Arsène Dautréaux, In Chronique des années 36/38
Arsène Dautréaux : né en 1901 à Tourcoing (Nord) ; domicilié à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) ; ouvrier métallurgiste puis caviste ; CGT, socialiste SFIO ; arrêté le 20 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 septembre 1942

Arsène Dautréaux est né le 12 décembre 1901 à Tourcoing (Nord).
Il habite au 3 rue Clémenceau à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Arsène Dautréaux est le fils d’Angèle, Louise Thallein ou Hallein et d’Henri, Alphonse Dautréaux son époux.

Conscrit de la classe 1921, il est incorporé au 11ème régiment d’aviation de
bombardement stationné à Metz. Durant son service (loi du 1er avril 1923) la durée légale passe de 3 ans à 18 mois.
Il est libéré au bout de 25 mois d’armée.

Le 18 août 1923 il épouse Maria, Emilia Legrand à Hamon (Nord). Le couple a trois enfants : André, né en 1924 à Hamon, Pierre, né en 1928 et Micheline, née en 1930, tous deux à Joeuf.
Arsène Dautréaux est ouvrier métallurgiste dans le Nord de 1925 à 1927.
De 1927 à 1934 il est employé à l’Usine Sacilor d’Auboué, puis il est ouvrier métallurgiste à l’usine sidérurgique « Marine d’Homécourt ».
Amené à choisir entre son métier de sidérurgiste et ses activités syndicales, il quitte l’usine d’Homécourt en 1934 : il travaille à la « Maison du Vin » d’Auboué de 1934 à 1941. Son épouse travaille comme « débitante ».
Arsène Dautréaux est adhérent du Parti Socialiste SFIO. Il est secrétaire du Syndicat confédéré des Métaux en 1935, et participe à la création des syndicats CGT de la division d’Auboué et de la SOLPA (conserverie) à Homécourt en juin 1936.
Il collabore à la rédaction du contrat collectif particulier à la SOLPA en juillet 1936. « Il allait bientôt être remplacé à la tête du syndicat par Roger Hodebourg, ex-unitaire » (Le Maitron).

Arsène Dautréaux, poing levé (croix)

Arsène Dautréaux est également à l’origine du « syndicat du Bâtiment d’Homécourt et environs » en 1936. En 1936, il se déclare comptable lors du recensement, travaillant chez Lagier à Auboué.
Il est trésorier de l’Union locale de Joeuf-Homécourt à sa création (1937).
Dans le même temps, il appartient au Comité antifasciste de Joeuf-Homécourt, et il est le vice-président de la Section locale de la Ligue des Droits de l’Homme.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur «peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
A Homécourt la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, à Auboué commune voisine de deux kilomètres : 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.
Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Arsène Dautréaux est arrêté le 20 février 1942, à 6 heures du matin, par deux gendarmes français et deux gendarmes allemands, comme otage, après le sabotage du transformateur d’Auboué, en même temps qu’Auguste Dubois, Dino Tamani, et R. Steinmetz, qui sera relâché.
Lire le récit du sabotage du transformateur d’Auboué, dans la nuit du 4 au 5 février 1942.

Arsène Dautréaux est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Il a, comme beaucoup d’autres déportés de ce convoi, jeté sur le ballast une lettre adressée à sa femme. Trouvée par un cheminot, elle lui a été envoyée par la poste. M. Raymond Falsetti, à l’époque président de l’association « Mémoire des pays de l’Orne » m’indique en mars 1990 que cette lettre, toute jaunie et difficilement lisible était en possession de sa belle-mère.
En voici des extraits les plus lisibles.  » Dans le train le lundi 6 juillet. Ma chère petite Maria. Nous sommes partis ce matin du camp environ 1200 pour une destination inconnue. Nous sommes parqués comme des harengs dans des wagons à bestiaux (….) Nous avons laissé une partie de nos affaires et notre rabiot de vivres au camp. J’en ai fait un gros colis à ton adresse et j’espère qu’il te sera retourné un de ces jours. On m’a pris aussi l’argent qui me restait et on ne m’a pas payé le mandat de 500 francs que tu m’as envoyé au début du mois. Cet argent te sera aussi retourné (peut-être ?). (…) Nous n’avons aucune idée de notre destination définitive, on parle de Prusse orientale, de Haute-Silésie, mais personne ne sait où nous allons. J’essaierais de te renseigner aussitôt que je le pourrais, mais maintenant il n’y a plus d’espoir de libération. Il faut (…) la fin de la guerre (…) … sans avoir été interrogé une seule fois. Il y a eu des commissions qui ont siégé, elles ont été suivies d’un certain nombre de libérations, en grande partie des militants communistes. Voss lui-même n’est pas déporté, il reste au camp. Tu vois bien qu’on ne peut rien comprendre dans tout ceci et j’ai l’impression que j’ai dû être pistonné. Dubois (Auguste Dubois) est aussi dans le train, pas dans le même wagon. Aussi Cavalli et Armand (Amadéo Cavalli et Louis Armand).  Je jette cette lettre que je jette une fente du wagon ».  La personne qui a trouvé la lettre a indiqué : « Trouvée et mise à la poste quelque part dans l’Aisne. Vous donnerons nouvelles ultérieurement. Bonjour madame et bon courage ».

Depuis le camp de Compiègne, Arsène Dautréaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le numéro d’immatriculation d’Arsène Dautréaux à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45429 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

© Dessin de Franz Reisz, 1946

Arsène Dautréaux meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 214).Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le 30 décembre 1947, le maire d’Homécourt certifie qu’il a été arrêté par les Allemands le 20 février 1942 et déporté à Auschwitz.

Médaille militaire

Arsène Dautréaux est décoré de la Croix de Guerre avec palme, de la Médaille de la Résistance et de la Médaille Militaire, à titre posthume(Journal officiel du 6 décembre 1958 « Magnifique patriote, arrêté pour faits de Résistance« ).

Le site internet www.gedenkorte-europa.eu, reprenant quelques éléments de mon site,  écrit en 2017 : « Arsène Dautréaux, geboren 1901 in Tourcoing (Nordfrankreich), Metallarbeiter, Mitglied der sozialistischen Partei SFIO und Gewerkschafter; er  wurde am 20. Februar 1942 von zwei französischen und zwei deutschen Gendarmen verhaftet, den Deutschen übergeben und in Compiègne interniert; von dort in das KZ Auschwitz deportiert, wo er am 22. September 1942 umkam ». https://deportes-politiques-auschwitz.fr/2010/08/dautreaux-arsene.html .

Traduction : « Arsène Dautréaux, né en 1901 à Tourcoing (Nord de la France), métallurgiste, membre du parti socialiste SFIO et syndicaliste; il a été arrêté le 20 février 1942 par deux gendarmes français et deux gendarmes allemands, remis aux Allemands et interné à Compiègne ; de là déporté à Auschwitz, où il est mort le 22 septembre 1942 »

Sources

  • Documents fournis par le gendre d’Arsène Dautréaux, Raymond Falsetti (mars 1990) : Attestation d’arrestation délivrée en décembre 1947, Récit du sabotage d’Auboué (Journal daté du 8 février 1988).
  • Chronique des années 36/38, Roger Martinois (page 12).
  • © Photos et  informations biographiques tirées du même ouvrage.
  • M. Jean Pierre Minella, maire d’Homécourt (9 mars 1989).
  • Charles Dallavalle, ancien résistant (1972).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P) (N°32327) (N° 82).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Et Tome 24, page 104
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • ©Archives en ligne : Registres matricules militaires du Nord.
  • Recensement de 1936 à Homécourt.
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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