Matricule « 45.260 » à Auschwitz

Henri Bockel chez Gnôme et Rhône
Henri Bockel le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Henri Bockel : né en 1920 à Paris 12è ;  domicilié à Arcueil (Seine / Val-de-Marne) ; ajusteur, perceur ; jeune communiste ; arrêté le 3 décembre 1940, condamné à 10 mois de prison avec sursis, libéré fin janvier 1941 ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Henri Bockel est né le 2 novembre 1920 à Paris (12è). Il habite au 12 rue Marcel Sembat à L’Haÿ les Roses lors de sa première arrestation, puis au 16, rue Blanche à Arcueil (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie-Joséphine Duss, née le 28 février 1882 à Westhalten (Haut-Rhin) et d’Eugène Bockel, né le 22 septembre 1885 à Zellwiller (Bas-Rhin), ébéniste.
Ses parents se sont mariés le 18 août 1911 à Buhl, Haut-Rhin. Il a un frère  aîné, Fernand, né en 1914 (il décède en 1939).

« Il travaille du 9 octobre 1935 au 22 janvier 1936 comme « petite main ajusteur » à la Société des avions Hanriot (1 route d’Orléans à Arcueil), qu’il quitte par manque de travail. Il est réembauché par la même entreprise du 23 mars 1936 au 13 janvier 1937. L’entreprise Hanriot ayant été nationalisée en 1936, est absorbée par la Société Nationale des constructions Aéronautiques du Centre (SNCAC) située 167, rue de Silly à Billancourt. Henri Bockel y travaille comme ajusteur du 13 janvier 1937 au 24 août 1940, date de la fermeture de l’usine« . (in « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot, page 73. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA).
Henri Bockel est membre des Jeunesses communistes.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Registre journalier de la Brigade spéciale des RG. 6 décembre 1940

Le mardi 3 décembre 1940, Henri Bockel est arrêté une première fois pour « activité communiste » (distribution de tracts sur la commune de Gentilly, avec un groupe d’autres
jeunes communistes d’Arcueil, Cachan et l’Häy-les-Roses(Lucien G., Roger Jardin (1) et Paul Watel, fils d’Albert Watel, ainsi que Jean Paupy et Robert
Prunier
 déportés à Auschwitz avec lui et Albert Watel père).

Cette arrestation est opérée par la Brigade spéciale des RG et des agents du commissariat de Gentilly.
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

l’Humanité clandestine du 26 sept. 1940

Lors de la perquisition à son domicile, les inspecteurs saisissent un nombre important de « papillons » et des exemplaires de l’Humanité clandestine du 26 septembre 1940 (un tract recto-verso, seul tirage du mois).
Le 4 décembre Henri Bockel est inculpé avec ses camarades d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste).
Henri Bockel est conduit le 5 décembre au Dépôt de la maison d’arrêt de la Santé, mis à la disposition du Procureur.
Le 25 janvier 1941, la chambre des mineurs du tribunal correctionnel de la Seine (15è chambre) le condamne à dix mois d’emprisonnement avec sursis, comme ses camarades.
Il est transféré au dépôt de la Préfecture de la Seine le 26 janvier 1941. Il est alors libéré (2), alors que ses camarades sont internés administrativement.

Henri Bockel épouse Georgette, Pauline Hochard le 8 novembre 1941
, à Gentilly (Seine-et-Oise / Val-de-Marne). Elle est née le 10 mars 1920 à Thomery (Seine-et-Marne), et travaille comme orthopédiste. Le couple a une personne à sa charge (fiche au DAVCC). Il retrouve du travail.
« Il travaille dans la société DF à Gentilly du 24 novembre au 8 avril 1942. Le lendemain, il est embauché par la Société des Moteurs Gnôme et Rhône (SMGR) en qualité de perceur. Il est porté « sorti » le 27 avril avec la mention « absence prolongée. En fait Henri Bockel fait partie depuis janvier 1942 du groupe Andréoli des FTPF » (in « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » p. 73).

Henri Bockel est de nouveau arrêté, mais comme otage communiste, le 28 avril 1942, par la police allemande aidée de la police française. Ce jour-là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).

Henri Bockel est interné le jour même au camp de détention allemand de Royallieu, à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122.
Depuis ce camp administré et gardé par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Bockel  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Henri Bockel est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 260» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Henri Bockel meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 108).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates.
D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste « sélection » interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives 
Il est déclaré « Mort pour la France » le 20 septembre 1947 et homologué comme « Déporté politique ». Le nom d’Henri Bockel est honoré sur la stèle des déportés, en « hommage aux victimes de la Seconde guerre mondiale (1939-1945) » d’Arcueil.

  • Note 1 : Roger Jardin est né le 30 avril 1923 à Paris 6ème. Il habite chez sa mère au 37 sentier des Frettes, à L’Haÿ-les-Roses. Jeune communiste arrêté en même temps que Jean Paupy et Robert Prunier, il est déporté le 6 avril 1944 depuis Compiègne au camp de Mauthausen (matricule n° 62584). Affecté au Kommando de Gusen, il est conduit le 4 janvier 1945 au château d’Hartheim près de Linz, centre d’extermination par le gaz (in Livre-Mémorial de la FMD).
  • Note 2. Plusieurs futurs déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942, ont également bénéficié d’un sursis en raison de leur jeune âge et ont été libérés (Roger Mercier, Georges Marin, Roger Chopin) après leur condamnation. Ils ont tous ensuite été raflés le 28 avril 1942. Mais d’autres jeunes ayant également bénéficié d’un sursis ont été aussitôt internés administrativement à l’issue du jugement (Marcel Algret, Jean Paupy, Robert Prunier).
  • Note 3 : 5522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
  • Note 4 : 122 «45.000» sont identifiés le 30 avril 1948 par les rescapés et familles des déportés du convoi, à partir des photos d’immatriculation de 522 de leurs camarades reçues de Pologne (Le Patriote Résistant N°20).

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre.
  • Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
  • « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot, 2018. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA.
  • Photo du service du personnel de Gnôme et Rhône / Archives Safran Aircraft Engines.

Notice biographique mise à jour en 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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