Récit de Maxime DESPOUY : arrestations du 24 juin 1941, dont celle d’André Marteau, fait à Poitiers le 23 juin 1945

André Marteau
Récit dactylographie de Maxime Despouy concernant son arrestation et celle d’André Marteau
André Marteau : né en 1922 à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire), où il habite ; jeune communiste ; arrêté le 24 juin 1941 et condamné à 12 mois de prison ; prison de Tours puis camp de Compiègne, libéré le 14 janvier 1942 ; arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 15 août 1942.

« Le 22 Juin 1941, l’Allemagne déclare la guerre à l’Union Soviétique.
Le 23 à 23 h nous réunissons plusieurs jeunes communistes pour étudier comment nos moyens d’action pour aider l’U.R.S.S. Il y avait là Lucien CHAUVEAU (décédé), LE GUELLEC, René MELIN, Gilbert SECHE,  Fabienne LANDY (morte à Auschwitz, André ANGUILLE (Fusillé) André MARTEAU (mort à Auschwitz) et moi. 
La réunion avait lieu dans la chambre de Lucien Chauveau, rue de la Fraternité à St-Pierre-des-Corps (Indre & Loire). Il fut décidé de distribuer des tracts et de faire des inscriptions au goudron. C’est de ce dernier travail que je suis chargé en tant que responsable. LE GUELLEC et René MELIN sont désignés pour m’accompagner. Ayant rapidement trouvé pinceaux et goudron, nous commençâmes aussitôt notre travail, il était environ 0 h 30. Nous avions presque fini, vers 1 h 30 ou 2 h. quand nous fûmes aperçus par deux femmes. L’une s’appelle Irène et est la sœur de la concierge de la Mairie, à l’époque Mme VIAU ; l’autre s’appelle Mlle COULLOCH. Elles nous reconnurent MELIN et moi, mais confondirent dans la nuit Le GUELLEC avec André MARTEAU, à cause de leur taille sensiblement la même.
Le lendemain 24 Juin les gendarmes Français arrêtèrent René MELIN à 14 h, André MARTEAU â 16 h. et moi à 17 h. sur les lieux de mon travail. Après m’avoir, passé les menottes, ils m’emmenèrent à la Mairie de St-Pierre-des-Corps où je subis un interrogatoire sévère et un sérieux passage à tabac. Ne voulant pas avouer, je reçus force coups. Voyant cela, les gendarmes me mirent sous les yeux les dépositions de mes camarades et signées par eux. Je passais dans la voix des aveux tout en restant dans le chemin tracé par ces dépositions qui n’accusaient que René MELIN, André MARTEAU, Maxime DESPOUY. Nous n’étions donc que 3 arrêtés. Conduit le soir même au commissariat central de Tours, nous y passâmes la nuit. Le lendemain 25 Juin, emmenés au Tribunal Civil qui nous envoya au Tribunal de Guerre allemand lequel nous fit enfermer à la prison de Tours, chacun dans une cellule. 
Le 9 Juillet 1941, défendu par un avocat collaborateur (De la Chapeile) nous passions en jugement devant le Tribunal de guerre allemand de la Feldkommandantur 588 à Tours.

La Maison d’arrêt de Tours

Les condamnations sont les suivantes :
DESPOUY Maxime : 2 ans de réclusion
MELIN René : 1 an de réclusion
MARTEAU André : 1 an de réclusion.

