Matricule « 46.179 » à Auschwitz

Edouard Vasselin : né en 1901 à Paris 12ème ; domicilié à Bagnolet ; adhérent CGT, communiste ; volontaire des Brigades internationales en Espagne ; arrêté le 9 novembre 1940 interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 5 août 1942.

Edouard (Gustave) Vasselin est né au domicile de ses parents le 20 mars 1901 à Paris (XIIème). Il habite au 81, rue Pierre-Curie, à Bagnolet (Seine puis Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Amélie, Alexandrine Le Vaneur, 19 ans, couturière, et de Gustave, Désiré Vasselin, 21 ans, ébéniste. Ses parents habitent alors au 266, rue du faubourg-Saint-Antoine. Il a une sœur, Marcelle, Renée, née le 17 novembre 1898 et reconnue lors du mariage de leurs parents le 18 novembre 1899.
Au moment du conseil de révision, Édouard Vasselin habite chez son père (sa mère est décédée en 1912), au 10, rue Guénot (Paris 11ème). Il travaille
d’abord comme menuisier, puis comme manœuvre. Selon son registre matricule militaire, il a les cheveux bonds-roux, le visage ovale, les yeux gris, le front découvert et le nez fort. Il mesure 1 m 58. Il a un niveau 3 pour l’armée (sait lire, écrire et compter).
Il est appelé au service militaire le 1er  avril 1921 avec le matricule 2194. Il ne rejoint pas son affectation au 120ème régiment d’artillerie lourde (arrêté, il a été condamné à 4 mois de prison le 25 avril 1921). Sa peine purgée, il est alors « placé dans les délais », et il est affecté le 19 mai au 3èmeBILA (bataillon d’infanterie légère d’Afrique (1) sur décision du gouverneur militaire de Paris, avec le matricule n°1770.
Il arrive au Maroc le 12 juin 1921. Son régiment participe aux opérations militaires de la guerre du Rif (« Maroc en guerre » dans la terminologie
militaire). Edouard Vasselin y est engagé à différentes périodes en 1921 et 1922, participant avec le « groupe mobile de Meknès » aux opérations dites de « pacification » (du 10 mai au 9 août 1922). Il est « maintenu au corps » en vertu de l’article 46. Soient 242 jours supplémentaires (8 mois). Il est « renvoyé dans ses foyers » le 20 janvier 1924, « certificat de bonne conduite » refusé.
Volontiers bagarreur, il aura à sa sortie de l’armée quelques condamnations (tentative de vol en juin 1924 : 3 mois, « outrages à agents » en janvier 1932 : 15 jours, « infraction à la police des chemins de fer » en juin 1934 : amende).
En janvier 1934, il habite au 20, rue des Marais, à Montreuil-sous-Bois. Fin février 1935, il a déménagé au 19, rue Lebreton, à Bagnolet, et à la mi-novembre au 75, rue Pierre Curie.  En 1936, manœuvre au chômage, il vit maritalement avec Reine Boils, également manœuvre, manutentionnaire, de trois ans son aînée. Elle est née le 11 juin 1898 à Chissey-en-Morvan (Saône-et-Loire) (2).

Militant communiste « actif et connu », syndiqué à la CGT, il s’engage dans les Brigades internationales de la République d’Espagne pour combattre la rébellion du général Franco. Sur une liste en date du 6 juillet 1937 à la base des Brigades internationales (Albacete), son nom est porté parmi les volontaires français devant être rapatriés : il part le 9 juillet, pour « raisons de santé » (flexion du pied impossible).
A son retour en France, il reprend contact avec le Parti communiste.
Dans le cadre de la mobilisation générale, réserviste de la classe 1921, Edouard Vasselin est mobilisé le 10 janvier 1940, et affecté au Dépôt
d’infanterie n° 52. Il est réformé définitif n° 2 le 23 février 1940 par la commission de réforme de Bourges pour impossibilité de la flexion complète du pied.

Le jeudi 13 juin 1940, la Wehrmacht occupe Aubervilliers. Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Edouard Vasselin est signalé avec Voltaire Cossart et deux autres militants par le commissaire de police des Lilas le 1er novembre 1940, comme « communistes notoirement connus ». Le commissaire soulignait que trois d’entre eux « ont fait la guerre d’Espagne » (dont Voltaire Cossart et Édouard Vasselin).

Edouard Vasselin est arrêté le 9 novembre 1940 pour « activité communiste ». Il est interné administratif au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), près de Mantes, ouvert spécialement, à partir du 5 octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier (elles ont lieu à partir de février 1941, le 8 mars 1941 pour Edouard Vasselin), le commissaire Andrey, directeur du camp émet un avis négatif sur une éventuelle libération. Les internés administratifs à Aincourt en 1940 n’ont en effet pas
été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont amendés… Andrey, dont
l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables. Pour Edouard Vasselin, Andrey a écrit : « est resté communiste, son internement n’a modifié en rien les opinions  », tout en lui reconnaissant une « attitude correcte ».
Le 6 septembre 1941, Edouard Vasselin est transféré – avec les 148 autres détenus d’Aincourt, membres du Parti communiste de la région parisienne – au camp d’internement administratif de Rouillé pour l’ouverture de celui-ci (sous la dénomination de « Centre de séjour surveillé « ) dans le Haut-Poitou (Vienne).  Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎
Dans les premiers jours de février 1942, il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent le 9 février 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Le transfert concerne 52 internés du Camp de Rouillé dont 36 seront déportés avec lui à Auschwitz le 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Edouard Vasselin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Edouard Vasselin se voit attribuer le numéro matricule « 46179 » qui sera désormais sa seule identité pour ses gardiens.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Edouard Vasselin meurt à Auschwitz le 5 août 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1273). Cette date a été reprise par l’arrêté ministériel du 2 mai 2001 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès.

Une plaque portant son nom a été apposée au 63, avenue Raspail à Bagnolet (Photo Claude Fath), et une autre à son domicile au 81, rue Pierre Curie (Photo Alain Claudeville).

  • Note 1 : les BILA, connus sous les surnoms de « Bat’ d’Af’ » et de « Joyeux », étaient des unités relevant de l’Armée d’Afrique. Ils regroupaient des militaires libérés … de maisons d’arrêt, de prisons militaires,  pénitenciers, « ateliers
    de travaux publics et du boulet » ou sanctionnés durant leur service militaire.
  • Note 2 : Contrairement à ce que l’on peut lire sur certains arbres généalogiques, ils sont pas mariés : il n’y a aucune mention sur leurs actes de naissance respectifs, et en 1936, la mention « amie » est portée sur le registre du recensement. Elle aurait été déportée et reviendra des camps selon Jean Pierre Besse / in Le Maitron, mais nous n’en avons pas trouvé mention, ni sur le site de la FMD, ni sur celui du Ministère de la Défense à Vincennes. Il est possible néanmoins qu’elle ait été internée. Elle est décédée le 7 juillet 1982 à Bagnolet.

Sources

  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Registres matricules militaires de la Seine.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1992).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom, éditions 1998 et 2011. Note de Jean-Pierre Besse.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen).
    • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
    • © Site Internet Les plaques commémoratives, sources de mémoire.
    • © Site www.mortsdanslescamps.com

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2014,  2019, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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