André Rousseau avant guerre et à son retour des camps, in site internet © draveil-resistance.com
Sa carte de détenu à Mauthausen

Matricule « 46 078 » à Auschwitz
Rescapé

André Rousseau : né en 1907 à Saint Chéron (Seine et Oise - Essonne) ; domicilié à Draveil (Seine-et-Oise / Essonne) ; chauffeur poids lourds ; communiste ; arrêté le 14 juillet 1941, condamné à 6 mois de prison (Cherche-midi, Fresnes, Villeneuve-Saint-Georges ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Mauthausen, Ebensee, rescapé ; décédé le 30 décembre 1963.

André Rousseau est né le 22 juin 1907 à Saint Chéron (Seine et Oise – Essonne).
Il habite au 1, rue Charles Mory à Mainville par Draveil (Seine-et-Oise / Essonne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Julia Cherpion, journalière et de Louis Rousseau (il se sont mariés le 10 août 1908).

André Rousseau
 se marie à Draveil avec Pierrette Vigneron le 2 août 1929. Elle est née le 28 février 1912 à Milly-la-Forêt (Essonne).
Le couple a six enfants dont cinq ont de un mois à douze ans en 1941 (André, Jeanine, Jean-Jacques, Claude-Robert, Daniel, Guy).
Il est chauffeur poids lourds.
«En 1932, les Draveillois élirent un député communiste, Lucien Midol. En 1935, c’est «Draveil-la-Rouge», une des premières municipalités communistes» (Martine Garcin).
André Rousseau est membre du Parti communiste, adhérent à la cellule de Mainville.
Conscrit de la classe 1937, il est mobilisé entre septembre 1939 et mai 1940.

Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er  janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19e régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entr »e par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Après la défaite française et l’occupation allemande, André Rousseau, une fois démobilisé, devient membre du «Front national de lutte pour l’indépendance de la France», à partir de juin 1941 (document signé par M. Mugnier, « liquidateur » du Front national).

André Rousseau est arrêté dans la nuit du 13 au 14 juillet 1941 à Draveil, par la police française (Préfecture de Versailles), »pour le compte de la Feldkommandantur 758« , pour distribution de tracts du Front national appelant la population à manifester le 14 juillet (avec Marcel Linard, Robert Moricci et Pierre Bonnot). Malgré ses dénégations «c’est la première fois que je distribue un tract du Parti communiste clandestin, mais j’étais membre de la cellule communiste de Mainville», les Allemands noteront dans sa fiche d’otage susceptible d’être exécuté (In XLVa.2 n° 128) (1) : « propagandiste actif communiste » « membre de la cellule communiste de Mainville dont le chef est Kremer».

André Rousseau
est condamné à 6 mois de prison le 29 juillet 1941 par le tribunal de Saint Cloud pour propagande communiste (la fin de sa peine est prévue au 15 janvier 42, comme pour Robert Moricci). André Rousseau est alors écroué à la prison du Cherche Midi (juillet-août 1941), puis à Fresnes (d’août à octobre 1941) et à Villeneuve-St-Georges (d’octobre 1941 à janvier 1942).

Le 13 novembre 1941, son nom (ainsi que celui de Marcel Linard) est inscrit sur une liste d’otages (ci-contre).

A l’expiration de sa peine de prison, le 14 janvier 1942, il n’est pas libéré et il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Il y reçoit le matricule «2386».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Rousseau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.  

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

André Rousseau est enregistré à son arrivée à Auschwitz I «Stammlager» (camp principal), le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 078 ».
Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet ils sont interrogés sur leurs professions. « Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les autres (…) nous restons à Birkenau où nous sommes employés pour le terrassement et pour monter des baraques appelées Block» (Pierre Monjault).
André Rousseau est de ceux qui restent à Birkenau. Il décharge des wagons : « du bois à mettre en piles sous les coups et les hurlements« .

