Matricule « 46 085 » à Auschwitz   Rescapé

Armand Saglier © Annie Turquier
Fiche d’entrée à Auschwitz
Armand Saglier : né en 1901 à Is-sur-Tille (Côte d'Or) ; domicilié à Marcilly-sur-Tille (Côte d'Or) ; ajusteur ; responsable Cgt, communiste ; arrêté le 14 juillet 1941, condamné à 15 ans de travaux forcés ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen, Bergen-Belsen ; rescapé ; décédé le 28 janvier 1953, victime d'un accident de la route.

Armand Saglier est né le 4 juillet 1901 à Is-sur-Tille (Côte d’Or) au domicile de ses parents, rue Basse.
Armand Saglier habite au 12, rue des Messageries à Marcilly-sur-Tille au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Malnoury, 23 ans, sans profession, et d’Alexis, Antoine Saglier, son époux âgé de 26 ans, manouvrier.
Au moment du conseil de révision, il habite Is-sur-Tille et exerce le métier de manœuvre, puis de mécanicien.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 67, a les cheveux châtain, les yeux marron, le front moyen et le nez rectiligne, le visage ovale.
Conscrit de la classe 1921, Armand Saglier s’est engagé volontairement pour trois ans dans la Marine le 7 octobre 1919 à la mairie de Dijon.
Il est affecté au 5è Dépôt des Equipages de la Flotte à Toulon, où il arrive le 9 octobre. Il est nommé « matelot de deuxième classe » en mars 1920, et « quartier maître chauffeur » le 1er octobre 1920. Le 7 octobre 1922, son engagement terminé, il est placé dans réserve de l’armée de mer, «certificat de bonne conduite accordé».
En 1923, il habite Amagne, près de Rethel (Ardennes). En juillet 1923 il habite 9, rue des Forges à Charleville (Ardennes). En mars 1924, il habite au 27, rue Thiers à Mézières (Ardennes).

Armand et Anna Dieudonné © Annie Turquier
Le 12, rue des Messageries à Marcilly-sur-Tille

Le 26 avril 1924 Armand Saglier épouse Anna Dieudonné à Mézières.
Elle a 17 ans, née le 26 juin 1906 à Longwy (Meurthe-et-Moselle).
Le couple aura neuf enfants. Roger, né le 18 février 1925, Yvette, née le 14 mai 1928, Marcel né le 22 décembre 1929, Serge, né le 14 février 1931, Jeanine, née le 7 octobre 1935 décédée le 14 janvier 1936, Janine née le 2 octobre 1936, Ginette, née le 1er janvier 1941, Jacky, né le 6 mars 1948 et Josiane, née le 10 juillet 1953.
Sept enfants étaient vivant au moment du décès d’Armand Saglier.
En août le couple a déménagé au 3, rue Jacquemart dans cette même ville, puis au 10, rue des Marbriers en novembre.
En 1927 ils ont changé de région et habitent à Is-sur-Tille, chez Delaigue (manufacture de mesures linéaires). Armand Saglier y est ajusteur.
En 1928, Armand Saglier est rattaché à la classe de mobilisation la plus ancienne dans la deuxième réserve, comme « père de quatre enfants ».
En juin 1935, la famille Saglier habite rue de la sablière à Marcilly-sur-Tille (Côte-d’Or). 

Elections cantonales  du 10 octobre 1937.  Sur cette même liste figure Jean Bouscand , également déporté à Auschwitz

Membre du Parti communiste depuis 1932, il est secrétaire d’une cellule, et se présente aux élections pour le Conseil d’arrondissement et le Conseil général en 1937.
« De 1937 à 1939, Armand Saglier fut le secrétaire général du syndicat CGT du Bâtiment de Marcilly-sur-Tille (près d’Is-sur-Tille), ce syndicat fut rattaché à la 9e Région fédérale du bâtiment » (Le Maitron).
Il est affecté en tant que personnel de renforcement comme « ouvrier sur métaux » aux établissements Terrot à Dijon le 15 janvier 1939.

Armand Saglier © Annie Turquier

Après la déclaration de guerre, il est affecté à la société Louvroil à Montbard-Aulnoye reconvertie en fabrique de bombes, comme « ouvrier sur métaux » le 20 septembre 1939.
Le 18 avril 1940 il est rayé de « l’affectation spéciale industrielle », comme la plupart des « affectés spéciaux » connus comme syndicalistes ou communistes, et il est affecté au 81ème dépôt d’Infanterie le même jour.

Le 17 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Dijon et s’y installent. Interdictions, réquisitions, couvre-feu : l’armée allemande contrôle la ville. Dijon est durement touchée par la politique antisémite et les arrestations orchestrées par les troupes allemandes et l’administration de Vichy. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Au début de l’Occupation, Armand Saglier participe à l’installation des « premiers groupes armés dans l’Est du département à Is-sur-Tille et Châtillon : détournement d’un chargement de fusils de chasse en partance pour l’Allemagne ; dans la même gare, déraillement d’un canon de 450 » (témoignages d’Armand Saglier à la gendarmerie en 1954).
Le 14 juillet 1941, des policiers français l’arrêtent à son domicile, en même temps que 9 futurs déportés à Auschwitz, parmi lesquels 4 cheminots. Sur dénonciation écrit-il.

