Matricule « 46 206 » à Auschwitz

Charles Wingert : né en 1894 en Belgique ; domicilié à Réhon (Meurthe-et -Moselle) ; ajusteur ; militant CGT ; arrêté le 21 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 janvier 1943*.  
Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Charles Wingert est né le 24 décembre 1894 à Athus (Belgique).
Il habite au 53, rue de Lexy, selon le Service Historique de la Défense de Caen (1) à Réhon (Meurthe et Moselle) au moment de son arrestation (Cipriani Bonazzoli, arrêté le même jour que lui, habite au 47).
Il est le fils d’Eugénie Liétard et de Charles Wingert son époux.
En février 1922 il épouse Delphine Denize, à Athus (Belgique). Elle est née le 12 janvier en 1891 à Bouelles (Seine-Maritime).
En 1936, Charles Wingert est ajusteur à la Société des Laminoirs, Hauts-Fourneaux, Fonderies et Usines de la Providence à Réhon (« La Providence »).
Il est syndiqué à la CGT de 1936 à 1939.

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).

Appel à délation avec prime

Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Charles Wingert est arrêté par des Felgendarmes le 21 février 1942 à Réhon, en même temps que Cipriani Bonazzoli. Ils sont tous trois écroués à la prison Charles III de Nancy, puis le 23 février 1942, internés au camp d’Ecrouves.
Il sont remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci les internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 5 mars 1942 en vue de leur déportation comme otage.
A Compiègne, il reçoit le numéro matricule « 3772 ».
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Depuis le camp de Compiègne, Charles Wingert est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.  Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45266 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction,
ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est possible que Charles Wingert, ajusteur de métier et parlant le dialecte luxembourgeois ait été employé à Auschwitz 1.

* Charles Wingert meurt à Auschwitz le 13 janvier 1943 au Block 20 (l’infirmerie) d’après les travaux des historiens du Musée d’Auschwitz et le registre de la morgue (block 28).
Maurice Ostostero « 45 941 » de Thil, rescapé, ayant déclaré à son retour des camps qu’il serait mort vers le mois de novembre 1942 c’est ce mois que les services du Ministère des anciens combattants ont retenu. Le J.O. du 19 octobre 2002 portant apposition de la mention « mort en déportation » sur ses actes déclaratifs de décès a retenu ce mois et fixé son décès au 15 du mois : « décédé à Auschwitz, le 15 novembre 1942 ».
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.

Plaque commémorative à Thil

Son nom est honoré sur le Monument aux morts de Réhon et sur le monument du centre ville.
Son nom est gravé sur la plaque commémorative de Réhon.

  • Note 1 : en 1936, il habite rue de Lexy. La rue semble s’arrêter au n° 49.

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Recensement de la population de Réhon / 1931 /1936.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et
le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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