Matricule « 45 518 » à Auschwitz
François Malard ; né en 1890 à Bonnemain (Ille-et-Vilaine) ; domicilié à Paray-Vieille-Poste (Seine-et-Oise / Essonne) ; soudeur PTT ; conseiller municipal ; communiste ; arrêté le 24 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt 17 septembre 1942.
François Malard est né le 16 novembre 1890 au domicile de ses parents à la ferme des Rochelets à Bonnemain (Ille-et-Vilaine).
Il habite au 139 (ou 9), allée des Bouleaux à Paray-Vieille-Poste (Seine-et-Oise / Essonne) au moment de son arrestation.
François Malard est le fils de Clémentine Briand, 22 ans, ménagère et de François Malard, 26 ans, cultivateur, son époux.
Il est ouvrier soudeur aux PTT à Paris.
Au moment du conseil de révision, il habite Lanhélin (Ille-et-Vilaine) et travaille comme marin.
Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 74, a les cheveux châtain, les yeux gris, le nez rectiligne, le front vertical, et le visage ovale.
Conscrit de la classe 1910, François Malard est « inscrit définitivement sur la matricule des gens de mer (quartier de Cancale, n° 2806 » le 12 octobre 1911. « Levé » le 2 novembre (1), il est incorporé comme matelot de 3è classe au deuxième dépôt des équipages de la Flotte à Brest le 9 décembre 1911.
A compter du 1er octobre 1912, il est matelot de 2è classe fusilier breveté. La déclaration de guerre le mobilisera jusqu’au 30 juillet 1919, date à laquelle il est « renvoyé dans ses foyers, « certificat de bonne conduite accordé ».
François Malard entre alors aux PTT à Paris, comme soudeur.
Il épouse Marie, Louise Lemeur le 11 décembre 1920 à Paris 13è. Il a 30 ans, employé des PTT, domicilié au 89, rue de la Santé. Elle a 31 ans, et travaille comme papetière. Elle est née à Versailles, le 24 août 1889 et habite à la même adresse que lui.
Le couple a un garçon, Maurice, qui naît le 12 juillet 1922 à Paris 14è (il est décédé en 1985 à Paray).
En 1923 et 1924, le couple habite toujours au 89, rue de la Santé, Paris 13è.
En 1927, François Malard est agent des lignes au 24, rue du général Bertrand, Paris 7è. Il donne cette adresse comme étant celle de son domicile lors de la mise à jour de sa fiche pour l’armée (il s’agit peut-être d’un immeuble de fonction appartenant alors aux PTT, car cet immeuble aujourd’hui propriété du Conseil régional d’Ile de France ne semble pas être un immeuble aux fonction techniques).
François Malard déménage à Paray-Vieille-Poste au 139 (ou au 9 au DAVCC à Caen) allée des Bouleaux, un petit pavillon dont la famille devient propriétaire. Lors du recensement de 1936, le couple héberge à cette adresse du 139 un neveu, Maurice Pierre, né en 1933 à Paris.
François Malard est élu conseiller municipal sur la liste communiste de Paray-Vieille-Poste en 1935 : il adhère au Parti communiste 2 ans plus tard.
Le 5 octobre 1939 le maire Léon Bertrand et tout le conseil municipal sont suspendus : à partir du 20 novembre 1939 et pendant toute l’Occupation, la commune est «administrée» (délégation spéciale présidée par M. Chrétien, puis par Marcel Souillat jusqu’à la Libération de Paray, le 24 août 1945).
Le 15 juin la gare de Juvisy est bombardée par la Luftwaffe. Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19ème régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le maire communiste Léon Bertrand, suspendu par le conseil de Préfecture en 1939 est arrêté le 24 octobre 1940, par la police française, en même temps que l’ensemble du Conseil municipal (cinq d’entre eux seront déportés à Auschwitz : François Malard, Henri Dugrès, Marcel Ouvrier, Eugène Tartasse, et Marcel Vaisse. Ces arrestations ont lieu dans le cadre des rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 (avec l’accord de l’occupant) par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur «l’éloignement des suspects et indésirables».
François Malard est interné le 24 novembre 1940 au camp d’Aincourt, en Seine-et-Oise, ouvert spécialement, le 5 octobre 1940 pour y enfermer les militants arrêtés. Le maire Léon Bertand est déporté en Algérie.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
A Aincourt François Malard «s’y montra un des militants communistes les plus fidèles et les plus actifs. C’est pourquoi il fut désigné comme otage et transféré le 27 juin 1941 à Compiègne, à la disposition des autorités d’Occupation » (Notice du Maitron). Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, François Malard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
François Malard est enregistré à l’arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 518 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 766). Cent quarante huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre, ainsi qu’un nombre important de détenus d’autres nationalités : il est probable qu’ils sont tous morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie.
Son certificat d’état civil établi en France à la Libération portait la mention «décédé le 15 mars 1943 à Auschwitz (Pologne)». Depuis la mention «Mort en déportation» a été apposée sur son certificat de décès (arrêté du 9 août 1989/ JO du 29 septembre 1994) et surtout le certificat d’Arolsen portant la date de décès du 17 septembre 1942 a été apposé sur son acte de naissance.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Il est homologué (GR 16 P 386234) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Par un arrêté ministériel de 1949 paru au Journal Officiel du 18 décembre 1949, il est homologué comme « Soldat » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er octobre 1940.
Le nom de François Malard figure sur le monument aux morts du cimetière de Paray, ainsi que sur le monument «Aux Héros de la Résistance 1940-1945», place Maxime Védy, avec celui de 12 autres de ses camarades, fusillés ou mort(e)s en déportation.
A l’initiative du maire Léon Bertrand revenu de déportation en Algérie, une rue de Paray porte son nom depuis octobre 1944.
- Note 1 :Art. 5.– La durée de l’assujettissement militaire des inscrits maritimes s’étend de l’âge de dix-huit ans à celui de cinquante ans. Toutefois leur appel avant l’âge de vingt ans ne peut avoir lieu qu’en temps de guerre et en vertu d’un décret.
Sources
- Correspondance avec Mme Janine Henin professeur d’Histoire, dont les courriers et l’envoi d’informations ainsi et d’une partie de la maquette du livre «Paray d’hier et d’aujourd’hui» / Collectif, Henin (J.), coord. Ville de Paray-Vieille-Poste, 1988, m’ont permis de relier François Malard au convoi des «45000».
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997 et Tome 35, page 203, notice rédigée par Nadia Tenine-Michel.
- Liste du Mouvement de Libération Nationale : dossier AU2.
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin- Juin 2003 – Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- © Archives en ligne d’Ille et Vilaine.
Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com