L’Humanité du 29 septembre 1937
Norbert Debrie : né en1908 à Montataire (Oise) ; domicilié à Vincelles (Yonne) ; cordonnier ; communiste ; arrêté le 6 janvier 1941, interné aux camps de Vaudeurs et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 24 août 1942.

Norbert Debrie est né le 2 mai 1908 à Montataire (Oise). Il habite route nationale à Vincelles (Yonne), au moment de son arrestation.
Norbert Debrie est le fils d’Irma Berriot, née en 1885 à Maubeuge, sans profession, et d’Octave Debrie, né en 1884 à Montataire (Oise), manouvrier à l’imprimerie Voirin dans cette ville, et militant communiste.
Sa sœur aînée, Solange est née à Montataire en 1904.

Lettre de René Petitjean à Cécile Varenne
On sait par l’Humanité du 29 septembre 1937 et par une lettre de René Petijean militant communiste clichois, né à Vincelles et qui a connu Norbert Debrie à Compiègne, que celui-ci est cordonnier (lettre du 8 octobre 1945 à Cécile Varenne).

Le 26 août 1930 à Diges (Yonne), Norbert Debrie épouse Armance Olympe Geoffroy, née le 30 septembre 1908 dans le quartier de Saully à Diges. Le couple a un garçon, François né le 11 septembre 1929 à Diges.
En 1936 la famille de Norbert Debrie est domicilié à Vincelles (Yonne), route nationale côté est.

En octobre 1937, Norbert Debrie et son père Octave Debrie (1), sont présentés par le Parti communiste aux élections cantonales (le Conseil d’arrondissement pour Norbert  dans le canton de Chablis et le Conseil général dans le canton de Courson pour son père)

Soldats allemands à Sens

Le 14 juin 1940, les premières troupes allemandes venant de Troyes ou de Romilly-sur-Seine, pénètrent dans le département de l’Yonne. A cette même date, la gare de Migennes subit un bombardement. Les attaques aériennes vont se poursuivre jusqu’au 15 juin, faisant de nombreux blessés et causant des dégâts importants dans le département. La 10è Panzerdivision investit Laroche Migènes. Sens est occupée le 16.
Trois Kreiskommandantur sont installées à Auxerre, Avallon et Sens jusqu’en janvier 1942, date à laquelle elles sont remplacées par des annexes de la Feldkommandantur 745 installée à Auxerre.  Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le Parti communiste se réorganise dans la clandestinité à Auxerre et à Sens. Dès les premières distributions de tracts, les communistes seront réprimés. Le Préfet prend dès le 11 novembre 1940 un arrêté qui conduit deux militants de Sens en prison, tandis que cinq autres font l’objet d’une mesure d’internement administratif. Les perquisitions se multiplient. Des personnes suspectées de sympathies communistes sont convoquées à la préfecture et dans les sous-préfectures et assignées à résidence. Des instituteurs soupçonnés d’être communistes, socialistes ou francs-maçons sont révoqués début décembre. En janvier 1941, le Centre d’internement administratif de Vaudeurs est ouvert. Le sous-préfet de Sens écrit : « Seule la brutalité de la répression permettra de sauver la France du péril communiste » (in AJPN).

Au début de l’Occupation : «dès le mois de janvier 1941, le préfet de l’Yonne, dans un rapport à l’ambassadeur délégué général du gouvernement français des territoires occupés à Paris, affirme qu’une répression impitoyable doit «permettre de lutter efficacement contre la gangrène bolchevique». Le 9 janvier (…), le préfet Bourgeois ouvre le «camp» de Vaudeurs pour y interner des opposants politiques, pas tous communistes ».
Norbert Debrie est arrêté le 6 janvier 1941 à Vincelles, interné au Centre d’internement administratif de Vaudeurs (château de Vaudeurs), comme « présumé communiste » avec 23 «autres militants ou sympathisants de l’ex PC» («Le Bourguignon» du 11 janvier 1941).

Le camp de Vaudeurs

«Le camp de Vaudeurs ne fut pas un rêve ! C’est surtout par la nourriture que nous avons le plus souffert : par exemple un poireau gros comme le doigt, il en était donné 11 pour 12 personnes. Le régime, supportable au début devint de plus en plus sévère» : témoignage de Noël Fossier et Gaston Foix (2). Le «Travailleur» écrit en 1945 : «les internés du camp de Vaudeurs souffraient de la faim, du froid et des sévices du chef Chapron».

