Plaque au 73, rue de Merlan  © Michel Ossakowsky

« Matricule 45.725 » à Auschwitz

Raymond Langlois : né en 1922 à Noisy-le-Sec (Seine / Seine-Saint Denis) où il habite ; jeune communiste ; arrêté le 16 octobre 1940 (maison centrale de Poissy), interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 11 novembre 1943.

Raymond Langlois est né le 30 juin 1922 à Noisy-le-Sec (Seine/Seine-St Denis) au domicile de ses parents, 73 rue de Merlan, où il habite au moment de son arrestation.  Il est le fils de Véronique Campana (35 ans), née dans les basses Pyrénées à Saint-Etienne de Baïgorry, le 16 octobre 1886, couturière, et de César, Adolphe Langlois (52 ans), né le 13 août 1869 à Saint Remy-la-Vanne, en Seine-et-Marne, magasinier, son époux. Son père était veuf de Marie Durand (décédée en 1906).
Il a une sœur aînée, Marthe, qui naît en 1917. Elle est sténo dactylo en 1936. Leur  père, César Langlois est  communiste.
«Il entra au conseil municipal le 12 mai 1935, sur une liste conduite par Félix Routhier. Il fut déchu de son mandat en février 1940 par le conseil de préfecture pour appartenance au Parti communiste» (le Maitron).
Raymond Langlois habite avec ses parents et sa sœur au 73, rue de Merlan au moment de son arrestation. Il est célibataire.
Il est membre des Jeunesses communistes, ami avec Rolland Delesque, avec lequel il fait des ballades à vélo, également membre des jeunesses communistes et dont le père siège lui aussi au conseil municipal de Noisy.  «Les deux  familles habitaient sur les 2 trottoirs face à face de la même rue» (Claude Delesque). Raymond Langlois est presque comme un frère avec Gaston (Robin), qui s’engagera dans les FFI en 1944.

Selon le témoignage recueilli en 1990 par le Maire de Noisy-le-Sec auprès de madame Louise Welscher, veuve de Maurice Welscher («46208»),
Raymond Langlois aurait été arrêté une première fois en 1939 « pour avoir entreposé, à son domicile des journaux et des tracts communistes » et interné à la centrale de Poissy. Libéré un an après il aurait été arrêté à nouveau en octobre 1940.
S’il est possible qu’il ait arrêté en 1939, comme un autre jeune communiste de Noisy, Léon Lochin (arrêté en décembre, il est incarcéré et s’évade pendant l’évacuation des prisons de Paris) nous n’en n’avons pas trouvé trace aux archives de la Préfecture de police de Paris.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Ce qui est avéré, d’après le témoignage du fils de Rolland Delesque, c’est que son père constitue un groupe de résistance au tout début de l’Occupation, et son ami Raymond Langlois en fait alors partie (ce qui est compatible avec une évasion en mai 1940).
Les archives de la police nous apportent une seule date d’arrestation : Raymond Langlois y est mentionné comme étant arrêté le 16 octobre 1940 -et interné à la centrale de Poissy (il a sans doute été condamné à 6 ou 8 mois de prison cellulaire). Le préfet de la Seine ordonne son internement administratif à l’expiration de sa peine, le 8 juin 1941. Raymond Langlois est transféré le 28 novembre 1941 au camp « de séjour surveillé » de Rouillé (1), ainsi qu’en témoigne le bordereau ci-dessous. Lire dans ce site :  le camp de Rouillé .‎

Au début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste d’internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne en vue de leur déportation comme otages. Le nom de Raymond Langlois y figure avec le n° 107. Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
C’est donc avec un groupe de 160 internés que Raymond Langlois arrive à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Langlois est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Raymond Langlois est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45723» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard (en juin d’après Marcel Cimier).

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Le 13 juillet : «Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi». Pierre Monjault.

