Matricule « 45 590 » à Auschwitz
Marcel Genvrin : né en 1902 au hameau du Mesnil, Le Pin (Calvados) ; domicilié à Darnétal (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; conducteur d'auto, chauffeur au dépôt SNCF de Sotteville-lès-Rouen ; communiste ; arrêté le 21 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt, le 25 août 1942.
Marcel Genvrin est né le 29 janvier 1902 au hameau du Mesnil, Le Pin (Calvados). Il habite au 120, rue des Belges à Darnétal (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment de son arrestation.
Marcel Genvrin est le fils d’Anne, Marie Croc, 38 ans, (1863-1904) sans profession née à Plounévez-Moëdec (Côtes-du-Nord) et d’Armand, Ferdinand Genvrin, 50 ans (1851-1927), son époux, qui est terrassier, ou « casseur de pierres » chez Patin.
Marcel Genvrin a deux frères et deux sœurs aîné.e.s, Henri né en 1895, Ferdinand, né en 1897, Jeanne née en 1899, et Henriette née en 1900.
Leur mère décède le 25 février 1904. Seuls les deux aînés restent avec leur père. Les deux filles et Marcel n’habitent plus au village au recensement de 1906.
Marcel Genvrin est conducteur d’auto, puis chauffeur au dépôt SNCF de Sotteville-lès-Rouen (n° matricule SNCF : 44303).
Marcel Genvrin épouse Marie Juliette Pichon le 11 avril 1925 à Darnétal. Elle est née le 28 mars 1893 à Rouen, travaillant comme confectionneuse, fille d’ouvriers en filature hydraulique.
Le père de Marcel Genvrin décède en 1927, son frère Henri en avril 1939.
Selon l’extrait de l’Avenir Normand, organe régional du Parti communiste, qui lui rend hommage en 1949, il adhère au Parti communiste en 1936. Il devient porte drapeau du Parti et est élu président des Jeunesses communistes. « il consacra une activité débordante à l’organisation, à l’éducation et aux loisirs des jeunes. Chaque année, il était l’animateur de la forte délégation qui quittait Darnétal pour la fête de l’Humanité à Garches, et en 1938, il fut l’un des pionniers de nos succès. » ( l’Avenir Normand 17 juin 1949).
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance. Parmi eux, le nom de Marcel Genvrin.
«Soupçonné de communisme» (1), in fiche du DAVCC, Marcel Genvrin est arrêté le 21 octobre 1941. Marcel Gohé, également de Darnétal est arrêté le lendemain. Ces arrestations sont ordonnées par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly)
Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés les 21 et 22 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 19 et le 30 octobre 1941. Trente neuf d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Le 25 octobre 1941 Marcel Genvrin est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122..
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Genvrin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 590» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz.
Marcel Genvrin meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 343).
Il a été déclaré « Mort pour la France». Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 20 juillet il est homologué « adjudant » à titre posthumeau titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er octobre 1941.
Son nom est honoré sur le monument aux morts SNCF du dépôt de Sotteville-lès-Rouen.
Il est également honoré sur la plaque commémorative sur le mur de la mairie de Darnétal et sur la stèle commémorative dans le cimetière communal de la ville.
Son nom est honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ».
- Note 1 : L’Avenir Normand de 1949 confirme qu’il est bien membre du Parti communiste avant guerre et dans l’organisation clandestine après son interdiction).
- Note 1 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Archives en ligne du Calvados. Le Pin. Etat civil, décès et recensements 1901 et 1906.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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