Un soir, le 16 ou le 17 mars 1943, après l’appel, les vingt-cinq «45 000» survivants à Birkenau sont rassemblés. Consignés dans un block, André Rousseau et dix-sept d’entre eux sont conduits le lendemain sous escorte au camp principal d’Auschwitz I.
Il a travaillé en mai 1943 avec Gustave Remy (déporté du travail puis déporté à Auschwitz pour des lettres écrites à son frère où il écrivait détester les Allemands), qui l’a vu « affaibli par un an de déportation« .
Pierre Monjault a également témoigné de son état «Je remorquai comme je pouvais des camarades jusqu’au Block. Un jour, le camarade Rousseau, de Vigneux (2) me dit : “Pierrot, je vais crever, c’est fini” et se pencha sur mon épaule. Je lui dis : «Mais mon vieux, nous crèverons tous, allez viens. Et avec bien du mal nous sommes rentrés au Block. Le lendemain il allait mieux».

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, André Rousseau est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre 1943, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".

André Rousseau fait partie des trente six « 45 000 » qui restent à Auschwitz jusqu’en janvier 1945. L’évacuation du camp d’Auschwitz se fait alors en plusieurs directions : douze « 45 000 » sont dirigés sur Gross-Rosen, deux sur Buchenwald, vingt sur Mauthausen.

Sa carte de détenu à Mauthausen

André Rousseau est transféré à Mauthausen entre le 18 et le 21 janvier 1945. Il y arrive le 21 janvier 1945. Il y reçoit le matricule «119 238» et il est affecté au Block 2.
Sa fiche de renseignements indique qu’il est catholique. Comme adresse pour son épouse, il écrit au 4, impasse Bellevue à Draveil (sans doute chez les parents de celle-ci).
Le 15 ou 17 avril 1945, il est évacué à pied sur Ebensee (aménagement d’usines souterraines, province de Salzbourg) où il est libéré le 6 mai 1945.
André Rousseau est rapatrié le 26 mai 1945. Il a été homologué «Déporté Politique» en 1960.
La carte de «Déporté résistant» lui a été refusée.
André Rousseau est mort le 30 décembre 1963 à Villeneuve-St-Georges.
Il a été déclaré « Mort pour la France« .
Son épouse est décédée le 22 juin 1997 à Juvisy-sur-Orge (Essonne).

  • Note 1 : «A l’automne 1941, un «Code des otages» rappelle et formule les règles devant gérer les fusillades et le choix des victimes. Cette période est l’occasion d’une nouvelle radicalisation de la politique répressive des autorités allemandes. Mais dès décembre 1941, alors qu’ Hitler juge insuffisant le nombre d’otages fusillés, le MBF demande également à Berlin d’y ajouter des déportations massives de représailles, considérées plus dissuasives» (S. Klarsfeld, 1979 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; R. Delacor, 2000 ; A. Meyer, 2002 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004 ; G. Eismann, 2005). In Thomas Fontaine. © Chronologie : Répression et persécution en France occupée 1940-1944, juin 2010. Lire aussi dans ce blog :Une déportation de répression de la Résistance.
  • Note 2 : Il s’agit bien d’André Rousseau. En effet Vigneux est une ville limitrophe de Draveil. Le seul autre «45000» rescapé nommé Rousseau est Georges Rousseau, maire de Vierzon (Vienne).

Sources

  • Liste d’otages XLIII.3 , n° 128 de cette liste.
  • Témoignage de Gustave Remy (correspondance en juin 1990).
  • « Quatre années de souffrance pour rester Français« , mémoire de 70 pages écrit par Lucie Kerjolon pour Pierre Monjault.
  • © «Caractères draveillois, Résistance et création», dossiers thématiques, témoignages et notices biographiques sur la Résistance à Draveil, site animé par Martine Garcin.
  • Correspondances avec Martine Garcin, animatrice de «Draveil-resistance».
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, fiche individuelle consultée au Val de Fontenay en avril 1992 et dossier individuel consulté à Caen en novembre 1993.
  • © Photo : André Rousseau à son retour de déportation (Collection Roger Payen) sur le remarquable site internet de © draveil-resistance.com (expo).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen).

Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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