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Pierre Monjault a voulu témoigner en mémoire de tous ses camarades déportés et décédés dans les camps nazis. Il a demandé à Lucie Kerjolon d’écrire le récit de sa déportation, les trente quatre mois qu’il a vécu « parmi les martyrs et les morts« . Ce mémoire de 70 pages, intitulé « Quatre années de souffrance pour rester Français » est précédé d’un résumé de sa vie avant son arrestation, reproduit ci-dessous.

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Pierre Monjault est né à Civray dans la Vienne, le 24 Juillet 1902. Fils de Jean-Baptiste et de Camille Monjault, il était le deuxième enfant d’une famille de quatre. En ce temps là, la vie était rude pour les ouvriers, et leurs enfants. Vers l’année 1911, Pierre avait neuf ans, il fut placé comme garçon de courses et plongeur dans le restaurant « Au Moulin des Ages« , à Civray pendant tout l’été, ensuite il quitta la maison familiale à l’âge de dix ans pour gagner son pain, comme cela se disait à cette époque. Il fut placé dans une ferme pour être domestique. Il n’a donc pas fait d’études car en son temps, certains enfants de familles pauvres n’allaient pas à l’école, sauf l’hiver, c’était le cas de Pierre ce qui lui a quand même évité d’être illettré. Il en parle sans amertume, parfois avec humour. Ses parents étaient employés à la ville de Civray, en qualité de gardiens de cimetière, et souvent Pierre aidait ses parents à désherber au lieu d’aller jouer avec les copains ; à cette époque les parents apprenaient aux enfants à travailler très tôt.

Pierre passa donc sa petite enfance dans ce pays, plein de charme (…). Durant son très jeune âge, Pierre rentrait chez lui qu’une fois la semaine, le dimanche. Le jour de son congé, il faisait sept kilomètres à pied, avec son baluchon de linge au bout d’un bâton. Il se hâtait, tant il était heureux de se retrouver en famille, de revoir ses parents, ses soeurs et son frère. Mais, la journée passait vite et il s’en retournait le soir même et refaisait à pied le même chemin. Au temps de l’enfance de Pierre à Civray, il y avait comme société, des bourgeois très riches, des cultivateurs et commerçants disons aisés puis les ouvriers, les employés et les domestiques très pauvres, surtout vers les années 1910-1920, car il y eu la guerre 1914-1918. Le meilleur ami de Pierre à Civray était un vieil archiprêtre, dont Pierre était l’enfant de coeur. Cet archiprêtre se prénommait Victor ce qui fait que Pierre a gardé longtemps l’habitude d’appeler tous les porteurs de soutane « Victor ». Une grande tendresse unissait donc Victor et Pierre même s’ils n’étaient pas toujours d’accord. A Civray, il y avait une coutume lorsque les gens riches du pays célébraient un mariage, ou même un enterrement, ils distribuaient après les offices, du pain aux pauvres; alors ces jours là une religieuse donnait à Pierre un pain de six livres, que tout heureux il portait à sa mère.

Pierre à l’âge de quinze et seize ans, était estimé de tout son entourage et de ses employeurs. A cette époque, les domestiques se louaient de la Saint Michel à la Saint Jean et de la Saint Jean à la Saint Michel, pour un salaire fixe à la saison, plus un « dédit » et une paire de galoches. La deuxième saison était mieux payée car le labeur était plus dur et les jours plus longs.


Pierre avait la réputation d’être fort et courageux, le jour de la foire aux domestiques, les fermiers se le disputaient, aussi il se louait aux plus offrants. Il connaissait les meilleures maisons dans certaines fermes, la nourriture était meilleure que dans d’autres. Ce facteur était très important, car les journées étaient longues et bien remplies.


Lorsque Pierre eut dix huit ans, il s’engagea dans la Marine. Il débuta comme élève infirmier, mais son stage fut interrompu pour cause de maladie. Il eut une pneumonie qui dura six mois. Après sa guérison, il reprit son service à Rochefort et fut breveté Maître d’Hôtel.


Après son service militaire, Pierre retourna à Civray et épousa une jeune fille de sa région. Ils eurent deux fils Guy et Pierre. Puis, sur les conseils de son oncle, il quitta la Vienne et vint à Maisons-Alfort car en travaillant beaucoup, les ouvriers gagnaient mieux leur vie dans les villes que dans les campagnes.

C’est ainsi qu’il fut maçon. Il est de ceux qui ont élevé les premiers immeubles de Charentonneau. Durant ces années, le matériel n’était pas perfectionné comme de nos jours, et le travail était pénible. Pierre favorisé par sa force et son courage, pour UN franc de plus de l’heure, tournait le treuil chargé de matériaux. Là aussi, il était très apprécié, il dit n’avoir jamais perdu une journée de travail, dès qu’un chantier était terminé il en retrouvait un autre.

En 1924, à l’âge de vingt deux ans, Pierre adhéra au Parti communiste Français. Le 15 avril de cette même année, il entra à la Ville de Paris. En suivant des cours, il devint chauffeur de machines à haute tension, mais il fut remercié le 5 mars 1926, pour activité contre la guerre du RIF au Maroc.

C’est ainsi que pendant la période 1926-1930, il fut à nouveau maçon, puis chauffeur de chaudières, aide ajusteur, et receveur de tramways. Réintégré à la Ville de Paris le 4 février 1930 jusqu’à la retraite en 1958, date à laquelle il reçut le diplôme et la médaille d’Honneur du Travail.

Pierre était épris de justice : il voulait – disait-il – défendre ceux qui dans la vie luttent pour améliorer leurs existences et celles de leurs enfants ; il fut ainsi syndicaliste toute sa vie active, défendant les plus défavorisés. Il lui est arrivé de payer de son emploi une demande d’augmentation de salaire. Mais ensuite il avait la consolation d’apprendre que les ouvriers avaient acquis ce que lui même avait demandé. Voici en quelques lignes, un résumé de la vie de Pierre Monjault. J’ajoute que de cette période laborieuse, il n’a gardé que des souvenirs heureux.

Lucie Kerjolon

2 Commentaires

    1. Bonjour. Avez-vous des faits familiaux nouveaux qui nous permettraient d’enrichir la notice de votre arrière grand-père ? En tout état de cause, votre message nous a amené à revoir sa notice, dans la mesure où Pierre Monjault est passé par le camp de Gross-Rosen, pour lequel les archives d’Arolsen (© International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland) auraient pu nous apporter des documents qui n’étaient pas consultables par Internet lorsque nous avons rédigé sa notice. Il n’y a hélas, pas de nouveau document. Cordialement

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