522 photos des « 45 000 » ont été remises par Kazimerz Smolen – ancien déporté qui fut directeur du Musée d’Auschwitz – à André Montagne, alors vice président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a remises.

Les dates de décès des « 45 000 »

Les sources documentaires disponibles ne permettent pas de fournir un relevé complet des dates de décès des "45000" au cours de leur déportation. Car il n’a pas été possible de reconstituer la totalité de la liste des déportés enregistrés à Auschwitz et cinq déportés n'ont pu être identifiés à ce jour. D'autre part, les SS ayant détruit, en 1944 et 1945, une grande partie de leurs archives afin d’effacer la trace de leurs crimes, seules 908 dates de décès  issues des archives des camps nazis  ont pu être établies, pour les 1051 "45 000" morts en déportation.

La majorité des dates de décès retenues ont été relevées dans un ouvrage en trois tomes, publiés en trois langues (allemand, anglais, polonais) : Sterbebücher von Auschwitz, Death Books from Auschwitz (1) et Ksiegi egonow z Auschwitz, que l’on peut traduire par « Registres des morts d’Auschwitz », publiée par le Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Cependant ce recensement reste partiel puisqu’il contient uniquement 69 000 noms. Il a été réalisé principalement à partir des certificats de décès établis entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, par les SS du service de l’état civil du camp d’Auschwitz (2). Ces actes de décès ne concernent que les détenus enregistrés dans le camp principal et dans les camps annexes, excluant ainsi le million de déportés juifs conduits dès leur arrivée vers les chambres à gaz. De plus, certains de ces registres sont manquants ou détériorés.

Pour ce qui intéresse la détention des « 45 000 » à Auschwitz, les décès inscrits dans ces registres entre le 12 novembre et le 5 décembre 1942, les 14 et 29 décembre, les 7 et 16 février 1943, le 1er et le 14 avril, les 4 et 17 juin, le 8 août et le 13 octobre 1943, ne figurent pas dans cet ouvrage. Pour ces périodes, quelques « 45000 » sont toutefois mentionnés dans d’autres documents du camp.
Il faut savoir d’autre part  que certaines de ces dates de décès ne sont pas exactes. Des erreurs furent commises au moment de leur inscription ou de leur relevé sur les registres des camps, dans la mesure où certaines indications étaient difficiles à déchiffrer et d’autres – involontairement ou volontairement – erronées. Il arrivait, par exemple, que les infirmiers du Revier (l’infirmerie du camp) réussissent à échanger le matricule d’un malade sélectionné la veille pour la chambre à gaz, avec celui d’un détenu, mort pendant la nuit. Par ailleurs, le recensement des morts, à l’infirmerie ou après une sélection importante, s’étalait sur plusieurs jours. Cet étalement était volontaire afin de ne pas attirer l’attention des autorités civiles et de l’opinion publique sur l’importance de la mortalité à Auschwitz (pour la même raison, la Kommandantur du KL d’Auschwitz avait ordonné en 1941 que les détenus victimes d’une sélection pour la chambre à gaz ou d’une exécution soient déclarés à l’état civil décédés des suites d’une maladie ou de mort naturelle).
En conséquence, le registre des effectifs du camp ne mentionne pas toujours le nombre exact de décès de chaque jour qui se retrouve néanmoins dans leur récapitulation mensuelle (3).
Le site du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau, créé postérieurement permet un accès en ligne de ces données. http://auschwitz.org/en/museum/auschwitz-prisoners/

Les causes de décès mentionnées sur les registres établis au camp d’Auschwitz sont fictives.
Lire l’article du site :

Nous n’avons pas retenu également les dates officielles de disparition des « 45 000 » fournies par l’état civil français, car la plupart d’entre elles sont fictives. 

