Matricule « 45 302 » à Auschwitz

Marius Briet : né en 1902 à Chépy (Somme) ; domicilié à Belloy-Friville-Escarbotin (Somme); ouvrier-limeur, ajusteur ; communiste ; arrêté le 23 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 août 1942.

Marius Briet est né le 13 juillet 1902 à Chépy (Somme).
Il habite au 62, rue du Maréchal Foch à Belloy, hameau fusionné avec Friville-Escarbotin (Somme), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Félicité, Amélie Letoquart, 33 ans, journalière et de Julien, Emile Briet, 47 ans, tisserand, son époux. Ses parents se sont mariés le 22 avril 1893 à Tours-en-Vimeu (Somme).
Son père décède en 1908, à 53
ans. Félicité Briet se retrouve seule avec ses sept enfants : l’aîné, Elie a 16 ans et le cadet Marius, 6 ans.  Marius Briet est en effet le cadet d’une fratrie de sept enfants (cinq garçons et deux filles) : Elie, né en 1892, Marie, née en 1894, Albert, né en 1895, André, né en 1898, Louis, né en 1899, Lucie, née en 1901. Après le remariage de sa mère avec M. Malloigne, il a une demi-sœur, Paulette qui naît en 1915.
Marius Briet fréquente l’école communale de Chépy. La famille arrive à Belloy-sur-Somme avant la guerre 1914-1918.
Marius Briet est célibataire. Il est ouvrier-limeur en 1926 aux Etablissements Beaurain à Escarbotin.
En 1931, Marius Briet habite avec sa mère, sa sœur Lucie et sa demi-sœur Paulette au 62, rue du Maréchal Foch à Belloy-sur-Mer. Lucie est ouvrière d’usine chez Beaurain, Marius est limeur à la Marius est limeur à la fonderie Auzoux et Paulette est dactylo chez Maquennehem (entreprise de serrurerie).
En 1935, le Parti communiste emporte la mairie de Friville-Escabotin. Victor Flamaent est élu maire (1935-1939. Il est déchu de son mandat par le conseil de Préfecture. Il sera réélu de 1944 à 1947).
En 1936, Marius Briet est ajusteur au chômage, sa sœur Lucie est perceuse chez Beaurain.
Avant la guerre, il retrouve du travail aux Etablissements Beaurain à Escarbotin. Il est membre du Parti communiste(1).

Les ruines d’Abbeville, juin 1940

Après la percée allemande à Sedan, les troupes allemandes se ruent vers Amiens. Située sur la Somme elle est le dernier obstacle naturel avant la Seine et Paris : la ville est un nœud ferroviaire et routier de première importance. Le 19 mai 1940, les Allemands sont aux portes d’Amiens. Malgré une résistance acharnée des armées françaises, Amiens est prise le 20 mai. La prise d’Amiens ouvre à la Wehrmacht la route de Paris et lui permet de poursuivre son offensive vers le sud. Les conditions d’occupation sont très dures. Abbeville, est prise par les Allemands de la 2ème  Panzerdivision le 20 mai 1940 et Le Tréport le 10 juin. Belloy est située entre ces deux villes.
Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…

Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy.
Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures de résistance sont opérationnelles à l’automne 1940.

Marius Briet est arrêté le 23 octobre 1941, à son domicile, par les polices allemande et française, avec d’autres habitants de Friville-Escarbotin, parmi lesquels Lucien Desenclos et le père de celui-ci.

Ce même jour sont arrêtés d’autres militants connus, comme Creuset AlbertLeducq Lucien, Desenclos Lucien, et Journel Orphée, tous de la même partie du département, la vallée du Vimeu (2), et qui seront déportés avec lui dans le convoi du 6 juillet 1942.
Il est conduit rapidement, sans jugement, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 25 octobre. Tous ces militants de la Somme sont internés dans le même bâtiment (témoignage de Madame Jacqueline Leroy, sœur de Lucien Desenclos).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marius Briet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 302 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Marius Briet meurt à Auschwitz le 10 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 133).
L’avis de décès AA02109 du 31 décembre 1946 porte une date presqu’identique « décédé le 11 août 1942« . Il a reçu la mention « Mort pour la France » le 22 février 1950.

Une rue à Friville-Escarbotin honore sa mémoire

La rue de Friville-Belloy où il habitait porte son nom (l’ancienne rue Maréchal Foch).
Le nom de Marius Briet est inscrit sur la stèle commémorative de la commune de Friville-Escarbotin. «Don des habitants de la commune aux Martyrs de la liberté assassinés dans les bagnes nazis – Peuple, souviens-toi, ils sont morts pour que vive la France»

La mention “Mort en déportation” a été apposée sur son acte de décès (J.O. n°248 du 25-10-1987).

  • 1945, discours du Maire

    Note (1) Le 31 mai 1945, le Maire communiste de Friville-Escarbotin, Victor Flament, lors d’une réunion du conseil municipal, lui rend hommage : « L’une de nos collègues, madame Malloigne(3), vient d’avoir la douleur d’apprendre la mort de son fils, Marius Briet, assassiné au camp de concentration d »Auschwitz (…) Quel était donc le crime qu’avaient commis ces hommes ? Il n’y avait pas un homme meilleur que Briet. Il était complètement inoffensif. A Belloy, il était estimé de la majorité de la population. Mais voilà, avant guerre, membre du Parti communiste, il a lutté contre Hitler et ses soutiens en France. Il était, quoique simple ouvrier, un ardent patriote. Les traîtres, les vichyssois ne le lui ont pas pardonné. Ils ont livré Marius Briet et ses camarades à la Gestapo (…) ».

  • Note 2 Le Vimeu industriel regroupe encore aujourd’hui les 2/3 des entreprises industrielles de la Picardie Maritime dont les activités sont principalement axées autour de la métallurgie légère. Achille Pruvost qui figure au centre de la carte est arrêté le 21 septembre 1941 à Tuilly, interné au camp de Compiègne. Il est déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen et meurt le 23 juillet 1943 à Oranienburg.
  • Note 3 : Sa mère, Emilie Briet, veuve, s’est remariée avec M. Malloigne. Elle est conseillère municipale en 1945.

Sources

  • Madame Jacqueline Leroy (Béthencourt octobre 1991), sœur de Lucien Desenclos, âgée de 13 ans en 1941.
  • M. Colinot, secrétaire de mairie de Friville-Escarbotin (acte de décès dressé le 31 décembre 1946 par le ministère des ACVG)
  • Délibération du 31 mai 1945 du Conseil municipal (décision de poursuites « contre les dénonciateurs fascistes mis en place par Vichy ». Demande d’enquête auprès du Préfet. Documents transmis le 14 novembre 1991
  • M. Pierre Grandsire, ancien secrétaire de mairie à Friville-Escarbotin (novembre 1991).
  • Liste des décédés à Auschwitz, convoi du 6 juillet 1942, du 18 juillet 1942 au 19 août 1942. Ref ACVG 1/19, liste N°3
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Portrait tiré d’une carte postale commémorative éditée par la section du PCF du Vimeu, qui m’a été envoyées par M. Gilbert Creuset, ancien maire de Nibas (16 juillet 2011).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb. Relevé François Bronnec.
  • © Site lesmortsdanslescamps
  • © Arbre généalogique de M. Claude Huré
  • Recensements de Friville-Escarbotin-Belloy, 1931 et 1936.

Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2015, 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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