Louis Muel © Club Mémoire 52
Louis Muel : né en 1909 à Rachecourt-sur-Marne (Haute-Marne), où il habite au moment de son arrestation ; lamineur ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 6 août 1942

Louis Muel est né le 5 janvier 1909 à Rachecourt-sur-Marne, par Chevillon (Haute-Marne), où il habite au moment de son arrestation.  Il est le fils de Joséphine, Henriette Cabartier, 18 ans et d’Antoine Muel, 20 ans, ouvrier d’usine, son époux.
Sa mère est l’une des sœurs d’Auguste Cabartier, qui sera déporté à Auschwitz avec lui.
Louis Muel a une sœur aînée, Louise, née en 1908 et un frère cadet, Auguste, Henri, né le 29 juillet 1910.
En octobre 1932, il est condamné à 15 jours de prison pour coups et blessures sur la personne de M. Lemineur (in La Tribune de l’Aube et de la Haute-Marne).

Le 11 mars 1933, à Rachecourt, Louis Muel épouse Georgette, Eugénie, Louise, Emma Lemineur
(1), née le 11 avril 1912 à Maurupt-le-Montois (Marne), décédée le 5 novembre 1990.
Le couple a trois enfants au moment de l’arrestation de Louis : Lucien, né le 23 novembre 1931, Antoine, né le 30 décembre 1934, et Geneviève, née le 10 juillet 1939, tous à Rachecourt, et sa femme Georgette est enceinte au moment de son arrestation.

Les forges de Rachecourt

Louis Muel est ouvrier métallurgiste, aide-lamineur puis lamineur aux forges de Rachecourt.
Militant du Parti communiste comme son oncle, il est membre de la cellule de Rachecourt, reliée à celle de Joinville.
En 1936, ils habitent au n°2 « les Cours » à Rachecourt, et Louis Muel est lamineur à la Société métallique de Champagne.

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».

Louis Muel est arrêté une première fois le 28 janvier 1941, pour « coups et blessures sur une quatrième personne« , avec 2 autres métallos. Les causes de cette rixe, qui a eu lieu 28 janvier 1941, ne sont pas connues. Le 12 mars 1941, le tribunal correctionnel de Wassy le condamne à 4 mois de prison, qu’il effectue à la maison d’arrêt de Chaumont (52).
En cours d’internement, la police allemande vient l’arrêter le 22 juin 1941, et le transfère à Compiègne, le 27 juillet (Préfecture de Haute-Marne – LA 2667). Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theodorich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. Une soixantaine de Hauts-Marnais, syndicalistes et/ou communistes connus sont arrêtés dans cette opération.

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (La maison d’arrêt de Chaumont, 27 rue Val Barizien, pour la Haute-Marne), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontsalag 122,administré parla Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Louis Muel arrive à Compiègne le 9 juillet 1941.

Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Muel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45 915 ? » f

figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de décès de Louis Muel à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé celle-ci à une date fictive le 15 août 1942 (acte de décès 12 juillet 1946).
Cette date a été reprise par l’arrêté du 31 juillet 1997 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès, paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997.
Louis Muel a été déclaré « Mort pour la France » le 30 octobre 1953.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué (n° 1119 07011 le 18 sept.1953).
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Rachecourt-sur-Marne.

  • Note 1 : Veuve, Elle épousera le frère cadet de son défunt mari, Auguste, Henri, le 14 décembre 1946 à  Rachecourt.

Sources

  • M. Lionel Gallois, directeur des Archives départementales de Haute-Marne, 11 octobre 1991, réponse dactylographiée.
  • Correspondance avec Jean-Marie Chirol, animateur du « Club Mémoires 52 », le 5 août 1994 : communication de ses recherches aux archives départementales et auprès de l’état civil des mairies (1992-1994).
  • Site internet Mémorial «GenWeb ».
  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, SHD Caen  (dossier individuel consulté en avril et décembre 1992).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Photo forges de Rachecourt © inventaire général du patrimoine Culturel / Champagne-Ardenne.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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