Georges Renaud à Auschwitz

Matricule « 46 048 » à Auschwitz

Georges Renaud : né en 1904 à Boulogne-Billancourt (Seine) ; domicilié à Montrouge (Seine) ; ajusteur, puis représentant de commerce ; communiste ; arrêté le 2 juin 1940, interné à l'île d'Yeu, puis à Riom ; évadé, arrêté le 7 novembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt , de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 27 août 1942.

Georges Renaud est né le 13 octobre 1904 à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine).
Il habite au 155, ou 165, avenue de la République à Montrouge (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est né au domicile de ses parents, au 42, rue du Vieux pont de Sèvres à Boulogne Billancourt.
Il est le fils d’Edwige, Angélique Ignolin, 23 ans, journalière et d’Eugène, Georges Renaud, 27 ans, cocher-livreur, son époux. En 1911, la famille a quitté le 42, rue du vieux pont de Sèvres.
Ses parent divorcent le 5 février 1925.
Domicilié au 60 avenue Falguière, à Paris 15è, Georges Renaud épouse Simone Fontaine le 28 mai 1927 à Paris 15è. Comptable, Elle a18 ans, née à Paris Paris 6è le 4 novembre 1908. Elle est domiciliée chez ses parents au 15, rue Cauchy, dont la mère de Georges Renaud est concierge. Elle réside au 29 rue du Maine.
Il travaille comme ajusteur chez Messier Automobiles, au 29, avenue Gambetta à Montrouge, puis à La Société Française des Matériels d’Aviation (SFMA), co-fondée par Messier en 1928. Le site de Montrouge (57 et 58, rue Fénelon) est consacré à la construction des trains d’atterrissage des avions.
Georges Renaud est trésorier de la section du Parti communiste de Montrouge. En 1936, il s’inscrit sur les listes électorales de Montrouge, domicilié au 12, avenue de Verdun. Il est voyageur de commerce chez Tissier, son épouse y travaillant comme aide-comptable.

Il est arrêté à deux reprises en 1940 avant l’Occupation allemande. Le 2 juin 1940 le préfet de police de Paris, Roger Langeron signe un arrêté d’internement administratif (1) le concernant ainsi motivé : « il a mené parmi ses camarades de travail une insidieuse propagande en faveur des mots d’ordre clandestins de l’Internationale communiste » selon la formule policière type des infractions au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute). Georges Renaud est conduit le 6 juin au fort de la Pierre Levée à l’île d’Yeu sans connaître les motifs de son arrestation et de son internement. Il y rejoint les 281 internés politiques transférés du camp de Baillet depuis le 30 avril. Parmi eux, Charles Fourmentin, qui sera lui aussi déporté à Auschwitz.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

L’île d’Yeu est occupée par les soldats allemands le 4 juillet 1940. Georges Renaud et 264 de ses camarades sont alors conduits le 17 août 1940 sous haute surveillance au camp d’internement de Riom-ès-Montagnes (Cantal) en zone non occupée.
Le 14 septembre il s’évade du camp pour revenir auprès de son épouse, très malade.

Il est arrêté à nouveau le 7 novembre 1940, pour « activités communistes », toujours en application du décret du 26 septembre 1939. Il est incarcéré à la Santé, puis à Fresnes le 30 décembre 1940. Condamné à 4 mois de prison, il n’est pas libéré à l’expiration de sa peine.
Il est interné administratif (1) sur arrêté du préfet de police de Paris, Roger Langeron. Le 17 janvier 1941, il est transféré au camp de «Séjour surveillé» d’Aincourt, en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.

Relevé des internés venus d’Aincourt le 6 septembre 1941 /

Le 6 septembre 1941, Georges Renaud est parmi les 150 détenus d’Aincourt transférés au camp de Rouillé pour l’ouverture de celui-ci (2).

Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Georges Renaud (n°154 de la liste) y figure. C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 22 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Renaud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le 8 juillet 1942

Georges Renaud est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 048» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sur cette photo, il semble avoir l’œil droit tuméfié.
Plusieurs rescapés ont en effet témoigné avoir été brutalisés dans les heures précédant l’immatriculation, notamment lors du passage à la désinfection. « Ils reprennent ensuite la file devant le block 26 pour la désinfection. Ils entrent par dix dans une petite salle. « Il y avait une baignoire, une table et un SS de près de 2 mètres. (…) Il me montra la table. Ne connaissant pas l’allemand, je ne compris pas ce qu’il voulait. Quand il m’eut indiqué deux ou trois fois le bout de la table, je m’assis dessus. Il entra dans une rage folle et, d’un coup de poing, il m’obligea à plonger dans la baignoire. Il voulait tout simplement que je mette sur la table la ceinture et le mouchoir qu’ils nous avaient laissés pour tout vêtement » (Louis Eudier). « Après cette baignade forcée, nous étions projetés, toujours à coups de poing, dans une salle voisine, où il y avait des douches chaudes ou plutôt bouillantes, sous lesquelles il était impossible de rester. Plus loin, nous recevions de l’eau glacée » (René Maquenhen).

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (4) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

L’entrée du camp d’Auschwitz I

Georges Renaud meurt le 27 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz, tome 32, page 1002).

Ses camarades Raymond Saint-Lary et Georges Brumm ont témoigné de son décès à Auschwitz à leur retour de déportation.

Son nom est honoré sur le monument
aux morts de 1939-1945 dans le cimetière ancien de Rueil-Malmaison.

Il est également inscrit sur la plaque commémorative, dans le cimetière communal de Chatillon : « L’Arsenal de l’aéronautique à ses morts de la guerre 1939-1945 » (relevé et photo © Claude Richard).

  • Note 1 : Le décret du 18 novembre 1939 donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un « centre de séjour
    surveillé », des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique. Classée «secret», la circulaire n° 12 du 14 décembre 1939, signée Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fixe les conditions d’application du décret du 18 novembre 1939 qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des «individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique». Lire l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939 
  • Note 2 : Le camp français d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «Centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Le camp a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance
    intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Témoignages de Raymond Saint-Lary et de Georges Brumm.
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42 N° 154.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (1992).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande”.
  • Archives en ligne de Boulogne-Billancourt, état civil et recensement de population.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *