bourgogne Républicaine du 11 mai 1938, lors des obsèques de sa mère, Berthe Belin.
« Militant communiste, il fut membre de la cellule communiste du Dépôt et également membre du secrétariat régional du PCF (Côte-d’Or et Yonne) avant la guerre aux côtés de Jean Bouscand. Il publia de nombreux articles dans Le Travailleur de l’Yonne – Côte-d’Or ». Le Maitron.
En 1938, Jean Mahon est secrétaire régional du Parti communiste.
Il est sous-Chef de brigade d’ouvriers aux Ateliers SNCF de Dijon-Perigny.
« 
À l’automne 1939, plusieurs cadres communistes de la région dijonnaise furent mobilisés, un bureau est formé avec les cheminots (qui restent en poste), dont Jean Bouscand et Jean Mahon » Le Maitron.
Il est signalé en mars 1940 par le Ministère des Transports comme « militant communiste, propagandiste, à écarter ». Il est vraisemblable qu' »affecté spécial » en tant que cheminot pendant le conflit, il ait été radié de cette affectation après cette note, radiation qu’ont connue presque tous les « A.S. » soupçonnés d’être ex-syndicalistes ou ex-communistes.

Sueddeutsche Zeitung : Dijon 1940

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 17 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Dijon et s’y installent. Interdictions, réquisitions, couvre-feu, l’armée allemande contrôle la ville. Dijon est durement touchée par la politique antisémite et les arrestations orchestrées par les troupes allemandes et l’administration de Vichy. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire cesser la propagande communiste clandestine.

« Le 11 décembre 1940, les premiers groupes de l’O.S. dirigés par Jean Mahon, Chalon et Grillot, font dérailler un train de marchandise entre le poste 2 de Perrigny et le poste 2 de Longvic, détruisant quatre citernes de vin destiné aux Allemands et coupant la voie pendant 14 heures » (Albert Ouzoulias).
Albert Ouzoulias mentionne encore deux autres déraillements, les 3 et 13 janvier 1941, puis, «de janvier à juin 1941, ces mêmes groupes (réalisent) des récupérations d’armes et d’explosifs, la remise en état des armes et la fabrication d’engins dans les ateliers du dépôt.» De septembre au 15 octobre, avec un effectif de 24 hommes, le groupe de l’O.S. FTPF s’attaque aux locomotives, par sablage des boîtes à huile. La police militaire allemande soupçonne Jean Mahon, Jean Bouscand et Gabriel Lejard de coordonner les opérations de sabotage au dépôt de Perrigny, mais n’en possède pas de preuves.

Jean Mahon est arrêté le 22 juin 1941.
Le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom de code « Aktion Theoderich« , les Allemands arrêtent dans la zone occupée et avec l’aide de la police française», plus de mille communistes.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (pour ceux de Côte d’Or, les prisons de Dijon et de Vesoul), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941 (le 5 juillet 1941 pour ceux de Côte d’Or), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
« Le 24 janvier 1942, suite à une requête de son épouse auprès du préfet de la Côte-d’Or, un rapport du service des renseignements généraux (R.G.) indique qu’il est connu comme militant communiste, qu’il était « collecteur, propagandiste pour le parti », que « depuis la dissolution du parti communiste, cet agent n’a fait preuve d’aucune activité politique », mais l’inspecteur principal de police émet toutefois un « avis très réservé à une intervention en sa faveur », « vu l’ancienne activité politique du sieur Mahon. Le 22 mars, Mme Mahon écrivit au Maréchal Pétain. Elle lui fit part de ses demandes de libération de son mari auprès des autorités allemandes et françaises et précise qu’elle avait demandé un soutien financier pour lequel elle n’avait pas obtenu de réponse » Le Maitron.
A Compiègne, Jean Mahon est le responsable pour la Bourgogne au sein du Comité communiste clandestin de résistance du camp. Son évasion prévue, par le souterrain, ne put avoir lieu, car il faisait partie de la « seconde vague » prévue pour l’évasion, or le souterrain est découvert juste après l’évasion de la première vague.
Lire dans le site :  22 juin 1942 : évasion de 19 internés.
Fiévreux, car atteint d’une maladie pulmonaire, il est pourtant déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 ».  Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jean Mahon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.813 »

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Au camp principal où il a été ramené compte tenu de sa profession d’ajusteur, Jean Mahon se trouve dans le block 18. Il est toujours fiévreux et a très soif. Chaque soir, Gabriel Lejard se glisse dans ce block malgré les risques de coups pour lui apporter un peu d’eau dans une cuvette. Il n’y a qu’un unique robinet pour plus de 2000 hommes « On était bousculés, il y avait des gros bras qui dispersaient les attroupements. Je faisais deux voyages« . Jean Mahon boit avec avidité. « Oh Gaby, je suis foutu ! « . Gabriel Lejard qui pensait que les fiévreux ou malades ne partaient pas de Compiègne dit « à Compiègne, si on lui avait pris sa température, il ne serait pas parti ! Il avait son lit près de la porteor il avait une congestion pulmonaire !« . Un soir, Gabriel Lejard constate l’absence de son ami : « une « sélection » avait eu lieu au petit matin, il avait été conduit à la chambre à gaz ».
Jean Mahon meurt à Auschwitz le 24 août 1942 d’après les registres du camp.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué (1958).
Il est déclaré « Mort pour la France ». Il est décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume.
Son nom est honoré sur le monument commémoratif FFI-FTP du dépôt SNCF de Dijon-Perrigny, situé rue Jean-Baptiste Peincedé.

Dépôt SNCF Dijon-Perrigny © Geneanet

Jean Mahon est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises Libres (FFI) et Résistance Intérieur française (RIF), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 384263.
Son fils Pierre est adopté par la Nation (10/03/1948).
Son épouse décède le 25 février 1972 à Talant (Côte-d’Or).

Sources

  • Albert Ouzoulias, les Bataillons de la jeunesse. Editions sociales, Paris 1972, réédition juillet 1990.
  • Textes et enregistrement sur cassette audio de Gabriel Lejard

  • Etat civil de Bar-sur-Aube.

  • Archives municipales de Dijon (lettre de Madame Degroise, conservateur, sept. 1991).

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement le matricule et la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés). Correspond aux indications de Liste A ou Liste établie à partir des registres des morts d’Auschwitz (Archives des ACVG) ou Les Livres des morts d’Auschwitz. 
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article218532, notice par Jean Belin (2019).

Notice biographique rédigée en février 1998, complété en 2015, 2016 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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