Matricule « 46.008 » à Auschwitz

Roger Pourvendier : né en 1906 à Caen (Calvados) où il habite ; mécanicien ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé le 25 janvier 1944 à  Lublin-Maïdanek. 

Roger Pourvendier est né le 26 juillet 1906 au domicile de ses parents à Caen (Calvados) où il habite, 51, venelle aux Champs ou 71, rue de Falaise (1) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Eugénie, Victoire Mouchel, 22 ans « un mois », née en 1884 à Caen et de Marcel Pouvendier, 25 ans « trois
mois », né en 1881 à Bois-Jérôme (Orne), employé de chemin de fer, son époux. Ses parents habitent au 
15, rue Saint-Malo à Caen. Il a deux sœurs cadettes, Solange, née en 1908 et Alberte, née en 1917.
En 1926, la famille Pourvendier a déménagé au 73, rue de Falaise à Caen. Roger Pourvendier travaille comme mécanicien en 1926 et Solange est dactylo. En 1931, Roger est employé de commerce chez Glandier et sa sœur Alberte employée de commerce chez Pricelle. Solange n’habite plus avec ses parents.
Roger Pourvendier, mécanicien de formation, est employé comme paveur-terrassier (et non payeur comme il est indiqué sur la liste de la Préfecture) au Gaz de France du 13 mars 1934 jusqu’au 01 mai 1942 (attestation de H. Huré directeur de Gaz de France, exploitation de Caen). 
Il
est membre du Parti communiste selon Marcel Cimier. 

Ouest-Eclair de l’Orne, le 2 mars 1935, à Fleury

Le 2 mars 1935, à Fleury-sur-Orne (Calvados), Roger Pourvendier épouse Simone Vallerie, culottière. Elle est née le 2 mars 1914 à Castine-en-Plaine (Calvados). Son épouse est la nièce de Marcel Cimier.

Ouest-Eclair 5 juillet 1936

Lors du recensement de 1936, ses parents et sa sœur habitent 73, route de Falaise à Caen. En juillet de la même année, Roger Pourvendier et son épouse y habitent également (on le sait par une coupure de presse de l’Ouest Eclair, datée du 5 juillet 1936, car Roger Pourvendier et son beau frère André Vallerie sont renversés rue d’Harcourt par une auto alors qu’ils circulaient sur leurs bicyclettes. Ils sont légèrement blessés. Le domicile indiqué pour Roger Pourvendier est le 73, route de Falaise. Sa profession indiquée par le journal est mécanicien.
Le couple a une fille, Monique, Marie, qui naît à Caen le 5 juillet 1936 (elle y est décédée en 2009).
Marcel Cimier, son oncle par alliance, rescapé du même convoi, parle de lui à plusieurs reprises dans son cahier « les incompris ».

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Ancien militant communiste connu des services de police, Roger Pourvendier s’engage dans la Résistance à l’occupant. « Il appartenait à un groupe armé« , d’après un certificat de Michel de Bouard responsable départemental du « Front National pour la libération et l’indépendance de la France ».

Listes d’arrestations des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (FK 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942 montage photo P. Cardon à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC).

Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard

Roger Pourvendier est arrêté le 1er mai  1942 à 23 h 30 : Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation comme otage communiste a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43ème RI.  Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.Incarcéré à la Centrale de Baulieu, il est transféré comme Marcel Cimier en « Traction avant Citroen » au Palais de Justice de Caen.  Marcel Cimier raconte son arrivée au central de police de Caen : « …Tout à coup, quelle surprise, mon neveu Roger Pourvendier faisait son entrée lui aussi, encadré par deux agents. M’apercevant, il vient à moi en me disant : « Ah ! Mon pauvre, c’est à n’y rien comprendre, je crois qu’on est pris et bien pris, qu’en penses-tu ?  » Je lui répondis : « Il faut s’attendre au pire, car on doit en arrêter quatre-vingts et cela est un mauvais chiffre ». Il ne me répondit pas, son silence valait mieux que des paroles« . Lire : L’arrestation de Marcel Cimier à Caen.
Un commissaire de Police leur fait un chantage au peloton d’exécution.  Profitant d’un embouteillage, Roger Pourvendier a eu le temps de faire passer un message à sa femme (au dos du mot de Marcel Cimier).  Puis ils sont emmenés au Lycée Malherbe, à nouveau interrogés. Ils sont enfin emmenés par cars à la Gare de petite vitesse de Caen et de là transférés à Compiègne, à la demande des autorités allemandes.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il reçoit le matricule n° « 5225 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Roger Pourvendier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Dessin de Franz Reisz, 1946

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46.008 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’AuschwitzSa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Roger Pourvendier fait partie des 10 déportés caennais qui retournent au camp principal. Avec Marcel Cimier, Léon Bigot, et Etienne Cardin il est affecté au block 17 A et comme mécanicien au garage auto du personnel SS « Là nous avions une soupe améliorée et un travail peu fatigant » écrit Marcel Cimier. Mais ils en sont bientôt éjectés (ils ne parlent pas allemand et le Kapo polonais les remplace par des compatriotes nouvellement arrivés).
Dans son cahier de souvenirs « Les incompris » (P. 24 et suivantes), Marcel Cimier raconte comment il est alors affecté avec son neveu à un Kommado de déchargement des wagons, et comment il ne réussit à survivre que grâce au soutien de Roger Pourvendier.

