A Compiègne, la solidarité avec les Juifs du camp C 

Une baraque de Royallieu

Extrait de « Triangles rouges à Auschwitz » p. 94-95

La solidarité (lire La solidarité au camp allemand de Compiègne) ne s'applique pas uniquement aux internés du "camp des politiques". Elle s'exerce aussi en direction des mille Juifs arrivés dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941, comme le raconte Jean-Jacques Bernard qui se trouve parmi eux.

« Les communistes et les Russes (…) furent, les premiers jours, chargés de notre subsistance et marquèrent à notre égard, les uns comme les autres, des sentiments inoubliables. S’il y eut, les premiers temps du moins, des
adoucissements à notre sort, c’est à eux que nous les dûmes. Notre ordinaire se composait d’une soupe à midi et nous touchions le soir un quart de boule de pain avec un petit morceau de margarine.(…) Nous eûmes le premier jour cette
surprise agréable qui se prolongea une partie de la première semaine. Bien mieux, les communistes, ayant touché suffisamment de légumes, proposèrent de nous envoyer une seconde soupe le soir, comme pour eux-mêmes.
Je dois dire que le commandant du camp ne se montra pas inhumain et donna son consentement. Trois jours de suite, nous bénéficiâmes de cette soupe supplémentaire. Puis nous apprîmes qu’elle est supprimée. La Kommandantur de Compiègne, mise au courant, avait interdit cet adoucissement.
On entoura notre camp de barbelés. Interdiction de pénétrer chez les « politiques » et aux « politiques » de pénétrer chez nous, sauf nécessités de service indispensables. Ces nécessités se firent de plus en plus rares. Notre camp fut transformé peu à peu en camp autonome pour les corvées, pour la cuisine, pour l’infirmerie. (…). Nous perdîmes beaucoup au change
».

« Jean Jacques Bernard, dramaturge, fils de Tristan Bernard, a subi une terrible captivité dans le camp allemand de Compiègne, où la famine et le froid ont entraîné la mort de dizaines d’internés juifs. Quant à son petit-fils François-René, il n’est pas revenu du camp de Mauthausen où il a été assassiné par les nazis. Jean-Jacques Bernard a été libéré avec quelques autres internés de Compiègne en mars 1942 à l’article de la mort (préface du livre «Le Camp de la mort lente, Compiègne 1941-1942″.

La situation déplorable du camp Juif inquiète Georges Cogniot : «L’état d’esprit n’y est pas bon ; un climat de peur et de désespoir tendait à y prévaloir (…). Nous fîmes passer quelques vivres, des encouragements, des informations, des témoignages de solidarité. (…) Quand vint le jour de Carnaval, nous organisâmes une grande mascarade, mais, comme par hasard, nous nous arrangeâmes pour qu’elle se déroule au fond de la cour, sous les fenêtres du camp juif. Les détenus de ce camp, d’abord surpris, goûtèrent fort le divertissement ; ils se pressaient aux fenêtres et applaudissaient. Quant aux Allemands, ils mirent une heure avant de s’apercevoir que nous nous jouions d’eux et que nous tournions en dérision l’interdiction d’avoir des rapports avec les Juifs ; quand ils intervinrent pour nous disperser, la fête est finie».

départ du premier convoi de Compiègne

Ce défilé est décrit par Maurice Foubert à la date du dimanche 15 mars 1942.

Douze jours plus tard, la quasi-totalité des internés juifs est déportée à Auschwitz (ci contre le départ du premier convoi de Compiègne à destination d’Auschwitz).

Sources

  • Jean-Jacques Bernard «Le Camp de la mort lente, Compiègne 1941-1942», Paris, Albin Michel, 1945, 249 p. – (préfacé, annoté et proposé par Serge Klarsfeld).
  • Cogniot Georges, «Parti pris», Paris Ed. Sociales, 1976.
  • Photo d’une baraque du Mémorial de Compiègne. Pierre Cardon
  • Photo du départ du premier convoi de Compiègne. Mémorial de la Shoah

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