Le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Marcel Hébrant, doc. FNDIRP

Matricule « 45 657 » à Auschwitz

Marcel Hébrant : né en 1906 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), où  il habite ;  monteur en fer ; communiste ;  arrêté le 12 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt, le 19 septembre 1942 

Marcel Hébrant (surnommé « chocolat ») est né le 21 mai 1906 à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), où  il habite au 13, rue du Commandant Braine à Villerupt-Cantebonne au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victorine Genson, née en 1872 à Russange (Moselle) et de Joseph Hébrant, né en 1865 à Jandrain-Jandrenouille (Belgique), ajusteur, son époux.
Marcel Hébrant a 4 aînés : Nicolas, né en 1891, Léon né en 1894, Edouard, né en 1896 et Juliette née en 1903.

Le 17 décembre 1927 à Villerupt, il épouse Marie Godard, 23 ans, née le 3 novembre 1904, elle est sans profession. Ils ont un garçon, Louis, Marcel, qui naît le 1er mai 1928 à Villerupt (il est décédé le 6 juin 1987).
A cette période Marcel Hebrant est monteur en fer dans une petite entreprise, chez Pérignon à Villerupt.
En 1931 il est monteur chez Reiser à Villerupt, une autre petite entreprise de constructions métalliques. A son domicile des Champs Vannières de Cantebonne, vivent alors son épouse, son fils Louis et ses parents (recensement de la population de l’année 1931).
Syndiqué à la CGT de 1936 à 1939, il est membre du Parti communiste, « responsable de cellule » (source policière).

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée.
Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Marcel Hébrant est membre du «Front national de lutte pour l’indépendance de la France» (1), depuis le 15 mars 1941 (source : Mairie de Villerupt).
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Marcel Hébrant est arrêté le 21 février 1942, par des policiers allemands et français. Amilcare Casagrande et Richard Girardi de Villerupt sont arrêtés dans la même période. Marcel Herbrant est interné au camp d’Ecrouves le 6 mars.
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) dans la première quinzaine de mars 1942 en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Hébrant est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Lire l’article du site : Les wagons de la Déportation

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45657 »Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Marcel Hébrant meurt à l’infirmerie d’Auschwitz le 19 septembre 1942 à 15 heures d’après l’acte de décès (25 octobre1946) établi à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°155). A propos des dates de décès, lire les deux articles du site :

Hommage de la FNDIRP . Son nom avait été mal orthographié

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Villerupt.

  • Note 1 : Création du «Front national de lutte pour l’indépendance de la France», le 15 mai 1941 à l’initiative du Parti communiste clandestin. Nommé par commodité « Front national » pendant la guerre. Aucun rapport avec le parti d’extrême droite créé en 1972, dont l’intitulé était provocateur…
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membresde la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Documents envoyés par M. Alain Casoni, maire et conseiller général de Villerupt (avril 1989) : acte de décès et documents concernant les déportés de Villerupt, fournis par M. Henry Pilarczyk, président de la section FNDIRP de Villerupt, juin 1991.
  • Martyrologie de la déportation à Villerupt, photo et feuilles communiquées par Madame Marie-Louise Bernard, fille de Louis Gangloff
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Bureau des archives de la Division des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz ( N°155).
  • Actes de naissance et de mariage de Marcel Hébrant : remerciements à Maïté Farneti Corbanese et René Van Gastel (recherches généalogiques).
  • Recensement de la population de Villerupt, 1926 / 1931 / 1936.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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