Matricule « 45.308 » à Auschwitz Rescapé
Louis Brunet, né à Fontainebleau (Seine-et-Marne) en 1907 ; Boulogne-Billancourt (Seine) ; fraiseur-polisseur ; communiste ; arrêté le 10 octobre 1940, puis le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Gross Rosen, Hersbrück, Dachau ; Rescapé, 5 ans en sanatorium, décédé le 3 mars 1986.
Louis Brunet, dit « La Biche », est né à Fontainebleau (Seine-et-Marne) le 7 avril 1907.
Il est le fils de Henriette Moulin et d’Eugène Brunet son époux.
Il a quatre frères (« tous ont été soldats » et trois sœurs.
Il habite au 6, rue Solférino à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine) puis dans les HBM du 36, bis avenue des Moulineaux au moment de son arrestation.
Il effectue son service militaire en 1927 comme ouvrier d’artillerie (COA). Il est nommé caporal, puis caporal chef et sergent chef de réserve.
Il épouse Hélène Lainé le 16 janvier 1932.
Louis Brunet travaille comme polisseur aux Usines Renault.
Il est membre du Parti communiste.
Son épouse est décédée.
Au début de 1936, il signe un engagement de 3 ans dans l’armée, mais il est réformé le 2 avril 1936.
Il habite alors au 13, rue Diaz.
Devenu veuf, Louis Brinet se remarie avec Germaine Saint-Pol le 30 octobre 1937. Elle a 36 ans, et travaille comme teinturière. Elle est née le 25 juin 1900, à Epernay et elle est domiciliée à la même adresse. Il est alors fraiseur chez Farman.
Pendant la guerre, il est mobilisé au 414è Régiment d’artillerie (défense contre avions) au camp de Fontaine (Puy de Dôme) avec le grade de Sergent chef, du 15 mars au 10 août 1940.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Démobilisé le 15 août 1940, il ne retrouve pas son travail chez Farman. Le 10 octobre 1940, il est embauché comme menuisier aux studios de Billancourt (50 quai du Point du Jour). Il est arrêté le même jour pour diffusion de tracts anti-allemands. Il est libéré « les charges contre lui étant minimes ».
Il est arrêté à nouveau le 26 octobre 1940, (comme communiste selon Maurice Courteaux, qui partagera son sort en déportation) en application du décret du 18 novembre 1939. Il fait partie des anciens militants ayant travaillé chez Renault et Farman qui seront déportés à Auschwitz. Lire ddans le blog : 26 militants communistes et syndicalistes des usines Renault de Boulogne-Billancourt déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942. En effet après la grande rafle du 5 octobre 1940, opérée par la police française avec l’accord de l’occupant à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne (plus de 300), la répression va continuer, car si les RG ont pu se féliciter de ces arrestations, la propagande communiste continue. Le 26 octobre une nouvelle rafle de 38 militants est décidée : 12 d’entre eux seront déportés à Auschwitz en 1942. Louis Brunet fait partie de cette deuxième rafle : il est arrêté par la police française à Boulogne-Billancourt après que le Préfet de la police de Paris, François Bard, ait signé son internement administratif en application de la Loi du 3 septembre 1940. Il est alors conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et Oise / Val-d’Oise). Lire dans le site Le camp d’Aincourt. Il est affecté à la chambrée 32.
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier (elles ont lieu en février 1941), le
commissaire Andrey directeur du camp émet un avis négatif sur une éventuelle libération « suit les directives du parti communiste » écrit-t-il : les internés administratifs à Aincourt en 1940 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont amendés… Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables.
Louis Brunet est transféré le 6 octobre 1941avec 148 autres internés du camp d’Aincourt au CIA de Rouillé (1) .
Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations
concernant 149 internés provenant d’Aincourt et arrivés à Rouillé le 6 septembre (doc C-331.24).
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Louis Brunet (n°41 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Sa mère fait une demande de libération le 15 juin 1942 auprès des services de Brinon.
Depuis le camp de Compiègne, Louis Brunet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Louis Brunet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45308 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est affecté au Block 22 A. Il est affecté au kommando Menuiserie, qui dépend de la DAW (Deutsche Ausrüstungswerke). Il y travaille de nuit avec Maurice Courteau et René Besse.
En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Frédéric Ginolin, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (140 « 45000 » environ), reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et après quatre mois d’un régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, les « 45 000 » sont, pour la plupart, renvoyés dans leurs Kommandos et Blocks d’origine.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que 6 d’entre eux. 89 autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Il y eut également quelques cas particuliers. Lire dans le site : Les 45000 pris dans le chaos des évacuations (janvier-mai 1945) et Itinéraires des survivants du convoi à partir d'Auschwitz (1944-1945)
Le 21 janvier 1945, il est transféré à Gross-Rosen, puis dirigé sur Hersbrück en février 1945, en wagon découvert, par un temps glacial. Durant le trajet, il se dissimule sous un monceau de cadavres.
A l’arrivée à Hersbrück, son décès « est officiellement enregistré ». En fait, il est le seul survivant de son wagon.
Libéré à Dachau (matricule 151 864), le 29 avril 1945, il est profondément traumatisé.
Atteint de tuberculose pulmonaire, il est soigné en sanatorium jusqu’au 17 février 1948.
Il est soigné au Centre de réadaptation professionnelle « Stalingrad » à Bülh (situé dans le monastère Kloster Maria hilf Carl-Netter-Straße 7), ville de garnison des Forces Françaises d’occupation en Allemagne et au Centre de réadaptation professionnelle du Sanatorium « Résistance ». Il peut y travailler quelques heures en vue de sa réadaptation.
Sa mère écrit le 13 juin 1945 au Ministre pour obtenir l’autorisation de le visiter au sanatorium (HEM 401), car elle craint de ne pas le revoir vivant.
Louis Brunet a été porté disparu et sa femme s’est remariée.
Son mariage est officiellement dissous par divorce, jugement du 8 mars 1948.
A son retour en France il a le plus grand mal à faire reconnaître son identité.
Louis Brunet se remarie à Saint Blasien (Sankt Blasien en Allemagne / Land de Baden), le 5 octobre 1949, avec Liselotte Bûchs (acte N° 39 du 9 décembre 1950). Il est réformé à 100 % et est soigné chez lui jusqu’au 25 juillet 1951. Ce jour là il écrit : « j’ai passé cinq ans en sanatorium pour tuberculose pulmonaire et je suis encore en traitement chez moi« . Il est réformé à 100 %.
Au décès de Liselotte, Louis Brunet se retire dans une maison de retraite à Sucy-en-Brie, demandant parfois une aide vestimentaire à l’Amicale d’Auschwitz.
Louis Brunet est mort le 3 mars 1986.
En 1993 la direction de la Maison de retraite intercommunale rue de la Cité Verte à Sucy en Brie, malgré l’entremise des services municipaux, n’a pu nous donner de renseignement sur les dernières années de cette existence douloureuse.
Louis Brunet a été homologué « Déporté politique ».
Les communistes de Boulogne Billancourt le croyant décédé dans les camps ont donné son nom à une cellule du PCF à la Libération.
- Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Source
- Témoignage de Maurice Courteaux, « 45 407 » rescapé du convoi.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel, relevé Pierre Cardon, mai 2002).
- Recours de louis Brunet pour être classé « Déporté résistant ».
- Maison de retraite de Sucy-en-Brie (1993).
- Etat Civil de Fontainebleau (8 mars 1994).
Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45 000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com