Ramenés à la prison de Tours et enfermés chacun dans une cellule. Le 30 Juillet, sans savoir pourquoi exactement, nous étions emmenés au camp de concentration de Compiègne. Le 6 août nous reprenions le chemin de Tours et enfermés de nouveau en cellule jusqu’au 18 Août.
Ce jour-là nous passons du côté français dans une grande salle qui contenait une cinquantaine d’hommes. Avec plusieurs camarades nous créons une cellule du Parti. Le 10 Octobre, une circulaire arrive déclarant séparer les réclusionnaires des prisonniers et chaque catégorie aura son régime spécial.
Je suis enfermé dans la cellule 31 avec René MELIN et René TOURNE (décédé depuis accidentellement).
Puis arrive Noël 1941, POUPON (de St-Pierre), René MELIN, André MARTEAU et moi-même décidons de faire chacun un recours en grâce ou une demande de diminution de peine.
POUPON, condamné à 2 ans de réclusion, voit son recours en grâce accepté, étant reconnu innocent. René MELIN et André MARTEAU reçoivent une diminution de peine. Ils sortiront pour le premier le 13 Janvier 1942, le second le 14 janvier. Quant à moi mes demandes ont été refusées.
Le 5 Février, un soldat allemand est abattu en gare de Tours et plusieurs camarades sont arrêtés comme otages, parmi ceux-ci figure André MARTEAU qui n’aura été libre que 3 semaines seulement. Ils sont enfermés a la caserne du 501 et transférés à la prison de Tours vers le 20 Février. C’est là que je revis MARTEAU plusieurs fois pour lui passer à manger.
Je le revis avec plusieurs de ses camarades : CHAUVEAU Bernard, MAZIN Jacques, SEGUIN et bien d’autres qui ne devaient jamais revenir. 2 seulement sont encore vivants ce sont : TAMOWSKI (déporté à Auschwitz, rescapé) et Marcel ROSSIGNOL (évadé du camp de Compiègne, actuellement membre du bureau fédéral d’Indre & Loire). Le 17 Avril, ils partent tous pour le camp de Compiègne. MARTEAU et CHAUVEAU sont venus me causer à travers le guichet de la porte de ma cellule. Je ne devais plus les revoir.

Le 1er Mai, plusieurs de mes camarades sont arrêtés. Ce sont : COUILLEAU Robert, ANGUILLE André, FOUSSIER Ernest, GUILBEAU Robert, BOURDON Maxime. Ils sont jugés et condamnés à mort le 14 Mai. Le 16 Mai au matin, alors que je faisais le lavage du hall de la prison, les allemands viennent chercher trois otages pour les fusiller. Le soir vers 15 h. 30 j’entends un chant, j’écoute attentivement : c’est l’Internationale. Je soulève l’œilleton de ma porte de cellule et je vois passer mes 5 camarades qui vont d’une allure fière vers la mort. J’essaye de m’évader vers la mi-juin mais la tentative échoue. Au mois de Juillet, j’apprends que mon frère René est arrêté ainsi que ma belle-sœur. Je n’aurai plus de nouvelles de lui que le 8 Août 1943 pour apprendre qu’il avait été fusillé le 11 Août 1942 au Mont Valérien.

Le 20 Août 1942, je suis déporté en Allemagne ». Maxime Despouy, déporté résistant au camp de Müleim, Croix de guerre 1939-1945.
Récit fait à Poitiers le 23 juin 1945

7 Commentaires

  1. Merci pour ce récit que je ne connaissais pas que mon grand père a écrit , Maxime DESPOUY (ça aurait été son anniversaire aujourd’hui) ❤️
    Charline MARTINAUD CHEVAILLIER

      1. Bonjour nous aimerions beaucoup. A quel mail je peux vous l’envoyer svp ?
        Merci a vous. Nous sommes tous très émus par ce récit que personne ne connaissait.
        Bien à vous.
        Charline

  2. Tellement émouvant de lire notre grand père. Svp, serait ce possible d’avoir une copie de son récit ? Il nous a tant appris , transmis ses valeurs. Il était le pilier de notre famille, notre phare à tous

  3. Merci infiniment de partager ce récit. J’ignorais totalement que mon Papa , Maxime Despouy, avait écrit cela. Mille Mercis encore.
    Bien cordialement
    Martine Despouy

  4. Quel coup au cœur en lisant cet émouvant récit de mon Père Maxime Despouy qui est décédé de en 2008. Je ne saurai décrire mon émotion. J’en suis toute retournée.
    Bon Dimanche Madame.
    Bien cordialement
    Martine Despouy

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