Titre attribué le 10 décembre 1954
Clément Matheron D.R. Jean Matheron
Clément Matheron : né en 1923 à Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis) ; à Goussainville (Seine / Val-d'Oise) ; manœuvre ; jeune communiste ; arrêté le  28 août 1941 ;  7 mois à la prison du Cherche-Midi ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.

Clément Narcisse, Emile, Matheron (1) est né le 12 novembre 1923 à Romainville (Seine).
Il habite au 19, rue Henri Vuillemin à Goussainville (ancien département de la Seine, actuellement Val-d’Oise) au moment de son arrestation. Il est le fils de Jeanne, Marie Robin, née le 7 juin 1900 à Paris 12ème, domestique et de Hilarion Fernand Matheron, né le 28 octobre 1892 à Paris 12ème, garçon livreur, puis trempeur (métallurgie), puis polisseur, son époux. Ses parents se sont mariés à Paris 3ème le 6 octobre 1917, alors que son père blessé en 1915  à Verdun, avait été affecté aux établissements Niclause, une usine de métallurgie. 

Clément Matheron est est célibataire, il a deux frères, Lucien l’aîné (2) et Jean, et une sœur. Il travaille « sur le terrain d’aviation de Creil (Oise) » selon son frère Jean. Il est sportif, inscrit à un club de football FSGT.
Clément Matheron est adhérent aux Jeunesses communistes.
La famille habite au 19, rue Henri Vuillemin à Goussainville, un petit pavillon dont le terrain est acheté dans un nouveau lotissement dans les années 1930 (la rue ne figura pas au recensement de 1931).
Jean Matheron raconte que comme le quartier n’est pas desservi par des rues empierrées ou goudronnées, leur père doit, les jours de pluie, porter des bottes en caoutchouc pour aller jusqu’à la gare, puis mettre des chaussures de ville avant de monter dans le train pour Paris où il travaille.
Clément Matheron est sportif et footballeur, adhérent à un club FSGT selon son frère.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation, Clément Matheron travaille sur des chantiers de terrassement pour une entreprise de Creil.

Clément Matheron participe à des activités de Résistance du 1er juillet au 28 août 1941 au sein du groupe de Goussainville, secteur Nord pour le mouvement de l’Organisation Civile et Militaire (l’OCM) selon le certificat d’appartenance aux FFI daté de 1949 rédigé à l’intention de son père.
Mais selon son frère Jean, c’est avec ses anciens camarades de la Jeunesse communiste de Goussainville qu’il agit clandestinement, dont Robert Peltier (jeune communiste intégré aux Bataillons de la Jeunesse de Paris – groupe Brustlein- Zalkinow. Arrêté le 1er novembre 1941 il est fusillé le neuf mars 1942 avec 6 autres membres du groupe). Les jeunes communistes tiraient les tracts dans une ancienne carrière d’extraction du calcaire, le long de la rue de Paris, à Louvres.

Clément Matheron est arrêté à son travail (un chantier à Chantilly) par la police allemande qui soupçonne les Matheron d’avoir participé à la commission ou à la préparation de plusieurs sabotages ou attentats  (qui sont le fait du groupe Brustlein- Zalkinow : déraillement d’un train allemand à Orry-la-Ville, le 11 août, assaut contre un poste de radio gonio de la Luftwaffe à Goussainville, le 21 août). Son domicile est perquisitionné par les polices allemandes et françaises.
Interrogé, il est
relâché le 28 août 1941. Mais il est arrêté de nouveau le soir même par une dizaine de gendarmes français.
Son père – membre du Parti communiste – et son frère Lucien – lui aussi membre des Jeunesses communistes – sont également emmenés, menottes aux poignets, au Dépôt, puis à la prison du Cherche-Midi.
Son père y sera détenu jusqu’au 25 décembre 1942 (né en 1892, grand invalide de guerre, malade, Hilarion Matheron est libéré le 25 décembre 1942. Il est mort en 1958, suite à ses blessures de guerre selon son fils. Hilarion Matheron est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense,
Vincennes GR 16 P 402931.
Sa famille ignore tout de leurs lieux d’incarcération. Sa mère et son frère ont cherché partout dans Paris où ils pouvaient être emprisonnés. Ce n’est que par des voisins qui l’ont entendu à la radio, qu’ils apprennent que leur fils et frère Lucien a été fusillé.

Avis de Von Stülpnagel.  Lucien Matheron est le premier des 10 otages fusillés

Il s’agit de son frère Lucien Matheron, né le 8 octobre 1920, qui est fusillé le 16 septembre 1941 au Mont-Valérien (son nom est porté sur l’Avis ci-contre signé de Von Stülpnagel qui annonce l’exécution de 10 otages, suite à des agressions commises contre des soldats allemands).

Clément Matheron demeure au secret durant 7 mois à la prison du Cherche-Midi. Sa famille réussit à l’apercevoir au Cherche-Midi.

Depuis la permanence du Dépôt de la Préfecture, il est transféré au camp de Voves le 16 avril 1942 au sein d’un groupe de 60détenus administratifs des Renseignements généraux(selon la note de service transmise au commissaire de permanence P., par l’inspecteur principal G. 38 d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz).

