Théophile Tenaille : né en 1906 au Clos de Guéret (Creuse) ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; chauffeur d’autobus RATP ; conseiller municipal communiste ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 2 septembre 1942.
Théophile Tenaille, est né le 27 novembre 1906 au faubourg du Clos de Guéret (Creuse).
Il habite au 13, rue Henri Vuillemin à Gennevilliers (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Tenaille, cultivatrice (état civil), puis ouvrière d’usine (Le Maitron).
Conscrit de la classe 1926, Théophile Tenaille signe un engagement volontaire de cinq ans dans la Marine nationale à Cherbourg en 1924.
Arrivé en banlieue parisienne, il habite à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis).
En 1930, il travaille comme monteur-mécanicien et il est domicilié à Paris 14è au 6, allée des Violettes, chez sa mère.
Le 16 août 1930, il épouse Hélène, Louise D’Herdt à Paris 14è. Elle 22 ans, ouvrière d’usine née à Saint-Denis (Seine) le 11 mai 1908, et elle est également domiciliée au 6, allée des Violettes. Ses parents habitent Gennevilliers.
Le 5 mai 1931, Théophile Tenaille entre comme machiniste (chauffeur) à la Société de transports en commun de la région parisienne (STCRP) d’Asnières sur la ligne AW, Asnières-Madeleine.
En août 1931, le couple emménage au 3, rue Victor-Hugo à Bois-Colombes (Seine).
En novembre 1932, deux journaux (Le Petit Parisien et Le Populaire) rendent compte – de façon différente – d’un accident qui a lieu à Clichy La Garenne entre un fourgon cellulaire (le « panier à salade ») qui percute un bus de la TCRP de la ligne Asnières-Madeleine (ligne AW), conduit par Théophile Tenaille. Nous avons retenu la version du « Petit Parisien » dont la présentation de l’écho semble d’avantage incriminer la voiture cellulaire, dans la mesure où la petite rue Jobert d’où venait le panier à salade était à angle droit avec le boulevard Jean Jaurès (ancien Boulevard national).
En octobre 1933, le couple déménage à Gennevilliers, au 122, rue de Paris.
En 1934, Théophile Tenaille s’inscrit sur les listes électorales de Gennevilliers, domicilié au 122, rue de Paris. En juillet 1934 le couple Tenaille est domicilié au 21 ter, rue Georges-Thoretton, puis au 13, rue Henri-Vuillemin (ancienne rue de l’Espérance prolongée) à Gennevilliers.
Théophile Tenaille est alors secrétaire du rayon communiste d’Asnières et responsable de la Section syndicale CGT du Dépôt dans cette même ville, il était le délégué de la ligne 39 (in « rue de la résistance » et Le Maitron).
Il est élu conseiller municipal aux élections partielles du 14 octobre 1934. Il est réélu le 5 mai 1935.
Le 17 août 1935, il est nommé par le Préfet de la Seine, délégué municipal titulaire au conseil de discipline des communes de la Seine pour Gennevilliers. Son suppléant est Voltaire Delpierré (recueil des acte administratifs de la Préfecture de la Seine).
Il est selon le dossier des Renseignements généraux « l’ancien secrétaire du député Dutilleul, membre de la Section Gennevilliers de la Région parisienne Ouest du P.C., et agent actif de la propagande communiste clandestine« . Selon le Maitron, il participait à la tenue des permanences du député communiste Emile Dutilleul à Asnières (Seine / Hauts-de-Seine).
Il est déchu de son mandat de conseiller municipal le 9 février 1940 par le conseil de Préfecture,
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Il entre en effet dans l’action illégale dès juin 1940 (« dès juin 1940, il se met à la disposition de son Parti , pour l’action illégale » in « Rue de la Résistance »).
Théophile Tenaille est arrêté le samedi 5 octobre 1940 par la police judiciaire vers 6 heures du matin à son domicile par des inspecteurs de la Police judiciaire alors qu’il se rendait à un rendez-vous clandestin et transportait des tracts. Le jour même, le Préfet de police informe le Président du conseil d’administration de la STCRP de l’internement de Théophile Tenaille en application du décret du 18 novembre 1939.
Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne (Seine et Seine-et-Oise) : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Sur la liste « des militants communistes
« concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Théophile Tenaille on lit les mentions : « Ex conseiller municipal communiste de Gennevilliers. Ex secrétaire du député communiste Dutilleul. Chauffeur à la TCRP. Agent de la propagande clandestine », suivies de son adresse.
Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé, avec 149 autres internés du camp d’Aincourt. Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant les 150 internés provenant d’Aincourt et arrivés à Rouillé le 6 septembre (doc C-331.24). Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre. Pour Théophile Tenaille, la réponse est identique à celle envoyée à Aincourt.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne. Le nom de Théophile Tenaille (n° 72 de la liste) y figure.
Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (2) qu’il est transféré arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Théophile Tenaille est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Le numéro « 46 133 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Théophile Tenaille meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 1242).
Un rescapé aurait témoigné que « le jour de son passage à la chambre à gaz, courageusement, il se battra avec les SS qui voulaient l’y conduire. Il en tuera un. Les SS, furieux, l’abattirent avant de conduire son cadavre à la chambre à gaz » (Patrick Liber in « Rue de la Résistance » et J. Fath in «plaques commémoratives», qui cite le témoignage avec un point d’interrogation). Pour notre part, aucun des survivants que nous avons rencontré n’a mentionné un tel acte.
Son décès, comme celui de cinq autres ex-conseillers municipaux, étant ignoré en France à la Libération, son nom est proposé pour la composition du conseil municipal provisoire de Gennevilliers (arrêté préfectoral du 20 octobre
1944).
Une cité de Gennevilliers (dans le quartier des Grésillons), inaugurée par la municipalité en 1963 a porté son nom.
Son nom figure également sur la plaque commémorative dans le hall de l’Hôtel de Ville et sur le monument aux morts de la commune.
« Hélène Tenaille, sa veuve, habita 21, ter rue Georges-Thoretton. Elle s’adressa en 1947 au Préfet de la Seine pour obtenir une pension au titre de veuve de Victime civile de la guerre. Elle quitta Gennevilliers au cours de l’année pour Cachan (Seine, Val-de-Marne) » (Le Maitron).
- Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Archives de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, biographie insistant sur « la grande confiance et la profonde affection » de tous ses camarades de travail).
- Plaque dédiée « A la mémoire des Conseillers municipaux morts pour la France » (photographie Jacques Fath).
- Archives du CDJC (XLI 42).
- © « Archives définitives » de la RATP, à la Maison de la RATP, dossier personnel de Théophile Tenaille. Remerciements à Mme Laurence Loy et Mr. Thiriau.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. On peut lire sa notice biographique dans Le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique,
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