Gabriel Lejard, un autre rescapé de Côte d’Or poursuivra d’ailleurs les dénonciateurs en justice. Lire la biographie de Gaby Lejard : Gabriel Lejard.   Le dénonciateur est condamné « à 15 ans de travaux et une interdiction de séjour« ,
Armand Saglier est emprisonné à Dijon du 14 juillet 1941 au 16 août 1941, puis à Vesoul. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 8 septembre 1941, en vue de sa déportation comme otage.
Fernand de Brinon, délégué général du Gouvernement français dans les territoires occupés, sollicité par madame Saglier et la Direction des services ferroviaires répond à l’épouse le 4 août 1942. Il lui fait état de ses démarches en faveur d’une libération de son mari auprès du chef du cabinet militaire (lettre du 24 février) et de la réponse négative des autorités d’occupation, via les différents organismes sollicités par lui. Le courrier cite les appréciations élogieuses sur Armand Saglier que les services de la délégation générale ont transmises « honnête, sobre, courageux », « ni violent, ni méchant homme », « jamais considéré comme dangereux », « un être faible que certains agitateurs avaient toujours poussé en avant », « bon époux, bon père, qui a laissé sa famille pratiquer la religion catholique ». Puis De Brinon cite la lettre de la direction des services de l’Armistice. Vichy. « Comme suite à votre bordereau en date du 3 mars 1942 relatif à l’internement au camp de Compiègne depuis juillet 1941, de monsieur Armand Saglier, demeurant (…), j’ai l’honneur de vous faire savoir, que les autorités d’occupation ont répondu négativement, en date du 10 juillet 1942, à la demande de libération présentée par la délégation générale« . Raisons du refus justifiées par les Allemands : « Meneur communiste, chef de cellule, candidat communiste qui pourrait reprendre son activité en cas de libération ».
Armand Saglier a en effet été candidat du Parti communiste pour le Conseil d’arrondissement et au Conseil général. A la date de la réponse, il a déjà été déporté à Auschwitz, car depuis le camp de Compiègne, administré par la Wehrmacht, il a été déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Armand Saglier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

A Auschwitz, il reçoit le 8 juillet 1942, le matricule « 46085 ». 

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est atteint du typhus. Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants : Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Après la quarantaine du Block 11, il est affecté au block 4, avec Gabriel Lejard et Joseph Freund (62.660), qui en a témoigné.
Il sera Stubedienst (chef de chambre).
Il est transféré le 28 août 1944 sur Sachsenhausen (sa fiche d’enregistrement à Auschwitz va l’y suivre (voir au début de la notice). Elle est datée du 24 mai 1944. Puis fernand Saglier est dirigé sur Berlin (comme Robert Lambotte et Jean Thomas), il arrive à Falkenhagen. Le 21 février 1945, il est transféré à Bergen-Belsen, où il est libéré le 15 avril 1945.
On le rapatrie les 9 et 10 juin : il souffre de lombalgie, de troubles urinaires, de tuberculose pulmonaire, et en 1948, il sera pensionné à 100 %.
Il participe au mieux de sa santé aux activités de la Fédération nationale des internés et résistants patriotes (FNDIRP) dont il est membre du Comité national.

Armand Saglier © Annie Turquier

« A la libération de mon grand père et après que celui ci revenu des camps en mauvaise santé a été soigné, la famille est partie habiter en région parisienne. C’est donc à Mézières-sur-Seine que mon grand père est décédé fauché par une puissante voiture américaine, conduite par une haute personnalité américaine en villégiature à Paris ».
Témoignage de sa petite fille Madame Annie Turquier. 
Elle a été élevée par sa grand-mère « elle m’a souvent parlé de mon grand-père que je n’ai connu qu’à travers les récits de ma grand-mère qui l’a aimé et en parlait toujours avec admiration. Elle disait que c’était un mari et un père exemplaire ». 

Armand Saglier est homologué « Déporté résistant » en 1950, par décision unanime de la Commission.

Il meurt le 28 janvier 1953, à Mézières-sur-Seine (ancienne Seine-et-Oise), victime d’un accident de la route.

Sources

  • Questionnaire rempli par un des fils d’Armand Saglier, Marcel, qui me joint la photocopie d’un article-témoignage de Gabriel Lejard. Voir Gabriel Lejard

    Hommage du Patriote Résistant
  • DAVCC novembre 1993, fichier central de la Division des archives des victimes des conflits contemporains : la fiche d’entrée à Auschwitz d’Armand Saglier. Signalement : 1m 69, cheveux blonds, yeux bruns…). C’est le DAVCC qui a occulté une partie de la fiche d’enregistrement à Auschwitz.
  • Mairie d’Is-sur-Tille, 8 mars 1994, Etat-civil.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Registres matricules militaires de la Côte d’Or en ligne.
  • Mails de madame Annie Turquier, sa petite fille (informations et photos, droits réservés).

Notice biographique rédigée en février 1998, complétée en 2015 et 2017 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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