En effet, lors de l’établissement des certificats de décès, le ministère des Anciens Combattants et des Victimes de guerre a dû, en l’absence de documents originaux, faire appel aux souvenirs des rescapés. Or, bien souvent, les déportés n’ont pu indiquer la date précise du décès de leurs compagnons : soit parce qu’ils manquaient de points de repère, soit parce qu’ils n’avaient pas assisté à la mort de leurs camarades, en raison de l’éparpillement du convoi dans la multitude des Blocks et des Kommandos d’Auschwitz-I et de Birkenau, soit encore en raison de entrée au Revier.
En conséquence, dans de nombreux cas, les renseignements donnés reposent sur des on-dit ou sur de simples estimations. A partir de ces indications, les juges chargés d’établir les actes de décès arrêtèrent une date pour l’état civil. Par la suite, des rectifications furent faites à l’initiative du ministère des Anciens Combattants (ou à la demande des familles) lorsque l’on disposait de sources nouvelles, communiquées par le Service des Recherches géré par la Croix-Rouge internationale.
Les dates fictives se reconnaissent, généralement, à ce qu’elles ont été fixées au premier, au quinzième ou au dernier jour du mois, en ce qui concerne les déportés non juifs (4). C’est ainsi que de très nombreux « 45 000 » ont été déclarés morts à Auschwitz, au 15 septembre, au 15 octobre 1942, ou au 1er janvier 1943.
Pour cette raison, des écarts importants ont été constatés entre les dates de décès enregistrées par l’état civil français et les dates de décès des « 45 000 » inscrites dans les registres d’Auschwitz.
Sur un échantillon de 79 cas que nous avons étudiés, 24 (soit plus d’un tiers) accusent un intervalle de plus de deux mois ; la différence peut aller jusqu’à 6 mois, voire un an, ou même davantage.
La plupart du temps, le décès est intervenu avant la date présumée de disparition. Mais l’inverse est également possible. C’est ainsi que Louis Daëns, dont la mort a été officiellement fixée au 15 octobre 1942, figure en tant que malade sur le registre de l’un des Blocks de l’infirmerie d’Auschwitz au 1er janvier 1943 et est enregistré à Auschwitz comme mort le 9 février 1943. Il faut enfin savoir qu’une quinzaine de « 45 000 » ont été officiellement portés disparus en France les 28 avril (date de leur arrestation),ou les 5, 6 ou 7 juillet 1942 et que plusieurs d’entre eux ont été considérés comme « morts à Compiègne ».

Ajoutons que la loi du 15 mai 1985 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès permet, dans son article 4, la rectification de dates ou lieux erronés.
Il est regrettable que le ministère, à l’occasion de l’inscription de ces mentions « mort en déportation« , n’ait pas, à partir de l’année 1995, date de la publication des « Livres des morts d’Auschwitz » modifié la date le décès des détenus morts à Auschwitz. 

La plupart du temps, cinq jours ont été ajoutés fictivement à la date de départ du convoi depuis la gare de Compiègne lorsque celle-ci avait été préalablement mentionnée comme date de décès.

Claudine Cardon-Hametdocteur en histoire, auteure de deux ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942dit des « 45000 » (éd. Graphein, Paris, 1997 et 2000, épuisé, «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Autrement, Paris 2005. Article rédigé à partir des pages 126 à 128 de Triangles rouges.

Lire également l’article du « Patriote Résistant » de mars 2011 (Malheureusement le lien est devenu inactif : Mention « Mort en déportation » et dates de décès)

  • 1 Death Books from Auschwitz, Remnants, edited by State Museum of Auschwitz-Birkenau, KG Saur, München, New Providence, London, Paris, 1995.
  • 2 Auschwitz 1940-1945, Central issues in the history of the camp, Auschwitz-Birkenau State Museum, Oswiecim 2000, p. 180 et suiv. Voir aussi à ce sujet, le témoignage de Mme Kagan, Archives du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, IHTP.
  • 3 Danuta Czech, Kalendarium der Ereigniss in Konzentrazionslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinberg bei Hamburg, Rowolt Verlag, journal du médecin SS Kremmer.
  • 4 Les dates de décès des Juifs disparus étaient fixées au cinquième jour suivant la date d’arrivée de leur convoi.

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