Louis Bresolin in © « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » de Jean Claude et Yves Magrinelli)

 

Louis Bresolin ; né en 1909 à Bassano (Italie) ; domicilié à Valleroy (Meurthe-et-Moselle) ; wattmann ; antifasciste, secrétaire du syndicat CGT des mineurs ; arrêté comme otage le 20 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Louis Bresolin est né le 13 février 1909 à Bassano (Italie). Il habite 19, rue Edouard Dreux à Valleroy au moment de son arrestation.
Il est le fils de Félicita Bordignon, née en 1866 à Cittadella (Italie) et de Luigi Bresolin, né en 1859 à Soria (Italie), cantonnier.
Louis Bresolin a deux frères : Antonio et Francesco, l’aîné. Ce dernier a un fils Marcel, qui naît en 1929 à Valleroy.
La famille Bresolin est arrivée en France en 1926. Francesco a accueilli Louis, puis sa fille, Romi, après guerre. (Romi, aujourd’hui décédée a eu une fille, Sophie Walzak). En 1931 la famille habite chez son frère Antonio, marié à Amélie (née à Udine), qui travaillant à la mine de Valleroy est logé par celle-ci.
Louis et Marcel sont wattman (conducteurs de locomotrices électriques pour les wagonnets transportant le minerai) à la mine et leur père est cantonnier à la ville de Valleroy. 

Un wattmann et sa loco

Louis Bresolin épouse Pierrina Peni (ou Penz selon la base Dénat) née le 24 octobre 1912 à Gonars (province d’Udine). Le jeune couple habite seul (1) en 1936 au n° 435, du quartier de la mine (les noms de rues ne sont pas indiqués sur le registre de recensement). Son frère Antonio a un fils Angelo, né en 1935 à Valleroy.
Le 12 janvier 1933 Louis Bresolin est naturalisé français par décret (29050 X 32 (conservé aux Archives nationales sous la cote 19770876/88) et son épouse par mariage (1).
Louis Bresolin est secrétaire du syndicat CGT des  mineurs de Valleroy.
Il n’est pas membre du Parti communiste mais « de tendance antifasciste » (rapport de police).

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ».  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Louis Bresolin Vanin est « dénaturalisé » par décret du 3 août 1942, publié au Journal officiel du 12 août 1942, après examen au cours de la séance n° 548 du 6 janvier 1942 par la commission 3.
Par la loi du 22 juillet 1940, l’État français décida en effet de réexaminer toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Cette mesure aboutit au retrait de la nationalité française de plus de 15 000 personnes sur des motifs politiques et raciaux.
La procédure fut annulée par l’ordonnance du 24 mai 1944. Lire dans le site :  Douze « 45.000 » dénaturalisés par Vichy

« L’autorité préfectorale engage de sa propre initiative des procédures de dénaturalisation à l’encontre de militants internés administratifs auprès de l’administration centrale. Par exemple, le 17 juillet 1941, contre Amadeo Cavalli et Natale Passini, d’Homécourt. Le sous-préfet de Briey fait de même, le 4 septembre, contre Bruno Vanin et Louis Bresolin, habitant Valleroy. Le préfet, dans une lettre adressée le 17 octobre 1941 au sous-préfet de Briey écrit : « Vous m’avez transmis plusieurs listes de naturalisés connus comme ayant appartenu au Parti communiste ou participé à des agitations communistes avec avis de leur retirer la nationalité française. Pour me permettre d’engager la procédure habituelle, j’ai l’honneur de vous prier de me faire parvenir un rapport détaillé sur chacun des individus qui devra préciser en outre l’état civil et la situation familiale, la date du décret de naturalisation, les faits exacts aussi précis que possible motivant la proposition de retrait de la nationalité ». In Jean-Claude Magrinelli (Op cit.).

La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.

Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Le 20 février 1942 des Feldgendarmen arrêtent Louis Bresolin (Antoine Vanin, 46171, rescapé, et Emile Tunési, qui feront eux aussi partie du convoi du 6 juillet 1942 sont arrêtés le même jour). Il s’agit de la deuxième vague d’arrestations d’otages qui suit dans tout le département (Auboué, Audun, Longwy, Jarny, Homécourt, Valleroy, Villerupt, Valleroy) le sabotage du transformateur d’Auboué (lire dans le site le récit du sabotage du transformateur d’Auboué, dans la nuit du 4 au 5 février 1942).

