Liste de scellés saisis chez Marcel Lesturgie
Marcel Lesturgie : né en 1906 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Paris 14ème ; cantonnier SNCF ; communiste ; arrêté le 7 mars 1941, condamné à 8 mois de prison (Santé, Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Marcel Lesturgie est né le 24 novembre 1906 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle).  Au moment de son arrestation, il habite au 39, rue de Gergovie à Paris 14ème (1).
Il est le fils de Marie, Rose, Antoine, née en 1895 en Meurthe-et-Moselle, journalière chez Picard à Lunéville et de Henri, Marie Lesturgie, né en 1874 à Montdidier, Meurthe-et-Moselle, journalier chez Fourges, son époux.
Il effectue son service militaire de novembre 1926 (centre recruteur de Limoges, matricule 2443), jusqu’au mois de mars 1928 (la Loi du 31 mars 1928 porte la durée du service militaire de 18 mois à un an).

Gare Glacière-Gentilly ( petite ceinture)

Venu à Paris, Marcel Lesturgie est cantonnier aux Chemins de Fer du Nord, à la gare de marchandises  de «La Glacière-Gentilly», une gare de l’ancienne Petite-ceinture située dans le 13ème arrondissement.
En 1934, dans le cadre du réaménagement des enceintes fortifiées de Paris, il obtient, la cessibilité d’une parcelle de 1035 m2, située sur le « glacis des fortifications »  entre l’avenue Carnot et le Chemin de fer au lieu-dit « la porte de la Vallées » (arrêté préfectoral publié au JO du 4 février 1934).
Son père obtient la même cessibilité pour une parcelle de 280 m2 à la Porte de Brancion et habite au 216, avenue de la Porte de Brancion.

En 1936 Marcel Lesturgie est marié avec Joséphine (2). Le couple habite alors au 39, rue de Gergovie à Paris 14ème . Il adhère au Parti communiste en 1936 et est membre de la cellule « 1460 » du 14ème arrondissement jusqu’à la dissolution des organisations communistes le 26 septembre 1939. Il est trésorier de sa cellule et « responsable à la littérature » (chargé de la bibliothèque de sa cellule). Lors de la mobilisation générale de 1939, il est « Affecté spécial » sur son poste de travail au titre de la SNCF.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Début novembre 1940, il reçoit un mot de Lucien Monjauvis, ancien conseiller municipal du 13ème arrondissement par l’intermédiaire d’un ancien camarade. Il s’agit de reprendre une activité militante. Il accepte. Marcel Lesturgie sert à quatre reprises « d’intermédiaire dans les 13ème et 14ème arrondissements pour la transmission entre militants communistes de matériel destiné à la confection de tracts clandestins… » (BS1).

A partir de décembre 1940 (selon le PV d’interrogatoire de mars 1941), il participe à l’activité clandestine et transporte à vélo des paquets de papiers destinés à l’impression de tracts clandestins. Ces paquets de 500 à 1500 feuilles lui sont remis lors de rendez-vous au coin de la rue de Tolbiac et de la rue Baudricourt, où il attend son fournisseur sur son vélo. Il remet ensuite ces tracts derrière la mairie du 13ème, à un autre militant, porteur d’un signe de reconnaissance (par exemple une main bandée). Cependant, la recrudescence d’inscriptions à la craie, de collage de papillons gommés et de
diffusion de tracts dans les 13ème et 14èmearrondissements alerte les services de la Préfecturede police. Des enquêtes et filatures sont effectuées dans les milieux communistes par des inspecteurs de la BS. Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

La une de l’Humanité clandestine du 14 février 41
Procès verbal d’interpellation et de « visite domiciliaire ».

Marcel Lesturgie est arrêté le 7 mars 1941, pour « propagande communiste ».  A son domicile, situé au rez-de-chaussée  au fond de la cour du 39, rue de Gergovie, les inspecteurs de la BS saisissent dans différents meubles 31 stencils vierges, 4 feuilles de papier carbone, deux paquets de 500 feuilles et de 1000 feuilles de papier duplicateur qu’il n’a pu remettre à destination, n’ayant trouvé personne rue Gassendi où il devait remettre son paquet. Ils trouvent également un exemplaire imprimé de décembre 1940 « La Tribune des cheminots », une brochure ronéotypée « Instructions aux militants », une feuille portant au crayon des instructions pour l’impression d’un tract ; un numéro de L’Humanité du 14 février 1941 avec la mention 1000 qui devait correspondre au tirage prévu.
Marcel Lesturgie est inculpé par le commissaire principal des BS d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste) : il est conduit au Dépôt et mis à la disposition du procureur. La police transmet à celui-ci quatre procès-verbaux et cinq scellés.

Le 10 mars 1941, Marcel Lesturgie est condamné par la 12ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine à 8 mois de prison.
Transféré depuis la Maison d’arrêt de la Santé, il est écroué le 17 avril 1941 à la Maison d’arrêt de Fresnes.

Le camp de Rouillé © VRID

En octobre 1941, à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son internement administratif, le 23 octobre 1941, en application de la Loi du 3 septembre 1940. Marcel Lesturgie est interné au CSS de Rouillé (1).
Il est transféré à Rouillé le 10 novembre, avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens.

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne  (le Frontstalag 122).
Le nom de Marcel Lesturgie (n° 111 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Lesturgie est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45788 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

On ignore la date exacte de décès de Marcel Lesturgie à Auschwitz.
En s’appuyant sur l’attestation de deux de ses compagnons de déportation, le Ministère des anciens combattants a fixé son décès au 15 septembre 1942.
Marcel Lesturgie est déclaré « Mort pour la France » et il est homologué comme « Déporté politique ».
Un arrêté ministériel du 10 novembre 1994, paru au Journal Officiel du 11 janvier 1995, décide l’apposition de la mention «Mort en déportation en septembre 1942 à Auschwitz » sur les jugements déclaratifs ou actes de décès de Marcel Lesturgie.

Le 39, rue de Gergovie
  • Note 1 : Contrairement à ce que m’indiquait en 1989 la Mairie d’arrondissement, l’immeuble n’a pas été détruit.
  • Note 2 : l’état civil de Lunéville n’étant pas consultable en ligne, nous n’avons pas connaissance de la date du mariage, ni du nom de la mariée.
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940.
    D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles.
    (In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé).

Sources

  • Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès verbaux des interrogatoires.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Rouillé, liste des transferts du 10 novembre 1941. Archives de la police / C-331-24.
  • Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942.
  • Liste de « noms de camarades du camp de Compiègne », collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (BAVCC).
  • Témoignages de Mme A. Ponty et André Deslandes.
  • Mairie du 14ème : 5 mars 1992, témoignage d’André Deslandes.
  • Revue d’Histoire du 14ème arrondissement de Paris, n° 29 (1984-85).
  • Revue d’Histoire du 14ème, N°29, p.71, R. Cottard, février 1989.
  • Photo plaque SNCF, © Association de sauvegarde de la petite ceinture.
  • « L’Humanité clandestine« . Collection Claudine Cardon-Hamet, co-auteure.
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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