Matricule « 45 558 » à Auschwitz

Emile Fressineau le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Emile Fressineau : né en 1922 à Chauvigny-St Martial (Vienne) ; domicilié à Paris 4ème ; employé de bureau ; jeune communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné à Aincourt, Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Emile Fressineau est né le 6 avril 1922 à Chauvigny-St Martial (Vienne). Il habite dans le quartier Saint-Merri, chez ses parents au 19, rue du Temple à Paris 4ème (juste en face du n°18 où habite Hippolyte Perrau, militant communiste du 4ème qui sera déporté dans le même convoi que lui).
Il est le fils d’Augustine Bernard née en 1895 dans la Vienne, et d’Emile Fressineau, né le 20 avril 1895 à Chauvigny (Vienne), menuisier, ébéniste,  son époux.
Il a un frère aîné, Fernand, né en 1920, dans la Vienne. En 1936, son père travaille comme ébéniste chez Gudefin, dans l’arrondissement.
Emile Fressineau est célibataire, employé de bureau.
Il est membre des Jeunesses communistes. Conscrit de la classe 1942, il n’est pas mobilisable. à la déclaration de guerre de septembre 1939. La mention portée sur le motif de son incarcération en octobre 1940 « animateur du comité de jeunes chômeurs du 4ème », permet de penser qu’il s’est retrouvé au chômage en 1939-1940.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscriptions communistes dans Paris, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.

Emile Fressineau est arrêté à Paris le 26 octobre 1940. Ce même jour, le préfet de police de Paris, François Bard, signe l’arrêté ordonnant son internement administratif (1) avec celui de 37 autres militants du département de la Seine. Le jour même, il est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt. Lire dans le site  Le camp d’Aincourt .

Motifs de l’internement à Aincourt (RG).

Sur les listes de militants communistes internés à Aincourt reçue par le commissaire de police Andrey, directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7).
Pour Emile Fressineau on lit : « 18 ans, communiste actif, animateur du comité des jeunes chômeurs du 4ème arrondissement« .
A Aincourt les visites sont interdites, sauf dérogation : le 29 mars, Emile Fressineau écrit – comme beaucoup d’internés – au Préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier pour solliciter un droit de visite pour sa famille qu’il n’a pas revu depuis son arrestation, soulignant qu’il va avoir 19 ans le 6 avril
prochain. Son père a fait la même demande en début de mois. Le commissaire Audrey ne transmet sa demande que 20 jours après son anniversaire !

Le 5 mai 1942 un groupe de 141 détenus – dont fait partie Emile Fressineau – est transférés au « Centre de Séjour Surveillé » CSS de Voves (Eure-et-Loir). Il y est enregistré sous le matricule n° 401, mais n’y restera que cinq jours.
En effet, dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France.

Liste du camp de Voves

Emile Fressineau figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes « pris en charge par l’armée d’occupation ». « La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves ». Il poursuit « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces  derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». le directeur indique également « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ».

Avec ses 80 co-internés, Emile Fressineau arrive au camp allemand de Compiègne, le Frontslalag 122. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Emile Fressineau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Emile Fressineau est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45420».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés du convoi en 1948 (1).

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès. Entré au « Revier » (l’infirmerie) le 24 novembre 1942, il est encore mentionné parmi les malades présents le 17 décembre 1942 à l’infirmerie d’Auschwitz.

Un arrêté ministériel du 7 août 2009 paru au Journal Officiel du 28 août 2009 porte apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur les actes et jugements déclaratifs de décès d’Emile Fressineau. Cet arrêté corrige le précédent qui indiquait « mort le 4 juillet 1942 à Compiègne » et mentionne une date fictive : « décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz », soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz.

Son nom est inscrit dans la « Database » des déportés de la Vienne du site Internet Memorial GenWeb (avec référence au site de la FMD).
Emile Fressineau (GR 16 P 234979) est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des
mouvements de Résistance.
Des démarches ont été entreprises à la Libération auprès du ministère des ACVG par Madame Emilienne Fressineau, de Brunoy.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • CSS d’Aincourt, @ Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux.
  • La photographie d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés lors de la réunion organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /©collection André Montagne.
  • Décédés du convoi de Compiègne en date du 6/7/1942. Classeur Ausch. 1/19,liste N°3 (Division des archives des victimes des conflits contemporains, DAVCC, Ministère de la Défense, Caen).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *