Matricule « 46 295 » à Auschwitz
Jacques Lévy ; né en 1905 à Tours (Indre-et-Loire) où il habite ; négociant en tissus ; arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage Juif ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 août 1942.
Jacques Lévy est né le 19 février 1905 à Tours (Indre-et-Loire) où il habite au 43, rue Delperrier (ancienne rue du Gazomètre), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Clémentine Joseph, 22 ans, née en 1883 à Neuviller (Haut-Rhin), sans profession et de Seligman Levy, 32 ans, né en 1872 Scherwiller (Bas-Rhin), négociant. Ses parents habitent alors au 21, rue du Gazomètre à Tours.
Jacques Lévy va travailler avec sa mère, veuve depuis plusieurs années, comme négociant en tissus.
Il est célibataire.
Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Une partie du centre de la Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.
A la suite de la première ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, un fichier des Juifs est établi dans chaque préfecture et un premier « Statut des Juifs » est édicté le 3 octobre 1940 par gouvernement de Vichy. Il est beaucoup plus draconien que l’ordonnance allemande (pour les Allemands, le Juif est défini par son appartenance à une religion, pour Vichy par son appartenance à une race). Les Juifs de nationalité française perdent, par ce décret du gouvernement de Vichy, leur statut de citoyens à part entière : à partir du 3 octobre 1940, la police française fait appliquer les ordonnances allemandes concernant l’obligation pour les Juifs de zone occupée d’avoir une carte d’identité portant la mention « Juif » : ils doivent se faire recenser dans les commissariats proches de leur domicile.
Jacques Lévy est arrêté comme otage Juif dans la nuit du 9 au 10 février 1942 à son domicile par la police allemande, en représailles à la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours.
Lire dans le site : 37- Indre et Loire L’attentat de la rue du Hallebardier à Tours (janvier 1942)
(50 otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). Parmi eux Roger Sommer, qui sera déporté à Auschwitz avec lui comme otage Juif. Les 10 otages communistes sont dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage. Il s’agit de Maurice Hayot (41 ans), Bernard Chauveau (22 ans), André Marteau(20 ans), Jacques Mazein (22 ans), Roger Morin (30 ans), Stanislaw Tamowski, Roger Legendre (40 ans), Gaston Letondu (44 ans), Hilaire Seguin dit Gaby (41 ans), Roger Huart et Marcel Rossignol (ancien Brigadiste, il s’évadera par un tunnel à Compiègne le 22 juin 1942 avec 18 autres internés). Jacques Levy et Roger Sommer, deux des 40 otages Juifs, qui sont internés au camp C à Compiègne, seront eux aussi déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Ils sont dirigés le 17 ou le 18 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages.
A Compiègne, il est interné au camp Juif, avec le matricule initial n° « 3830 ».
Il doit faire partie du deuxième convoi de déportation vers Auschwitz le 5 juin 1942, mais son nom est rayé – cf document joint – et il sera déporté le 6 juillet 1942.
Ils sont ainsi plusieurs internés Juifs – dont on peut simplement noter qu’ils sont tous de nationalité française – dont le nom est ainsi rayé, et dont la plupart sont alors transféré au « camp des politiques » : ils partiront dans le convoi dit des « 45 000 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, Jacques Levy va donc être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942
Depuis le camp de Compiègne, Jacques Levy est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 295 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi). Les autres, dont les 53 otages juifs du convoi, restent à Birkenau, employés au terrassement dans les marais et à la construction des Blocks.
Jacques Lévy meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 717).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
L’arrêté du 3 juillet 1995 publié au J.O. du 18 août 1995 portant apposition de la mention « mort en déportation » rectifie la date initiale erronée et indique « décédé le 22 août 1942 à Auschwitz et non le 1er octobre 1942 » date figurant sur l’acte officiel délivré par les services d’Etat-civil de Tours. Afin de donner accès aux titres et pensions pour les familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, avait fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation qui se souvenaient de lui.
Son nom est inscrit sur le « Mur des noms » au mémorial de la Shoah, dalle n° 65, colonne n° 22, rangée n° 2
Sources
- Stanislaw Tamowski, rescapé, mentionne sa présence dans une lettre du 20 janvier 1972 (ci-contre). Maurice Rideau, lui aussi rescapé, l’a connu et lui a parlé à Auschwitz « fils d’un important chausseur de Tours » écrit-il.
- Mairie de Tours (20 juillet 1992)
- Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau).
- Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maîtron).
- Courriers de Roger Prévost, (déporté résistant, ancien de Sachsenhausen, de l’ADIRP d’Indre-et-Loire (1981 et 1991, 1993)
- Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en juillet 1992).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
Notice biographique rédigée en octobre 2010, complétée en 2017, 2021 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com