Joseph Matis © Cgt 54

Matricule « 45 861 » à Auschwitz

Joseph Matis : né en 1904 à Čadca en Tchécoslovaquie ; domicilié à Tucquenieux (Meurthe-et-Moselle) ; mineur ; syndiqué CGT ; interné en 1939 ; arrêté le 22 août 1941 ; arrêté le 20 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 16 février 1943 

Joseph (Josef) Matis est né le 19 septembre 1904 à Čadca (1) dans l’ancien empire Austro-Hongrois puis en Tchécoslovaquie. Il habite au 101, rue Edouard Dreux à Tucquenieux (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria Deichick et de Jacob Matis (tous deux tchèques).

A son arrivée en France, il habite Alrange (2) en Moselle, où il travaille dans une des quatre mines de fer, puis il vient habiter à Villenoy en Seine-et-Marne : il travaille dans les carrières de gypse près de Meaux.
Le 21 octobre 1933 à Monthyon (Seine-et-Marne), il épouse Anna Pakos (née le 3 janvier 1895 à Dublanij (in archives municipales de Tucquenieux).
Le couple a deux garçons : Jean, né le 1er août 1926 à Meaux (Seine-et-Marne, décédé en 2021) et Joseph, né le  5 mai 1934 à Monthyon (Seine-et-Marne, décédé en 2002).
La famille vient s’installer à Tucquenieux après 1936 (ils ne figurent pas sur le registres de recensement de l’année 1936), au 101, rue Edouard Dreux, un lotissement ouvrier.
Il travaille à la mine de Tucquenieux, est syndiqué à la CGT et peut-être militant communiste (le chef du personnel de la mine témoignera à la Libération : «il parait qu’il faisait partie d’une cellule communiste étrangère, c’est la raison pour laquelle il aurait été arrêté par la Gestapo de Briey »).
Après la déclaration de guerre 1939, Joseph Matis est interné au « centre de rassemblement des étrangers » à Briey (3), comme Ludwig Motloch, immigré tchécoslovaque, lui aussi mineur à Tucquegnieux. Libéré, il reprend son travail à la mine, mais se trouve désormais sur les listes de la Préfecture.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ;

Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. Seize d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Joseph Matis est arrêté le 20 février 1942 par la Gestapo de Briey, cette fois-ci comme otage. Stanislas Slowinski  en a témoigné « il a été arrêté le même jour que moi. Transféré à Ecrouves, puis Compiègne. Il était robuste et de forte constitution ». Joseph Matis est donc interné au camp d’Ecrouves (LA 7463). Il en est extrait le 3 mars et il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 5 mars 1942 en vue de sa déportation comme otage.

Depuis le camp de Compiègne, Joseph Matis est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Le 22 août 1941, Joseph Matis est à nouveau arrêté sur notification du préfet de Meurthe-et-Moselle et il est interné administrativement pendant quinze jours à la suite d’une distribution de tracts communistes à Turquenieux.

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au 
Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : 
Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Joseph Matis meurt à Auschwitz le 16 février 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 788).
Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG avait fixé le décès au 15 mars 1943. Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.

L’Est Républicain du 26 juillet 1945 publie une première liste de déportés dont les familles sont sans nouvelles, transmise par la direction régionale du Ministère des déportés et prisonniers  : parmi eux trois « 45.000 » de Meurthe-et-Moselle : Jules Blaison, Richard Girardi et Joseph Matis.
On notera l’erreur de date concernant sa déportation (mai 1942 alors qu’il arrive à Auschwitz le 8 juillet 1942) et le nom d’Oświęcim en polonais (Auschwitz en allemand) mal orthographié.

  • Note 1 : in Musée d’Auschwitz / à prononcer Tchadca, en allemand : Tschadsa, en hongrois :  Csáca, en polonais : Czadca). C’est une ville au nord de l’ancien empire Autro-ongrois devenu Tchécoslovaquie en 1918, proche de la frontière polonaise, mais on la trouve écrit Tchaca (in archives municipales de Tucquenieux, reproduction phonétique) ou Cadia (in  S.g.a. Défense et Journal officiel) ou Eschatin (in registre de recensement) .
  • Note 2 : Alrange est l’une des 3 municipalités de Moselle a avoir eu un maire communiste dès 1923.
  • Note 3 : Dès le 14 avril 1938, le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut demandait une action … en vue de « débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui
    interviennent de façon inadmissible dans les querelles ou les conflits politiques qui ne regardent que nous
    ». Au mois de novembre 1938 le gouvernement promulgue une loi sur les « étrangers indésirables » : toute personne de nationalité étrangère soupçonnée de porter atteinte à la sécurité du pays pouvait désormais être détenue dans des « centres d’internement » de « rassemblement » ou « centres spécialisés » en raison de leurs antécédents judiciaires et de leur activité jugée « trop dangereuse pour la sécurité nationale » (in : Les camps d’étrangers depuis 1938 : continuité et adaptations. Olivier Clochard, Yvan Gastaut et
    Ralph Schor).
  • Joseph Mathys domicilié également à Mont-Saint-Martin

    Note 4 : une photo d’un déporté à Auschwitz, provenant des commémorations organisées après guerre par la CGT de Meurthe et Moselle, nous avait été communiquée lors de la conférence de 1997 : elle aurait pu être celle de Joseph Matis… Mais la fiche indiquait Joseph Matys, (Mathys au J.O.) avec des dates d’arrestation différentes : le 21 mai 1942. De plus la date et le lieu de naissance sont différents (né en 1902 en Pologne et non en 1904 en Tchécoslovaquie). Enfin, il est interné à Charles III à Nancy et la date de sa déportation indiquée sur la feuille commémorative pour Auschwitz est celle d’un convoi partant de Belgique le 4 août (le quatrième). La Meurthe-et-Moselle fait en effet partie de la zone gérée par le MBB (Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich).

Sources

  • Témoignage de Stanislaw Slowinski (1946).
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle  » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 349.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Val de Fontenay, juillet 1992.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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