Matricule « 46.099 » à Auschwitz

Hilaire Séguin, dit Gaby : né en 1901 à Jaunay-Clan (Vienne) ; domicilié à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) ; tourneur SNCF ; communiste ; arrêté la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 6 novembre 1942.

Hilaire Séguin, dit Gaby, est né le 14 août 1901 à Jaunay-Clan (Vienne). Il habite 8, rue Parmentier à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Aimée, Juliette Plault, 25 ans et d’Auguste, Hilaire Séguin, 25 ans, employé à la compagnie des chemins de fer d’Orléans, son époux. Ses parents habitent au lieu-dit Saint-Benoît à Jaunay. L’accouchement a lieu au lieu-dit La Payre, chez Mme  Aimée Hérault, veuve Plault.
Conscrit de la classe 1921, il est appelé sous les drapeaux le 9 avril 1921. Son registre matricule militaire indique qu’il habite rue Couvrat Desvergnes à Tours où il travaille comme tourneur au moment du conseil de révision.
Il mesure 1m 67, a les cheveux châtains et les yeux gris. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Il est incorporé au 505ème régiment de chars de combat cantonné à Vannes le 14 avril 1921 (il a obtenu un sursis de 4 jours pour assister à un mariage). Après les classes, il passe au 512ème régiment de chars de combat, à Châlons-sur-Marne le 15 août 1922. Il « passe dans la disponibilité » le 1er avril 1923, mais est maintenu au
corps jusqu’au 30 mai 1923 (article 33 de la loi du 21 mars 1905 qui stipule que les réservistes sont tenus de participer à des manœuvres de quatre semaines chacune pendant le temps de service dans la réserve de l’armée active). Il « se retire » rue Couvrat Desvergnes à Tours, « certificat de bonne conduite accordé ».
Hilaire Seguin est embauché comme tourneur sur métaux aux ateliers des Chemins de fer d’Orléans (le P.O, Paris-Orléans) à Tours. A ce titre, il va être classé « affecté spécial » dans la réserve de l’armée active, au titre de la 3ème section des chemins de fer de campagne comme employé permanent des chemins de fer d’Orléans le 1er décembre 1925.
En 1926, il habite au 45, boulevard Marchant Duplessis à Tours.
Hilaire Séguin épouse à Tours le 20 mars 1926 Marie Jeanne Le Bec, modiste, fille de cheminot, née à Tours le 30 avril 1910.
Leur fils Maurice naît à Tours en 1925 (il s’engagera dans l’armée de Libération). Le couple divorce le 20 février 1928. Hilaire Seguin est condamné en octobre 1928 à des amendes pour « atteinte à la propriété mobilière, outrage… ».
Il se remarie le 9 février 1929 à Joué-les-Tours avec Marie-Anne Thomasie, née le 29 mai 1899, originaire de Saint-Thuriau (Morbihan).
A cette date, il habite au 6, bis rue Trousseau à Tours. le couple a une fille Suzanne, qui naît en 1931 à Joué.

Trésorier du Syndicat confédéré des Cheminots de Paris-Orléans en 1931, il siège à la commission exécutive de l’Union départementale du Loiret de 1930 à 1934 au moins,  selon le Maitron. Aux ateliers SNCF de Tours, il travaille comme tourneur « à la robinetterie, au premier étage de l’atelier d’ajustage » écrit Camille Lafoucrière, « doublard » de Gaby à son poste de travail en janvier 1941.
En 1936, la famille habite au 1, rue Parmentier (la rue ne comporte alors que 4 maisons). Maurice et Suzanne habitent avec eux. Son épouse, sans profession garde un nourrisson, Claude Bazile, né en 1933.

Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Une partie du centre de la Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.

Militant avant guerre de la cellule communiste de Joué-les-Tours, Hilaire Séguin est, dès le début de septembre 1940, responsable du Parti communiste clandestin pour l’ensemble du Centre ferroviaire de Tours – St-Pierre-des-CorpsIl récupère grenades, revolvers, baïonnettes chargeurs de balles Lebel, que des camarades lui apportent, et qu’il met dans la musette qu’il portait toujours (cliquer sur le document au début de la notice pour lire le témoignage de Camille Lafoucrière).

Avis de la Feldkommandantur 588

Hilaire Séguin est arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1941 à son domicile par la police allemande, à la suite de la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours. Lire dans le site :   37- Indre et Loire L’attentat de la rue du Hallebardier à Tours  (janvier1942)
A la suite de son arrestation, Camille Lafourcrière et un autre militant font disparaitre des chargeurs de Lebel, deux grenades et quatre baïonnettes cachées dans le banc de son tour, « que nous avons planquées ailleurs ».
Cinquante otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). A Fontevraud, 6 communistes sont exécutés le 22 février en représailles. A Tours, les otages communistes sont enfermés à la caserne du 501ème RCC au champ de Mars, puis transférés à la prison de Tours.
Maxime Despouy arrêté en même temps qu’Hilaire Seguin, écrit « C’est là que je revis André Marteau plusieurs fois pour lui passer à manger. Je le revis avec plusieurs camarades, Chauveau Bernard, Mazein Jacques, Séguin et bien d’autres qui ne devaient jamais revenir ». (C.f. : L’arrestation d’André Marteau le 24 juin 1941).
Il est transféré le 27 avril 1941 au camp allemand (le Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Hilaire Séguin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Hilaire Seguin le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46099 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée par
mi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été en effet retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

© Dessin de Franz Reisz, 1946
« Voix du Peuple » du 19 mai 1945

Hilaire Séguin meurt à Auschwitz le 6 novembre 1942 d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen). La mention marginale de son acte de naissance (transcription le 10 décembre 1980) mentionne une autre date « décédé le 29 septembre 1942 à Auschwitz». Afin de donner accès aux titres et pensions pour les familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date communiquée par Stanislaw Tamowski, un de ses compagnons de déportation, rescapé. Sa veuve écrit sur la base de ce témoignage « mort d’épuisement et gazé« .

Sa mémoire est honorée sur le site de la fédération du PCF de Touraine. 

Stèle commémorative à Joué-les-Tours © Paul-Marc Heudre

Dans la « Voix du Peuple » du 19 mai 1945 qui rend hommage à neuf déportés d’Indre-et-Loire, Jean Mazein le père de Jacques Mazein signe un appel à « venger nos morts», où il dénonce l’indulgence à l’égard de Pétain, maréchal Félon, « qui doit être jugé par un tribunal du peuple et mourir comme un traître sous les balles d’un peloton d’exécution ».
Son nom est gravé sur une stèle, avec celui de 9 autres déportés, rue des Martyrs à Joué-les-Tours.

Sources

  • Lettre de sa veuve, Marianne Séguin au Patriote Résistant (mars 1982)
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Témoignage de Camille Lafoucrière, secrétaire du Comité de Libération des Cheminots, St- Pierre-des-Corps (novembre 1980)
  • Acte de naissance ( décembre 1980)
  • Acte de mariage (décembre 1980 )
  • Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau).
  • Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maitron),
  • Récit de Maxime Despouy, qui fut arrêté le même jour qu’André Marteau le 24 juin 1941 (fait à Poitiers le 24 octobre 1945). Document retrouvé en mairie de St-Pierre-des-Corps et transmis par Robert Guérineau.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, Tome 41, page 207.
  • © Etat civil et Registres matricules militaires d’Indre et Loire. 

  • Site Géneanet, photo stèle © Paul-Marc Heudre.

Notice biographique rédigée en octobre 2010, complétée en 2016 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com. 

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