Roger Levaché © Jean Levaché

 

Matricule « 45 791 » à Auschwitz

Roger Levaché : né en 1908 à Marcoussis (Seine-et-Oise / Essonne), où il est domicilié ; agriculteur ; communiste, membre du Conseil paysan français ; arrêté le 18 janvier 1941 ; prison de Limours ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Roger Levaché est né le 5 septembre 1908 à Marcoussis (Seine-et-Oise / Essonne), où il réside, 12, rue Emile Zola au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Clémence Petit, 20 ans, cultivatrice, née le 28 février 1888 à Bullion (Yvelines) et de Alfred, Jean Levaché, 23 ans, né le 28 octobre 1884 à La celle-les-Bordes (Yvelines), cultivateur son époux.
Son père et sa mère ont une petite exploitation agricole où ils cultivent des légumes. Son père meurt en 1917 dans le déraillement d’un train au retour du front italien.
Il devient pupille de la Nation (31/12/1918). Sa mère continue l’exploitation agricole. Roger Levaché devient agriculteur à son tour.

Roger Levaché épouse Hélène, Amélie, Petit, le 20 décembre 1930. Cultivatrice, elle est née le 13 mars 1908 à Marcoussis.
Le couple a deux garçons (Jean né en 1934 et Jim né en 1938). Propriétaire exploitant, il emploie des ouvriers agricoles. Il leur applique le régime spécial pour les agriculteurs de la Loi du 30 avril 1928. Son fils Jean, écrit : « il leur a donné la sécurité sociale, il ne les faisait pas travailler le dimanche« .
Roger Levaché est membre du Parti communiste et milite au Conseil Paysan Français, qui est l’organisation paysanne du Parti communiste, fondée en 1925, et au sein des organisations paysannes de la CGTU.
Il diffuse «La Voix Paysanne» (organe du Conseil paysan Français) et «La Terre» (dont le premier numéro paraît le 30 janvier 1937), anime des réunions publiques. Son épouse adhère également au Parti communiste.
En 1936, Roger Levaché habite au 7, rue Emile Zola à Marcoussis, avec sa mère, Louise Levaché, son fils Jean et son épouse, chez la grand-mère de celle-ci, Clémence Petit, née en 1866. les adultes sont indiqués comme maraîchers sur le registre du recensement. Un employé agricole, Jean Lelay est également logé à la même adresse.

Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er  janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19e régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Au début de l’Occupation, Reger Levaché poursuit une activité militante, dont sa femme et sa mère ont connaissance.
Roger Levaché est arrêté à Marcoussis, le 18 janvier 1941, au retour d’un enterrement à Orly. « 3 Km à pied, dans la neige, encadré par deux gendarmes français à vélo (…) Il aurait pu s’enfuir, mais il a craint des représailles contre sa famille« .

Deux rapports le dénonçant, découverts dans les archives de la mairie de Marcoussis par sa mère, nommée au conseil municipal provisoire à la Libération, confirment ce que pensait la famille : Roger Levaché a été dénoncé par deux personnalités de la commune, dont un gendarme en retraite, qui écrit : « Très adroit, ne peut être pris en défaut« .
Roger levaché est détenu à la prison de Limours deux ou trois jours.
Puis il est interné au camp d’Aincourt le 14 janvier 1941, ouvert spécialement le 5 octobre 1940 pour y enfermer les militants arrêtés.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
Le 27 juin 1941, il est remis au sein d’un groupe de 88 internés de Seine-et-Oise, aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne ouvert ce jour-là en tant que de détention camp allemande (le Frontstalag 122).

A Compiègne, il participe aux travaux de creusement du tunnel qui permet l’évasion de 19 responsables communistes, dont Georges Cogniot, André Tollet, Louis Thorez, ainsi que plusieurs anciens brigadistes.
Dans leurs livres, Georges Cogniot et André Tollet ont rapporté que parmi les 14 «planques» préparées pour assurer les suites de l’évasion, deux des évadés sont hébergés dans la propriété de Marcoussis de Roger levaché : André Tollet lui-même et Maurice Léonard, ancien conseiller général de la Courneuve.

Le bombardement du camp de Compiègne dans la nuit du 23 au 24 juin 1942 et Avis de recherche des évadés du 22 juin 1942 par le tunnel du camp de Compiègne. Et L’Odyssée de 6 évadés de Compiègne et de celles et ceux qui les hébergèrent 

 

A Compiègne l’épouse de Roger Levaché obtient deux permis de visite. Jean voit son père à l’automne 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Roger Levaché  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 791 », selon la liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Roger Levaché meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 715). Cent quarante huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz entre les 16 et 19 septembre, ainsi qu’un nombre important de détenus d’autres nationalités : il est probable qu’ils sont tous morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie. Les SS indiquaient des causes naturelles fictives sur les registres des infirmeries pour masquer ces assassinats collectifs.

Son épouse est conseillère municipale communiste à Marcoussis à la Libération, selon son fils.
Il est déclaré « Mort pour la France« . Son fils a été exempté de service militaire en Algérie  à la suite de l’intervention de la députée communiste Rose Guérin, elle-même déportée à Ravensbruck et Mauthausen, le 11 février 1958, en faveur des fils et orphelins de parents ayant été déportés pour les faire bénéficier d’une dispense au service en Afrique du Nord.
Roger Levaché est homologué « Déporté Politique« . En 1993, son nom, orthographié Levacher, associé à celui de Gilbert Cintrat est donné à une rue nouvelle de la commune.
La Cellule «Roger Levacher – Gilbert Cintrat du PCF rend hommage aux Marcoussissiens communistes dénoncés et déportés par les nazis».
Son nom figure sur le monument aux déportés morts pour la France.
On lira sur le site de l’association «Mémoire vive des 45000 et 31000 d’Auschwitz Birkenau» d’autres témoignages de Jean Levaché, recueillis en 2007 : http://www.memoire-vive.net/biographies/45791.html

Sources

  • Documents et renseignements fournis par son fils aîné, Jean Levaché (octobre 1990).
  • Témoignage de Georges Gourdon, 21 janvier 1972.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. «Premier camp d’internement des communistes en zone occupée», Dir. C. Delporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
  • Georges Cogniot, Parti pris, Éd. Sociales, Paris 1976, page 489 et «L’évasion», Ed. Raisons d’être, page 84 à 88.
  • André Tollet, Le souterrain, Ed. Sociales, pages 154 à 157 et «La classe ouvrière dans la résistance», Ed. Sociales, pages 108 et 109.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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