Dessin de Franz Reisz (l’attente au Revier)

Raymond Langlois est affecté à la construction des premières chambres à gaz. C’est le terrible hiver de 1942-1943. Avec Marcel Cimier il est affecté au Block 9, à un mauvais Kommando de déchargement des wagons. Il tombe malade et entre à l’infirmerie du camp, le Revier.
Marcel Cimier a raconté cet épisode de leur vie où il essaie, «malgré ses faibles forces», de prendre son jeune camarade sous sa protection. Lire dans le site Les sélections : témoignage de Marcel Cimier.
Pendant une quinzaine de jours, en février, il travaille avec Marcel Cimier à décalquer des numéros matricules sur des bandes de tissu pour les nouveaux arrivants. Puis ils sont dans un dur kommando de terrassement. Grâce à la débrouillardise de Marcel Cimier il est affecté à l’épluchage des pommes de terre. A son tour, il y fait embaucher Marcel Cimier. «Malheureusement mon pauvre camarade avait trop présumé de ses forces, et au début de mai il dut à nouveau rentrer à l’hôpital (…) ; mais j’étais rassuré sur son sort, car à Auschwitz au mois de mai 1943 à part les Juifs, il n’y avait plus à craindre pour les Aryens d’être envoyé à la chambre à gaz. […] Je mangeais enfin à ma faim, et en même temps je pouvais faire profiter certains camarades et surtout mon «frère de misère » Raymond Langlois. J’allais le voir fréquemment à l’hôpital et lui apportais des friandises et du sucre (tout cela venait des valises des transports de nouveaux arrivants et dont quelques sacs, quelques valises venaient à la cuisine), et surtout pour le voir, le réconforter, mais ce n’était pas la peine d’essayer de lui cacher la vérité, il la connaissait, il avait un moral de fer. Mon pauvre camarade était atteint mortellement des poumons. A chaque fois que je venais, il me faisait voir ses radios, car à Auschwitz les S.S. faisaient des essais de pneumo, de greffage, etc., et me disait en me désignant du doigt sur la photo le bas du poumon : «Tu vois cette tache, elle couvre presque la moitié de mon poumon». Et prenant une autre épreuve plus récente : «sur celle-ci mon poumon gauche est totalement perdu, il m’en reste encore un, mais il sera vite entamé lui aussi et ma foi… on n’enparlera plus.». Ce garçon me démontait littéralement par son courage que j’admirais».
Atteint de tuberculose, Raymond Langlois meurt le 11 novembre 1943 selon le témoignage de Georges Brumm.  La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 juillet 1993 paru au Journal Officiel N° 190 du 18 août 1993). Cet arrêté porte
«décédé le 15 décembre 1943 à Auschwitz».

Une plaque, apposée sur son domicile et lieu de naissance à Noisy-le-Sec, commémore son souvenir. Son nom est également honoré sur la
stèle commémorative entre la mairie et l’église St Etienne, ainsi que sur la plaque commémorative dédiée aux déportés (monument aux morts).
Son père, César Langlois, est mort à Noisy le 19 juillet 1945.

Sources

  • Courriels de Claude Delesque, fils de Rolland Delesque, résistant de Noisy-le-Sec, compagnon de Raymond Langlois.
  • M. Roger Gouhier, député-Maire de Noisy-le-Sec (octobre 1990) qui cite le témoignage de Madame Louise Welscher de Noisy-le-Sec).
  • Extrait d’acte de naissance.
  • Archives en ligne se Seine-Saint-Denis, recensement de 1936.
  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Liste du 22 mai 1941 transfert vers Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42, et Val de Fontenay).
  • «Cahiers de mémoire : Déportés du Calvados », 1995. Extraits du Cahier rédigé à partir de 1957-1958 par Marcel Cimier (page 99). Ouvrage publié par le Conseil général du Calvados (direction des archives départementales).
  • César Langlois : Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français,Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom
    édition 1997.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Dessin de Franz Reisz (l’attente au Revier) in «Témoignages sur Auschwitz », Publication de l’Amicale d’Auschwitz 1947. Original au Musée dEtat
    d’Auschwitz-Birkenau. © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»

Notice biographique mise à jour en 2013, 2019 et 2022 à partir de la notice succincte que j’avais préparée à l’occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi et publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour
Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»
, éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et
coordonnées du  blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous
pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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