Henri Creutzer : né en 1906 à Fontoy (Moselle) ; domicilié à Mancieulles (Meurthe-et-Moselle) ; forgeron ; communiste ; arrêté le 15 juillet 1941 ; arrêté le 20 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 20 octobre 1942. 

Henri Creutzer naît le 8 mai 1906 à Fontoy (Moselle).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 495, rue de Verdun à Mancieulles (Meurthe-et-Moselle), à quelques centaines de mètres du domicile d’Angelo Bolognini (rue du Chemin des Dames) avec lequel il sera déporté.
Il est le fils de Léonie Martin née en 1878 à Aumets (Moselle) et Louis Creutzer, né en 1878 à Fontoy, mineur, puis garde-champêtre, son époux.
Il a un frère aîné, Charles né en 1904 à Fontoy et deux sœurs cadettes, Emilienne, née en 1909 et Louise (1), née en 1911, toutes deux à Fontoy. Ayant quitté Fontoy, la famille habite à Pontigny (Moselle), à 40 km de Metz. En 1921 les Creutzer sont venus habiter au bourg de Giraumont (Meurthe-et-Moselle) à 2 kilomètres de Jarny. Louis Creutzer père y travaille comme garde champêtre (emploi réservé) et Henri, 15 ans, travaille comme domestique « chez Lapointe ».
En 1924, la famille Creutzer déménage à Mancieulles, « Les cités n° 460 », dans le nouveau lotissement construit en dehors du vieux village par les Mines de Saint-Pierremont pour loger son personnel.
En 1926, Henri Creutzer, conscrit de la classe 1926, effectue son service militaire à Thionville.
En 1931, il habite avec ses parents au 4, rue de Verdun à Mancieulles.
En 1936, il habite au 30, rue de Metz à Mancieulles, où il vit maritalement avec Marie-Cécile Tessi-Rosenbaum, née en 1912 à Fraimbois (Meurthe-et-Moselle).

Henri Creutzer est d’abord manœuvre, puis aide-forgeron, puis forgeron (chargeur) à la mine de Saint-Pierremont à Mancieulles.
Henri Creutzer adhérent au Parti communiste, en est toujours membre après la dissolution  (« communiste » mention indiquée au DAVCC) après avoir eu sa « carte de sympathisant » selon sa belle-sœur. Il est militant syndical à la CGT.

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Le 15 juillet 1941, Henri Creutzer est écroué pendant quinze jours à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts communistes dans son quartier. Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Henri Creutzer est arrêté place de la Mairie de Mancieulles le 20 février 1942, par la police allemande lors d’une distribution de tracts anti-nazis, et pris en otage, en même temps qu’Angelo Bolognini et Stanislas SlowinskiHenri Creutzer est interné à la prison de Briey jusqu’au 5 juillet 1942 (selon le SHD Caen, DAVCC).

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122)  en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Creutzer est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45 413? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Henri Creutzer meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 187). Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG a fixé son décès au 30 novembre 1942, selon le jugement déclaratif de décès, parvenu en Mairie en février 1958.

Lire dans le présent site l’article : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France« .

Une plaque commémorative est apposée sur le mur extérieur de la Mairie, une autre au Monument aux Morts.
Son beau-frère, Adrien Bermand, lui aussi déporté, meurt après la Libération.

  • Note 1 : Louise Creutzer a épousé Adrien Bermand, né en 1913 à Mancieulles, qui sera déporté « NN » en 1943 à Erzinger, kommando de Natzweiler. Libéré à Allach le 30 avril 1945, il est mort des suites de sa déportation.

Sources

  • Mairie de Mancieulles (janvier 1992).
  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Madame Louise Bermand sa sœur (février 1992).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (1991).
  • Registres de recensement de la population de Pontigny et Mancieulles.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à
deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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