Matricule « 45 489 » à Auschwitz
Robert Dubois : né en 1897 à Orléans (Loiret), où il habite au moment de son arrestation ; tourneur-mécanicien ; marié, 3 enfants ; militant communiste, membre du triangle de direction clandestine du PC du Loiret en 1940 ; arrêté en octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz où il meurt le 25 août 1942
Robert Dubois est né le 26 septembre 1897 au domicile de ses parents, 18, rue de Tudelle à Orléans (Loiret).
Il habite à Orléans Place de la Bascule ou au16, quai des Augustins (adresse qu’il indique sur sa lettre du 6 juillet 1942) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Berthe, Augustine Mondamert, 29 ans, née le 3 novembre 1867 à Marcilly-en-Vilette (Loiret) et de François, Alphonse Dubois, 35 ans, cantonnier, son époux, né dans le même village le 26 février 1862.
Il a connu quatre de ses sœurs et frères : Auguste (1886-1958), André (1894-1917), Carmen (1900-1994) et Pol Albert (1909).
Le registre matricule militaire de Robert Dubois indique qu’au moment du conseil de révision, il habite Orléans, où il est tourneur-mécanicien. Il mesure 1m 67, a les cheveux bruns, les yeux marrons, le front moyen proéminent, le nez vexe moyen, le visage ovale, un menton à fossettes.
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation en 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Le 11 janvier 1916 il est mobilisé. Il arrive au corps le lendemain, soldat de 2è classe. Il est affecté au 113è régiment d’infanterie (7è compagnie) le 10 octobre 1916. Le 20 octobre 1916, il part au front avec le 9è bataillon. Il est évacué pour blessure par éclat d’obus le 11 avril 1917, lors des tirs de barrage de l’artillerie allemande dans le secteur de Pontavert-Gernicourt (plaie au cuir chevelu). Il rejoint son régiment le 8 mai 1917.
Lors d’une attaque allemande à coups de «minen » sur le petit poste dit de « Tirbach », creusé sous le plateau de Craonne, il est à
nouveau blessé le 28 août 1917 (plaie au bras droit et jambe droite par éclat d’obus) alors qu’avec ses camarades il repousse l’attaque à coup de grenades. Il est cité à l’ordre du jour du régiment le 29 août « Très bon grenadier, volontaire pour toutes les missions périlleuses. A été blessé au cours d’une bataille ».
Robert Dubois reçoit la croix de guerre avec étoile de bronze. Il est fait prisonnier le 8 juin 1918 à Biermont (Oise) lors de l’offensive allemande qui a dépassée Montdidier. Il est interné au KG de Munster (situé en Westphalie, à proximité de la frontière Hollandaise). Avec les accords d’armistice, il est rapatrié le 20 décembre 1918. Il est alors affecté au 131è régiment d’infanterie le 28 janvier 1919. Robert Dubois est mis en congé illimité de démobilisation le 20 septembre 1919. A son retour il habite au 6, rue Tudelle à Orléans
Le 9 mars 1920 à Orléans, Robert Dubois épouse Berthe Juquin, 22 ans, cuisinière, née le 12 septembre 1897 à Sury-aux-Bois (Loiret). Elle habite au 33, quai neuf à Orléans.
Le couple a trois enfants : Lucien (1920-1968), né le 26 septembre 1920, André, né le 15 août 1922, et Bernard, né le 18 juillet 1932, tous trois à Orléans.
En 1929, le couple habite 20, rue de la Corroierie à Orléans. Robert Dubois travaille à l’atelier de construction de Bourges en janvier 1938 et à ce titre est classé « Affecté spécial » au titre du tableau III.
En février il est « Affecté spécial » pour la réserve de l’armée en tant que tourneur-mécanicien aux usines automobiles Panhard-Levassor. Ces usines travaillant pour l’armée en 1939, il est vraisemblable que Robert Dubois ait été radié de l’affectation spéciale comme la quasi-totalité des « affectés spéciaux » connus comme syndicalistes ou communistes ou soupçonnés d’appartenance au Parti communiste.
Robert Dubois est un militant communiste. On ne connait hélas pas les détails de sa vie militante, mais dans la mesure où il sera membre du triangle de direction du Parti communiste clandestin du Loiret, il a certainement eu des responsabilités au sein de l’organisation. Son fils aîné Lucien, 20 ans en 1940, ouvrier-peintre en bâtiment, milite avec des jeunes communistes.