Roger Pourvendier, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres). Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943. Lire dans le site l’article : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.

Le 12 décembre 1943, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Au début d’octobre 1943, Roger Pourvendier deux autres « 45000 » caennais sont hospitalisés (Eugène Beaudoin et Maurice Le Gal) : ils ont contracté la malaria : « Mon neveu depuis une huitaine de jours avait de fortes fièvres et trempait de sueur toutes ses couvertures, mais comme jamais il n’avait été hospitalisé, celui lui coûtait beaucoup. Il lui fallut néanmoins se résoudre à y aller. Au bout de trois semaines, il revint parmi nous. Il n’avait plus de crise. C’était le principal » (Marcel Cimier, p.44).

Le camp de Lublin-Maïdanek

Alors qu’ils sont encore en quarantaine il est transféré en décembre 1943 à Lublin-Maïdanek avec les autres détenus d’Auschwitz ayant été atteints par la malaria (témoignages de Gabriel Lejard et Charles Lelandais.
L’épouse de Marius Zanzi a reçu une lettre de son mari provenant du camp de Lublin). L’ordre d’établir la liste des déportés convalescents des suites de malaria et de les transférer à Lublin-Maidanek date du 25 novembre 1943.

« Vers le 20 novembre 1943, le commandant du camp fit faire le recensement de ceux qui avaient été atteints de malaria, aussi mon neveu et Zanzi furent tirés de notre Block et envoyés en transport à Lublin. Notre séparation restera toujours gravée dans ma mémoire. Tout d’abord mon neveu s’adressa à tous les camarades de la chambrée et leur dit « adieu, je vais à la mort ». Il disait la vérité, car le 25 janvier 1944 il tombait, seul. Zanzi revint de ce triste camp et c’est de lui que j’eus la date précise de sa mort. J’avais réussi – alors que mon neveu était dans le transport qui devait l’emmener à sa triste fin – à sortir du Block de quarantaine et à aller le voir. Lorsqu’il m’aperçut, il me dit : « Marcel, j’ai oublié la photo de ma femme et de ma fille sous ma paillasse, fais ton possible pour aller me la chercher ». Aussitôt je m’exécutais et quelques instants après il était en possession de sa chère photo et de sa
pipe (…). Puis vint le moment où je dus le quitter. Nous nous
embrassâmes. Il avait les larmes aux yeux. Il me fit son dernier adieu en me disant « Nous ne nous reverrons plus mon vieux Marcel, mais toi tu reviendras en France, tu diras à ma femme que ma dernière pensée aura été vers Elle et pour ma petite fille Monique. Tu lui diras d’élever ma petite Monique dans la haine des Allemands et de lui parler souvent de son papa». Et ce fut la séparation ». 
Marcel Cimier ajoute (p. 45) « Oui Roger, j’ai rapporté tes paroles en France et à ta femme (ma nièce). Je
les avais écrites à seule fin qu’elles restent plus longtemps gravées. 

Marius Zanzi qui accompagnait Roger Pourvendier à Lublin certifie qu’il y est mort le 25 janvier 1944. Il apprend les circonstances de ce décès à René Cimier lorsqu’il le retrouve à Flossenburg.

Le père de Roger Pourvendier a fait une demande auprès de la Croix Rouge qui l’a répercutée auprès de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés (mention au SHD Caen /  DAVCC : fichier de Brinon – lettre au Préfet du Calvados 17 mars 1943). La réponse habituelle a été retournée au Préfet : les autorités allemands ne communiquent pas d’informations sur ce déporté.
Roger Pourvendier a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Maurice Scharf est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

  • Note 1 : l’adresse du  71, rue de Falaise figure sur la liste des « communistes arrêtés  dans la nuit du 1er au 2 mai 1942« , et celle du 51, Venelle aux champs sur la liste intitulée « arrestations opérées à Caen dans la nuit du 1er au 2 mai 1942 » dont les professions sont indiquées en allemand.

Sources

  • Cahier-témoignage de Marcel Cimier « Les incompris« .
  • Témoignages de Charles Lelandais et Marius Zanzi, rescapés.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, juin 1992.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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