Louis Bresolin est probablement incarcéré, comme Antoine-Bruno Vanin de Valleroy à la prison de Briey le 20 février 1942 et il a sans doute subi le même parcours : interné au camp d’Ecrouves le 23 février et à Nancy le 5 mars. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande le 10 avril 1942. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu (Frontstalag 122) à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Bresolin  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu, même si le n° « 45 299 » correspondant au visage ci contre pourrait correspondre avec l’agrandissement de la photo d’avant guerre publiée dans le livre des frères Magrinelli.
Le numéro «46223 ??» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

L’entrée du camp d’Auschwitz

Le maire de Valleroy à rapporté le témoignage d’Antoine-Bruno Vanin selon lequel son camarade Louis Bresolin serait mort dès son arrivée au camp, tué à coups de bâtons.
Selon la liste communiquée par la mission néerlandaise de 1948, la mort de Louis Bresolin a été enregistrée le 18 septembre 1942 (date reprise par l’arrêté du 4 septembre 2007 portant apposition de la mention
Mort en déportation sur les actes et jugements déclaratifs de décès).

Une allée de Valleroy honore son nom. Selon M. Georges Gérôme elle existe toujours, même si elle est en mauvais état (mail du 15/04/2024).

Note 1 : Dans la base des Archives Nationales concernant « les dénaturalisés de Vichy », on trouve les noms de 3 Bresolin (Louis et son épouse Pierrina, ainsi qu’un enfant, sans prénom mentionné, né le 14 février 1938 à Valleroy, France, naturalisé par filiation… et dénaturalisé par le même décret que Louis et Pierrina Bresolin. Il s’agit donc très certainement de leur enfant.

Sources

  • Réponse à ma demande d’informations de M. R. Besnier, maire communiste de Valleroy (3 octobre 1989).
  • Photo in « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 246.
  • Auboué (Paul Viard), pages 150 et 151.
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen.
  • Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (n°31850).
  • Recensement de la population de Valleroy 1931 / 1936.
  • Communication présentée lors de la journée d’étude « Connaître les dénaturalisés de Vichy. La base Dénat, un nouvel outil et ses exploitations » aux Archives nationales le 2 octobre 2018, par Jean-Claude Magrinelli.
  • Mail de madame Catherine Snyers Bresolin, petite nièce de Louis Bressolin (novembre 2021)
  • Archives nationales, fichier des « dénaturalisés de Vichy ».
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

2 Commentaires

  1. Je tenais à vous remercier pour votre grand travail et vos notes sur les Italiens privés de la naturalisation française.
    A propos de BRESOLIN Louis.
    J’ai trouvé sur le site de la Fondation pour la mémoire de la déportation sa date de décès à Auschwitz : 18.09.1942 et il est répertorié comme « français ». Les « dénaturalisés » retrouvaient-ils leur nationalité antérieure ou devenaient-ils apatrides ?
    Si vous pouvez me répondre, mon adresse électronique est la suivante
    anedpavia@gmail.com
    Marco Savini

    1. Merci pour vos remarques.
      Concernant la date de décès de Louis Bresolin, j’avais indiqué en bas de notice la date fournie par les historiens d’Auschwitz, qui est la même que celle qui figure sur le site de la FMD…, ce qui n’a rien d’étonnant puisque c’est moi qui leur ai fourni le fichier. Par contre, nous ne l’avions pas rappelée en exergue, dans le rectangle grisé, ce qui est désormais chose faite.
      Concernant les dénaturalisations, la procédure permise par la Loi du 22 juillet 1940 fut annulée par l’ordonnance du 24 mai 1944. Les « dénaturalisés » de Vichy ont donc été rétablis dans leur nationalité française.
      La base de données des Archives nationales (base DENAT), qui est consultable depuis que nous avions établi la fiche de Louis Bresolin, nous a permis d’apporter aujourd’hui quelques modifications concernant les dates (naturalisation et dénaturalisation), y compris celle de son épouse, et de découvrir que le couple a très certainement eu un fils, né en 1938, lui aussi dénaturalisé en 1942 !

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