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Robert Dubois est membre du même réseau (un triangle clandestin) qu’André Gaullier (Gaullier André) cimentier couvreur et Marcel Boubou , instituteur, qui seront tous deux déportés avec lui à Auschwitz.
Son fils est filé par les hommes de la Sureté française, puis interpelé le 13 février 1941. Interrogé par le commissaire divisionnaire de la 5ème brigade de la police mobile, il est écroué à la maison d’arrêt d’Orléans. Suite à une décision du tribunal militaire de la Feldkommandantur 589, il est libéré.
A la suite de la décision du Commandant des forces militaires en France (en date du 19 août 1941), la répression anticommuniste jusqu’ici essentiellement assurée par Vichy est relayée par les tribunaux militaires allemands.
Le 11 septembre 1941, onze militant.e.s comparaissent devant la Section spéciale de la cour d’appel d’Orléans pour tentative de reconstitution du Parti communiste. Lucien Dubois, son fils, est condamné à 4 ans d’emprisonnement, 500 francs d’amende et 10 ans d’interdiction de droits civiques. Le 15 octobre la police française effectue une perquisition au domicile de la famille Dubois, et arrêté le père Robert. Il est relâché le soir même. Il s’agit vraisemblablement pour la police de le filer.Mais le 19 octobre, Robert Dubois est arrêté par la Feldgendarmerie au café « Les Sables de Loire » situé en bas de chez-lui, et conduit à la prison militaire rue Eugène-Vignat à Orléans, réquisitionnée par l’armée d’occupation. 41 hommes sont arrêtés les 18 et 19 octobre (parmi eux Henri Ferchaud, Raymond Gaudry et Lucien Vannier). Dans la même période que 9 de ses camarades (7 d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Marcel Boubou, Cyprien Depardieu, Marcel Couillon, Henri Ferchaud, Raymond Gaudry, Joseph Lhorens, André Lioret ).
Il est conduit à la prison rue Eugène Vignat à Orléans.
Puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 25 octobre 1941.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le train, le 6 juillet 1942, il jette une lettre sur le ballast, qui décrit le départ avec 3 jours de vivres, l’itinéraire suivi, et la présence dans le convoi de Raymond Gaudry, Joseph Lhorens et Lucien Vannier. Cette lettre manuscrite a été recopiée à la machine à écrire par Henri Bouission, correspondant du Patriote Résistant pour le Loiret et envoyée à Roger Arnould en 1972 (reproduction ci-dessus).
Depuis le camp de Compiègne, Robert Dubois est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 489 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Robert Dubois meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (inDeath Books from Auschwitz Tome 2 page 242).Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 mars 1943 à Auschwitz (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Un arrêté paru au J.O. du 17 janvier 1989 porte apposition de la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès.
La date fictive a été également reprise sur la plaque commémorative.
Le titre de « Déporté politique » a été attribué à Robert Dubois en 1955.
Une plaque apposée place de la Bascule à Orléans, commémore son souvenir. Elle a été rénovée en 2013 par la municipalité, suite aux demandes de la section communiste d’Orléans. Un hommage solennel a été rendu par le 21 juillet 2013.
21 juillet 2013, hommage à Robert Dubois : Au cours de cet hommage ont été lus par Michel Ricoud, conseiller municipal d’Orléans (PCF / Front de Gauche) les noms des 18 militantes et militants communistes morts en déportation ou fusillés. Il a également rappelé que 20 000 orléanais se rassemblèrent le 22 avril 1945 pour leur rendre hommage.
Sources
- © Etat civil et Registres matricules militaires du Loiret.
- Photographie de la plaque en hommage à Robert Dubois, par Véronique Bury, in site Internet « Les plaques commémoratives, source de mémoire».
- Correspondance avec sa veuve (1972). Photo de famille, et archives des Anciens combattants au Val de Fontenay (1989)
- Lettre du convoi, communiquée le 24 avril 1972 à Roger Arnould par M. Henri Bouission, correspondant du Patriote Résistant pour le Loiret.
- Témoignages d’André Gaullier (15 mai 1973) et de Louis Lecocq.
- « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste. Photo de Robert Dubois en page 18.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, SHD Caen (dossier individuel). octobre 1993, Caen.
- Archives départementales du Loiret, Orléans : rapports de police (138 W-25854).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2016, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942″ Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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