Registre de Voves

Ce camp (le Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le « Centre de séjour surveillé » n° 15. il s’agissait de 67 baraquements formant 3 îlots (septembre 1942), entourés d’une double rangée de barbelés, protégés par des miradors. Une séparation existait entre les ilots des internés (« grand camp ») et les baraques administratives (« petit camp »). Au bout d’un mois, il est remis aux autorités allemandes à leur demande.

Carte du camp de Compiègne (20 mai 1942)
Clément Matheron à Compiègne Musée de la Résistance. Photo retouchée, P. Cardon

Le 10 mai 1942 il est en effet transféré avec 80 autres
internés de Voves au camp allemand (Frontstallag
122
) de Royallieu à Compiègne à la demande du MBF  (Militärbefehlshaber in Frankreich), commandement militaire en France jusqu’en juin 1942 – installé
à Paris (hôtel Majestic) 
en vue de sa déportation comme otage. Cinquante-six d’entre eux seront déportés à Auschwitz..

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Clément Matheron est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le numéro « 45859 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il serait donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.

La photo d’immatriculation à Auschwitz portant ce numéro n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Selon les témoignages de rescapés (Victor Louarn, Fernand Devaux, Georges Dudal, Raymond Maquenhen), il a été l’un des premiers tués à Birkenau « à coups de pioche, pour l’exemple« . Au block 19, ils subissent les menaces du Blockältester (chef de Block) : Georges Dudal raconte : » Couchez-vous les pieds dans le fond et la tête tournée vers le couloir, pour que je puisse vous voir et vous compter. Si demain, l’un de vous a fait tomber un brin de paille, il sera tué. Il est défendu de sortir pour aller aux chiottes et celui qui pissera dans sa loge sera également tué.
Vous êtes ici en Allemagne, dans un camp d’extermination. N’oubliez jamais que je suis le maître ici, que j’ai le droit de vie et de mort sur vous tous. Celui qui ne sera pas discipliné sera tué à coups de bâton. Je vais vous montrer comment on tue un homme ». Se dirigeant vers un box, il choisit le plus jeune de notre transport, le petit Matheron et commence à le frapper derrière la tête. Trois fois de suite, Matheron se releva, la quatrième, il resta au sol. C’est alors que la brute s’acharna sur ce jeune de dix-sept ans et lui asséna des coups sur tout le corps. Il frappa pendant dix minutes. La bête humaine était à bout de souffle, suait à grosses gouttes. Il laissa notre pauvre petit camarade pour mort. Que pouvions nous faire ? Se révolter, il ne fallait pas y compter
(récit page 32 dans « Mille otages pour Auschwitz »). Selon un autre témoignage manuscrit dont nous n’avons pas pu identifier formellement l’écriture (mais il ne peut s’agir que de Fernand Devaux ou Lucien Ducastel) : « En réalité Matheron ne reçut qu’un seul coup de pioche qui le laissa pour mort, mais il ne mourut pas sur le coup. J’étais à deux mètres de la scène« .

Clément Matheron est en effet porté décédé à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 788). Le 29 octobre 1946, l’état civil français a marqué cette même date sur son acte de décès.
Il a été déclaré « Mort pour la France« .

Médaille militaire. Décret nommant Clément Matheron

Le titre de « Déporté résistant » lui a été attribué le 10 décembre 1954. Clément Matheron est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 402926.
Il a reçu la médaille militaire à titre posthume le 11 juillet 1958 (croix de guerre avec palmes, médaille de la Résistance.

Gymnase Matheron

Un gymnase de Goussainville (salle multisports) au 1, rue Pierre Sémard, porte le nom de « Matheron« , il a été inauguré le 18 septembre 2010 par le Maire PS de Goussainville Alain louis.

Plaque de rue à Goussainville

Une rue de la ville porte le nom des deux frères. 

  • Note 1 : On trouve quelquefois, sur certains sites, un accent aigu sur le e de son nom. mais aussi bien l’état civil de son père que l’acte de décès de Clément sont bien orthographiés Matheron.
  • Lucien Matheron

    Note 2Son frère Lucien Matheron, est né le 8 octobre 1920 à 4ème. Manœuvre, il est membre des Jeunesses communistes clandestines selon son frère Jean, il est fusillé le 16 septembre 1941 au Mont-Valérien. Son nom est porté sur l’Avis reproduit plus haut, signé de Von Stülpnagel qui annonce l’exécution de 10 otages, suite à des agressions commises contre des soldats allemands. Lucien Matheron est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) et Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense,
    Vincennes GR 16 P 402936.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Jean, Marcel Matheron, son frère (25-11-1990).
  • Témoignages de Victor Louarn, Fernand Devaux, Georges Dudal, Raymond Maquenhen.
  • Etat-civil de la Mairie de Goussainville, acte de décès (29 oct. 1946).
  • Communication de sa sœur (1990).
  • Documents (Certificat FFI).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense) fiche consultée en 1993.
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • Photo de la carte de Compiègne, Musée de la Résistance Nationale : remerciements à Mme Céline Heytens.
  • Photo de Lucien Matheron, in Lucien Matheron, héros de Goussainville http://herosdegoussainville.free.fr/Personnes/MATHERON%20Lucien.htm

Notice biographie rédigée en janvier 2001 (complétée en 2011, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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