Henri Ferchaud : né en 1895 à Gonnord (Maine-et-Loire) ; domicilié à Orléans-Saran (Loiret) au moment de son arrestation ; croix de guerre étoile d’argent en 1918 ; marié, deux enfants ; ajusteur cheminot ; membre du Parti communiste ; arrêté en février 1941 et le 19 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté et mort à Auschwitz le 4 novembre 1942
Henri Ferchaud est né le 14 décembre 1895 à Gonnord (commune fusionnée avec Etiau et Joué : aujourd’hui Valanjou dans le Maine-et-Loire). Il habite un petit pavillon au 62, rue des Aydes à Orléans-Saran (Loiret) au moment de son arrestation. Il est cheminot.
Henri Ferchaud est le fils d’Aimée, Marie, Joséphine Onillon, 29 ans, et de Jean, Alphonse Ferchaud, 35 ans, tailleur d’habits, son époux. Il a 6 sœurs et frères (Marie, Isabelle, Jeanne, Jean, Alphonse, Adrienne).
Le registre matricule militaire d’Henri Ferchaud indique qu’il habite Sauvigné où il est maréchal-ferrand. Il mesure 1m 77, a les cheveux bruns, les yeux « roux », le front moyen, le nez rectiligne et le visage rond. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter,instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1915, il est mobilisé par anticipation en 1914, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Le 17 décembre 1914, il est mobilisé 32è régiment d’infanterie. Le 21 mars 1915, après l’instruction il est affecté au 409è régiment d’infanterie, qui part en campagne le 7 mai 1915.
Henri Ferchaud est cité plusieurs fois à l’ordre du jour du régiment : le 16 mars 1916 (O.j. n° 151) « s’est brillamment comporté au cours d’un coup de main qui a d’ailleurs pleinement réussi » (combats du Fort de Vaux, devant Danloup).
Nommé soldat de 1ère classe le 9 avril 1916, il est décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent, étoile de bronze. O.j. n° 1304 : « Agent de liaison. Malgré un tir de barrage ennemi et de violents bombardements, a porté les ordres à sa section et assuré la liaison avec les unités voisines, montrant ainsi un beau mépris du danger ». Le 9 mai 1917, lors de l’attaque du Champ du Seigneur, petit bois que les Allemands ont garni de fortins bétonnés et de nombreuses mitrailleuses, il est à nouveau cité. Le 14 juin 1917 (O.j. n° 406) : « à l’attaque du 9 mai, a puissamment aidé à la progression dans la tranchée conquise, en s’exposant à découvert pour briser les dernières résistances. A fait des prisonniers ».
Il est blessé à l’épaule par un éclat d’obus le 23 octobre 1917 au cours de l’attaque de La Malmaison (à côté du Chemin des dames) dans l’Aisne, il est évacué vers un hôpital de campagne. L’O.j. n° 263 de la 43ème Division en rend compte le 27 novembre 1917 : « Excellent soldat. Chargé de ravitailler en munitions les troupes d’assaut, a été blessé au cours de sa mission ».
Il est décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent et 3 étoiles de bronze. Il est nommé caporal le 1er juillet 1918.
Henri Ferchaud épouse Marguerite Poitou le 4 janvier 1919 à Saint-Denis-en-Val, près d’Orléans (Loiret). Le couple a deux garçons, Henri-Raymond et Robert (1).
Le 2 avril 1919, il est mis à disposition (DTI : disposition technique immédiate) de la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO) en qualité d’ajusteur.
Cette mise à disposition confirmée le 10 avril 1919 pour les chemins de fer d’Orléans. Il est officiellement mis en congé illimité de démobilisation le 20 décembre 1919.
Il est embauché comme ouvrier aux Chemins de fer d’Orléans (fiche SNCF « 422.965 »). Son emploi aux Chemins de fer le classe automatiquement comme « affecté spécial » dans la réserve militaire au titre d’ouvrier d’entretien de la 3è section des chemins de fer de campagne.
Henri Ferchaud est membre du Parti communiste.
Le 7 juin 1928, Henri Ferchaud est décoré de la médaille militaire.
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Henri Ferchaud est arrêté le 11 février 1941, par la police française, pour ses activités politiques, avec ses deux fils.
Ils passent devant le tribunal correctionnel d’Orléans.
Après un internement à la prison de Poissy (Henri Ferchaud y reçoit le numéro matricule 8146), le tribunal prononce son acquittement, mais ses 2 fils sont condamnés, l’un à 2 ans, l’autre à 18 mois de prison : Ils ont tout fait pour disculper leur père.
Robert sera libéré le 11 octobre 1943. Henri-Raymond, déporté, meurt à Dachau le 13 octobre 1944.
Remis en liberté le 22 août 1941, Henri Ferchaud père est arrêté de nouveau le 19 octobre 1941, le même jour que 7 de ses camarades qui seront déportés avec lui à Auschwitz : Marcel Boubou , Marcel Couillon , Robert Dubois , Henri Ferchaud , Raymond Gaudry , Joseph Lhorens , André Lioret).Il est conduit à la prison rue Eugène Vignat à Orléans. Puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 25 octobre 1941.
Le 18 avril 1942, il écrit à ses fils depuis le camp de Compiègne.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le train, le 6 juillet 1942, il jette une lettre sur le ballast : « Nous voilà déportés en Allemagne…». Cette lettre manuscrite a été recopiée à la machine à écrire par Henri Bouission, correspondant du Patriote Résistant pour le Loiret et envoyée à Roger Arnould en 1972 (reproduction ci-contre).
Roger Arnould, lui même déporté à Buchenwald, commente la première phrase :
« Courage à nos gars et santé à vous trois » : Ce sont les mots qu’Henri Ferchaud a trouvés pour dire tout ce qu’il éprouve, à sa femme, seule à la maison, parce que leurs « gars » sont en prison centrale à Poissy« .
Depuis le camp de Compiègne, Henri Ferchaud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu.
Le numéro « 45 535 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Henri Ferchaud meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 282).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 25 février 1996). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
A Saran, une plaque a été apposée au 62, rue des Aydes où ils habitaient.
Une rue voisine, est dédiée à « Henri Ferchaud, père et fils« .
- Note 1 : Robert et Henri (Raymond) sont écroués à la Maison centrale de Poissy. Robert sera libéré le 11 octobre 1943. Raymond, né le 27 janvier 1920 est électricien. Interné à Compiègne, il est déporté par le convoi du 18 juin 1944 au camp de Dachau (matricule 73.347), où il meurt le 13 octobre 1944.
Sources
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Correspondance de Roger Arnould avec Robert Ferchaud, son fils.
- © Registres matricules militaires du Maine-et-Loire et Copie de la lettre jetée du train le 6 juillet 1942.
- « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel). - Historique du 409è Régiment d’Infanterie. Imprimerie Blay Camp; Martin – Chatellerault numérisation : P. Chagnoux – 2010.
- Reproduction de la lettre de Compiègne, in « Rail et mémoire ».
Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2016, 2018, 2023 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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