Norbert Debrie est autorisé à venir chez lui à Vincelles pour une permission : « il fut sollicité par Danrée pour passer dans la clandestinité. Il refusa, ayant promis de revenir, craignant que ses camarades ne soient inquiétés » (3).

Lettre de Georges Varenne à son épouse : il y mentionne l’arrivée à Compiègne de Norbert  Debrie

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. 

Celles-ci l’internent le 27 mai 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
On connaît cette date par une lettre de Georges Varenne adressée à sa femme le 29 mai : « avant-hier Debrie, et deux camarades de Vaudeurs sont arrivés auprès de nous. Ils vont bien tous trois ainsi que les autres camarades« . L’un d’eux est Pierre Leroy, cheminot de Niort.
Depuis le camp de Compiègne, Trois icaunais seront déportés à Auschwitz : Maurice Dadé, Norbert Debrie et Georges Varenne (4).

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, Norbert Debrie est déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à cette déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Norbert Debrie est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45430 ? »

figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage « Triangles rouges à Auschwitz ».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Norbert Debrie meurt à Birkenau (selon René Petitjean, cf. lettre ci-dessus), le 24 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 217). Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (J.O n° 10 du 12 janvier 2008). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.

Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de «Déporté Politique» a été attribué à Norbert Debrie.
Il est homologué (GR 16 P 162588 RIF) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
Par un arrêté ministériel de 1950 paru au Journal Officiel du 24 mai 1950, il est homologué comme « Sergent-chef » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 8 janvier 1941.
Une plaque apposée au mur de son domicile rappelle sa mémoire. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Vincelles, au cimetière communal.
Leur fils François Debrie qui habitait Vitry (Val-de-Marne) après guerre, est décédé à Sens le 10 décembre 1990. La veuve de Norbert Debrie s’est remariée en 1949 avec Roger Grégoire, dont elle a divorcé en 1971. Elle est décédée à Auxerre en 2000.

  • Note 1 : Octave Debrie né à Montataire le 19 décembre 1884 était ouvrier aux Forges de Montataire avant la Première Guerre mondiale puis, après le conflit, magasinier, puis représentant. Ancien adhérent de la SFIO, élu conseiller municipal en 1919 à Montataire, il adhère au Parti communiste en 1922. Il dirige de 1921 à 1923 la société de gymnastique La Revanche prolétarienne de Montataire Il est candidat aux élections cantonales pour le PC en 1934 à Auxerre-ouest et 1937 canton de Courson.  Résistant, Octave Debrie est homologué (GR 16 P 162589) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) et DIR (Déportés et Internés Résistants) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance. Il est décédé en 1963 (source : extraits d’une d’une notice de Jean-Pierre Besse dans le Maitron).
  • Note 2 : Joël Drogland, dans le dossier consacré au commissaire Grégoire (Bulletin n° 15 «Yonne Mémoire» de l’ARORY Association pour la Recherche sur l’Occupation et la Résistance dans l’Yonne).
  • Note 3 : Robert Bailly, qui l’a bien connu, mentionne ce fait dans « Les feuilles tombèrent en avril » (pages 48 et 57), et dans « Occupation hitlérienne et Résistance dans l’Yonne« 
  • Note 4 : Contrairement à ce qu’indique le site, par ailleurs excellent, de l’ARORY (n° 16 de l’Yonne Mémoire, mai 2006) dans un dossier intitulé « les déportés non raciaux de l’Yonne » il n’y a que trois icaunais déportés dans le convoi dit des « 45.000 » (Maurice DadéNorbert Debrie et Georges Varenne). En effet Pierre Leroy, qui est mentionné sur le site comme un habitant de l’Yonne déporté dans le convoi des « 45.000 » est un cheminot niortais, arrêté le 3 juillet 1941, à son domicile de Niort, par des policiers français, en raison de ses activités politiques antérieures. Il est détenu à la prison cellulaire de Niort, puis en septembre 1941, il est interné au petit centre d’internement administratif du château de Vaudeurs, dans l’Yonne. Pierre Leroy y côtoie alors Norbert Debrie, qui sera transféré avec lui à Compiègne et déporté avec lui à Auschwitz.

Sources

  • Mairie de Vincelles, 27 octobre 1990.
  • Lettre de Robert Bailly, 19 février 1991.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives départementales de l’Oise en ligne, état civil de Montataire (in recensement de 1911)
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com
  • Le château de Vaudeurs est devenu un centre de vacances pour les enfants de Malakoff.

Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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