Matricule « 46 038 » à Auschwitz

Le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Paul Réau : né en 1902 à Eve (Oise), où il habite ; cheminot ; communiste, secrétaire de la section de Nanteuil-le-Haudouin ; arrêté le 16 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 7 août 1942.

Paul Réau est né le 18 juin 1902 à Eve (Oise). Il habite Eve au 22, rue du Pont au moment de son arrestation.

Il est le fils de Louise, Augustine Vibert, 26 ans sans profession et d’Auguste Réau, 34 ans, marchand de vins. Paul Réau a une sœur jumelle, Germaine. Il est cheminot.
Le 4 décembre 1926, à Eve, il épouse Ernestine, Léontine Pognart (née le 5 décembre 1899) à Dammartin-en-Goële).
Le couple a deux enfants : Jeanine née en 1928 et un fils, Pierre né en 1931 (tous deux aujourd’hui décédés). Paul Réau est mécanicien à la Compagnie des chemins de fer du Nord.
Il travaille à Nanteuil-le-Haudouin (Oise), où il est délégué syndical (CGT). Puis il est Agent d’entretien SNCF à la section de cabine à  La Chapelle section nord.

La cellule communiste de Ver-sur-Launette pendant le Front populaire, Paul Réau est sous la banderole,, en casquette. Il  ne lève  pas le poing.

« Communiste connu, il est secrétaire de la section de Nanteuil-le-Haudouin au moment du Front populaire et représente son parti à différentes consultations électorales ». Paul Réau est candidat au conseil d’arrondissement (canton de Nanteuil) en 1931 et six ans plus tard au conseil général en 1937 où il enregistre des progrès notables (453 voix sur 2090 inscrits). 

L’Humanité du 11 octobre 1937

Une première fois candidat aux municipales dans sa commune en 1929, il n’est élu conseiller municipal de Ver-sur-Launette qu’en 1935 (34 voix sur 67 inscrits) (Le Maitron). Il est candidat pour le Parti communiste aux élections cantonales d’octobre 1937 (Cf coupure de presse ci-contre).

Il est déchu de son mandat électoral en 1940 par le Conseil de préfecture, « pour appartenance au Parti communiste« . Il est mobilisé de mars à juillet 1940 au 503ème régiment de chars de combat.

« Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant » (Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »). Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation Paul Réau participe à des actions organisées par la Résistance.
Paul Réau est arrêté le 16 juillet 1941 en même temps que Jules Dubrulle de Nanteuil-le-Haudoin, et dans la même période que Paul Crauet (45 410) Georges Gourdon (45 622), Marcel Bataillard (45 203) et André Gourdin (45 621), Gustave Prothais (46 018), tous déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Paul Réau est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), autour du 18 juillet 1941. Il y reçoit le matricule « 1303 », est affecté à son arrivée au camp C baraque 9.

Lettre du 24 avril 1942

Dans une lettre datée du 24 avril 1942 adressée à sa fille Jeanine, Paul Réau accuse réception de sa lettre du 7 avril reçue quelques jours plus tôt et lui dit être heureux de les savoir en bonne santé. Heureux également d’avoir bientôt une visite, le 8 mai, celle de sa tante Paulette. Il insiste beaucoup pour que sa fille explique bien à son propre père qu’il doit faire une lettre adressée au Préfet de l’Oise, pour demander sa libération. Veuf, il est en en charge famille : ses deux enfants âgés de 11 et 13 ans et son père âgé de 74 ans. Il conseille que son père aille voir « monsieur Gilland » pour qu’il l’aide à faire sa lettre. En insistant également sur le fait qu’il a cessé toute activité politique depuis 1939 et que le maire d’Eve peut le justifier. Il précise également qu’il a été mobilisé au 503ème régiment de chars de combat et qu’il a fait son devoir de Français et était estimé de ses officiers.
Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux (1) de Beauvais a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux la notice de Paul Réau «Communiste, secrétaire de la section de Nanteuil-le-Haudouin au moment du Front populaire, représente son parti à différentes consultations électorales ». 18 autres de ces militants au passé communiste signalés les RG seront déportés à Auschwitz.
La fille de Jules Dubrulle,  venue voir son père au camp de Compiègne rapporte les avoir vus ensemble au parloir.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Paul Réau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46038 », selon la liste (incomplète) par matricules du convoi reconstituée en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks).

Paul Réau meurt à Auschwitz le 7 août 1942 d’après son certificat de décès remplie au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 988). Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 6 juillet 1942 à Auschwitz». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 8 mars 1997). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Une plaque commémore son souvenir dans son village natal, à Eve.

Plaque identique, mais avec médaillons
Plaque sur le mur du n°5 rue de la grande cour à Eve, Photo  © Cédric Hoock in Mémorial Genweb
  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Correspondance (mai 1991) avec Jean-Pierre Besse, historien, chercheur à Creil (communication de ses recherches aux archives départementales de l’Oise, séries M, et renseignements qu’il a recueillis auprès de M. Joseph Courcelles, beau-frère de Paul Réau).
  • 3 photos transmises par  Jean-Pierre Besse.
  • « L’Humanité » in BNF Gallica.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Archives en ligne de l’Oise.
  • Remerciements à M. Patrick Boyer, son petit-fils, concernant l’identification de son grand-père sur la photo de la cellule communiste d’Eve, la lettre adressée à Jeanine Réau et des éléments généalogiques (novembre 2018).

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et  2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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