Matricule « 45 900 » à Auschwitz

Roger Morin : né en 1912 à Tours (Indre-et-Loire) ; domicilié à Saint-Pierre-des-Corps ; employé de bureau ; d’opinions socialistes ; arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9 août 1942.

Roger Morin est né le 30 octobre 1912 à Tours (Indre-et-Loire),
Il habite au 105, rue de la Noue à Saint-Pierre-des-Corps au moment de son arrestation. Il est le fils de Célestine Vennevier, 32 ans, sans profession et de Edouard, Joseph Morin, 42 ans, brigadier-chargeur des postes.
Ses parents se sont mariés à Saint-Patrice (Indre-et-Loire).
Roger Morin est employé de bureau à la CGCE dans cette même ville (Compagnie Générale de construction et d’entretien du matériel de chemin de fer).

Roger Morin épouse France, Marceline, Albertine Blanvillain 
le 2 décembre 1933 à Saint-Pierre-des-Corps.
Le couple a quatre enfants, dont Eliette, née en 1934. En 1936, les deux parents et Eliette habitent au 105, rue de la Noue.

Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Une partie du centre de Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940.
Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.

« D’opinions socialiste » selon la « Voix du Peuple » du 19 mai 1945, Roger Morin est arrêté comme otage dans la nuit du 9 au 10 février 1942 à son domicile par la police allemande, à la suite de la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours.

Lire dans le site :   37- Indre et Loire L’attentat de la rue du Hallebardier à Tours  (janvier1942)

50 otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). A Fontevraud, 6 communistes sont exécutés le 22 février en représailles.
A Tours, les 10 otages communistes sont enfermés à la caserne du 501ème RCC au champ de Mars, puis transférés à la prison de Tours.
Les 10 otages communistes (Roger Morin est considéré comme tel par les Allemands) sont dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage. Il s’agit de Maurice Hayot (41 ans), Bernard Chauveau (22 ans), André Marteau(20 ans), Jacques Mazein (22 ans), Roger Morin (30 ans), Stanislaw TamowskiRoger Legendre (40 ans), Gaston Letondu (44 ans), Hilaire Seguin dit Gaby (41 ans), Roger Huart et Marcel Rossignol (ancien Brigadiste, il s’évadera par un tunnel à Compiègne le 22 juin 1942 avec 18 autres internés).
Jacques Levy et Roger Sommer, deux des 40 otages Juifs, qui sont internés au camp C à Compiègne, seront eux aussi déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Ils sont dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages. Roger Morin y reçoit le numéro matricule « 3859 ». Selon la « Voix du Peuple » du 19 mai 1945, il adhère au Parti communiste clandestin durant cet internement (1).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Roger Morin  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 900 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Roger Morin meurt à Auschwitz le 9 août 1942 d’après les registres du camp. Son état civil (établi par le ministère des anciens combattants le 7 mars 1947) et l’arrêté du 10 novembre 1994 publié au J.O. du 11 janvier 1995 portant apposition de la mention « mort en déportation » mentionnent la même date.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

La mention Mort pour la France est portée sur son état civil le 13 juillet 1948.
Le titre de « Déporté politique » lui est attribué en 1953.

La « Voix du Peuple » du 19 mai 1945 rend hommage aux 9 déportés du département, dont Roger Morin. Le père d’un des déportés, Jean Mazein signe un appel à « venger nos morts », où il dénonce l’indulgence à l’égard de Pétain, maréchal Félon, « qui doit être jugé par un tribunal du peuple et mourir comme un traître sous les balles d’un peloton d’exécution ».
Une plaque avenue de la République à St-Pierre-des-Corps porte son nom.

La « Voix du Peuple » du 19 mai 1945

Le site internet du PCF de Touraine honore sa mémoire.

  • Note 1 : C’est sans doute Marcel Rossignol, ancien des Brigades Internationales, qui s’évada de Compiègne par le tunnel, le 22 juin 1942, qui a pu communiquer cette information au journal, car le seul tourangeau survivant du convoi, Stanislas Tamowski, n’est libéré que le 12 mai 1945 à Buchenwald.

Sources

  • Acte de naissance avec mentions marginales, mariage et décès.
  • Acte de décès (7 mars 1947)
  • Dossier de Brinon
  • Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau).
  • Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maîtron)
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), SHD, Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en octobre 1993).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographiquee rédigée en octobre 2010, complétée en 2017, 2021 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé).
Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corrige, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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