Matricule « 45 416 » à Auschwitz

Stanislas Czapla, né en 1899 en Pologne ; domicilié à Homécourt au moment de son arrestation ; manœuvre, puis travaille à la mine de fer ; antinazi ; arrêté à la mine le 2 mars 1942, déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.  

Stanislas Czapla est né le 3 décembre 1899 à Celiny (Pologne, région de Lublin). Il habite au 29, rue Victor Hugo à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Cette rue des cités de la Grande-Fin est l’une des trois artères dans laquelle la famille Sépulchre fait construire à partir de 1902 des logements pour les ouvriers de son usine sidérurgique. Les ouvriers italiens y sont majoritaires.
Stanislas Czapla est marié avec Amélia Pieta (née en 1897 à Matysnice, Pologne). Le couple n’a pas d’enfant.
Il est un « nationaliste polonais farouchement antinazi », selon Charles Dallavalle.
Lors du recensement de  1936, Stanislas Czapla travaille comme manœuvre à la « Marine », la Compagnie des forges et aciéries de la marine et d’Homécourt.

Mine du Fond de la Noue,  © cartes postales de Lorraine.com

Selon sa fiche au Service historique de la Défense à Caen, il travaille à la mine au «Puits du Fond de la Noue» à Homécourt au moment de son arrestation (ce qui ne signifie pas qu’il soit forcément mineur).

Par décision de l’Occupant la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur «peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251). A Homécourt
la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, à Auboué commune voisine de deux kilomètres : 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.

Le sabotage du transformateur d’Auboué le 4 février 1942, entraine une lourde répression : Hans Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages.
Lire l’article du site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meuthe et Moselle. Lire dans le blog : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Arrêté à la mine le 2 mars 1942, Stanislaw Czapla est pris en otage, avec Wladyslaw Bigos, Boleslaw Ferenc, Jean Trzeciak et Victor Ziemkiewicz , tous polonais et travaillant dans la même mine, après le sabotage du transformateur d’Auboué. 
Stanislas Czapla 
est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celle-ci l’internent au camp allemand de Royalieu à Compiègne, le Frontstalag 122. Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Stanislaw Czapla est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
A Auschwitz I, il est enregistré sous le numéro matricule « 45.416 » selon les registres du camp.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Liste des déportés français ayant reçu des médicaments au Revier de Birkenau. Relevé effectué par André Montagne, rescapé

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès.
Mais on sait qu’il est admis à l’infirmerie de Birkenau le 2 novembre 1942, à la Stube 5 du Revier. Les médicaments y sont insuffisants en quantité et en qualité : « Schmerztabletten », aspirine, pyramidon, pastilles pectorales, charbon et tanin pour les prisonniers atteints de diarrhée de la faim. Le registre mentionne qu’il reçoit un comprimé de charbon. Le 10 novembre 1942, le registre du Block 7, indique qu’il reçoit un comprimé d’aspirine.

Au fichier national du Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (SHD Caen), il est indiqué comme étant mort à Auschwitz.
Ce qui nous semble vraisemblable. Rares en effet sont les « 45.000 » qui sont sortis vivants du Revier.
L’arrêté du 26 juillet 2011 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur ses actes et jugements déclaratifs de décès (Czapla Stanislas, né le 3 décembre 1899 à Celiny (Pologne), le mentionne bien comme décédé à Auschwitz (Pologne) mais la date « le 30 juin 1942 » est manifestement erronée, puisqu’il est déporté à Auschwitz le 6 juillet et que l’on sait par les documents allemands qu’il est au Revier le 2 novembre 1942.
Son nom figure sur le monument aux morts d’Homécourt mais avec un lieu de décès erroné : Oranienburg (nom sous lequel est souvent désigné le camp de Sachsenhausen).
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué, le certificat a été délivré à sa veuve, Amélia.

Sources

  • Témoignage de Jacques Jung, d’Homécourt, rescapé du convoi.
  • Dossiers des 45000 d’Homécourt arrêtés en même temps.
  • M. Jean Pierre Minella, maire d’Homécourt (9 mars 1989).
  • Témoignages de Charles Dallavalle, ouvrier sidérurgiste aux usines Marine Wendel d’Homécourt avant guerre et Résistant (1972).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen, octobre 1993.
  • « Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz » (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943. (BAVCC – Caen).
  • Recensement de 1936 à Homécourt.
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *