Adolphe Vasnier, in « De Caen à Auschwitz »

Matricule « 46.178 » à Auschwitz

Adolphe Vasnier : né en 1902 à Ouistreham (Calvados) ; navigateur,puis tourneur ; domicilié à Caen (Calvados); communiste ; arrêté comme otage communiste le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 15 mars 1943. 

Adolphe Vasnier est né le 17 août 1902 à Ouistreham (Calvados). Il habite 42, rue du Vaugueux à Caen (Calvados, au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Aline, Désirée, Julia Deliens, 30 ans « 9 mois » et de Dominique, Jules, Désiré Vasnier, 33 ans, cultivateur son époux.
Ses parents habitent rue Carnot à Ouistreham à sa naissance.
En 1928, il habite au 75, rue Labedoyer au Havre et exerce la profession de « navigateur ». Cette profession qui désigne aussi bien un marin pionnier (ayant participé à des découvertes maritimes) qu’un marin ayant voyagé en haute mer, est à rapprocher des souvenirs d’André Montagne, qui se souvenait qu’Adolphe Vasnier lui avait dit avoir fait partie d’une des expéditions du commandant Charcot au Groënland (et effectivement une des expéditions de Charcot au Groënland a lieu en 1926 avec le « Pourquoi pas »).
Adolphe Vasnier épouse Simone, Célestine, Augustine Lemeille le 3 janvier 1928, au Havre. Elle y est née le 9 janvier 1908 et est domiciliée au 75, rue Labedoyer (elle décède en 2001). Le couple divorce le 12 novembre 1932.
Il épouse en deuxième noce Yvonne, Joséphine Panlou le 3 décembre 1934 à Magny-le-Freule (Calvados). Elle est née le 4 avril 1904 à Lisieux. Le couple élève deux enfants d’un premier mariage.
Il est mécanicien tourneur aux Etablissements Allainguillaume et Paty, puis à la Société d’Organisation Importation Charbonnière Paris.
Adolphe Vasnier est membre du Parti Communiste.
Il vient habiter au 42, rue du Vaugueux à Caen après 1936 (son nom n’est pas mentionné sur le registre de recensement municipal à cette adresse et à cette date).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Adolphe Vasnier est arrêté par la police française, le 1er mai 1942Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43ème RI.  Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard). 

Listes d’arrestations des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (Feldkommandantur 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (montage photo P. Cardon à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC).

Adolphe Vasnier est emmené de nuit à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen (dite également prison de Beaulieu), entassé avec d’autres militants communistes caennais arrêtés le même jour, au sous-sol dans des cellules exiguës.  

A la demande des autorités allemandes, Adolphe Vasnier et ses camarades sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne). Adolphe Vasnier y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu (le Frontstalag 122) à Compiègne, le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Adolphe Vasnier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Compte tenu de son métier de tourneur, il a vraisemblablement été ramené à Auschwitz I.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Adolphe Vasnier meurt à Auschwitz le 15 mars 1943 d’après les registres du camp. André Montagne, également hospitalisé, qui le connaissait, a été témoin de sa mort à l’infirmerie, dans la nuit du 15 au 16 mars, des suites d’une tuberculose pulmonaire.
« Je suis au Block 20, le Krankenbau. J’assiste de mon lit au décès de mon camarade Adolphe Vasnier, dans un lit voisin. Il délire toute la nuit. Le matin il est froid. Je m’aperçois qu’on a volé le pain qu’il avait sous sa paillasse. Je lui enlève sa mauvaise chemise et je l’allonge dans le couloir entre les habits. Je lui ferme les yeux et avec un crayon ocre, j’écris sur sa poitrine son numéro matricule« .
Il en a témoigné par lettre à son épouse, qui connaissait bien ses propres parents et sa sœur.
Adolphe Vasnier a été déclaré « Mort pour la France ».
Son beau-frère qui a engagé avec sa sœur des démarches auprès de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés (De Brinon) afin d’avoir des nouvelles d’Adolphe Vasnier, reçoit la réponse passe-partout suivante le 26 mai 1943 « A de nombreuses reprises et dans des cas analogues, la Délégation Générale s’est efforcée, par ses interventions auprès des autorités supérieures allemandes, de connaître le lieu des civils ainsi déportés et de leur faciliter l’échange de correspondance ainsi que l’envoi de colis. Jusqu’à présent ses efforts sont restés vains et il n’a pas été possible d’obtenir les précisions sollicitées. De nouvelles démarches sont en cours ».
Adolphe Vasnier est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 586500.

Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Maurice Scharf est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

Sources

  • Fiche FNDIRP N°21368, rédigée par Madame Vasnier, qui cite André Montagne et Charles Lelandais.
  • 2 lettres bouleversantes de Madame Vasnier à André Montagne (1946) qui le remercie d’avoir été présents aux derniers moments de son mari.
  • Photo d’Adolphe Vasnier, page 76, in « De Caen à Auschwitz« , réalisé par des professeurs et élèves du collège d’Evrecy et l’association « Mémoire Vive ».
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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