7 avril 1941, internement administratif
Edouard Hoyer : né en 1893 à Paris 19ème ; domicilié à Paris 20ème ; plombier-zingueur ; communiste ; arrêté le 4 octobre 1940 ; condamné à 8 mois de prison (Fresnes) ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.

Edouard, André, Hoyer est né le 21 décembre 1893 à Paris (19ème) au domicile de ses parents, 9 impasse du Puits.
Il habite au 45, rue des Amandiers à Paris 20ème au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Rosalie Bichot, 22 ans, blanchisseuse et d’Etienne Hoyer, 27 ans, boutonnier son époux. Ses parents divorcent en janvier 1910.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux blonds, les yeux gris clairs, le front moyen, le nez petit, le visage rond. Au moment de l’établissement de sa fiche, il est mentionné qu’il a
été garçon grainetier, puis plombier zingueur.
Au moment du conseil de révision, il habite au 15, impasse du Puits (domicile indiqué comme étant celui des parents), donnant dans la rue Rébeval à Paris 19ème. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée).
Edouard Hoyer, conscrit de la classe 1913, est appelé au service militaire le 30 novembre 1913 et arrive au 5ème Bataillon d’Infanterie légère d’Afrique (BILA) ou Bat’d’Af’, stationné à Gabès (Tunisie), le 3 décembre 1913. Il doit cette affectation dans un des BILA – créés pour surveiller les jeunes hommes déjà condamnés dans le civil ou les militaires sanctionnés dans des compagnies disciplinaires – à une condamnation à un an de prison prononcée le 3 février 1913. Il effectue ses « classes » pendant six mois à Gabès (de décembre 1913 au 15 juin 1914), puis il est transféré au Maroc Occidental du 16 juin au 1er août 1914 au 3ème Bataillon d’Infanterie légère d’Afrique. Après l’ordre de mobilisation générale du 1er août 1914 il est mobilisé sur place du 2 août 1914 au 21 août 1919, stationné à Marrakech.

Médaille agrafe Maroc

En 1914, il obtient la « Médaille agrafe Maroc » récompensant « les services militaires résultant de la participation à des opérations de guerre dans une colonie ou un pays de protectorat ».  Il est envoyé en congé de démobilisation le 21 août 1919 et démobilisé le 6 septembre 1919 à Saint-Denis. Il habite à cette date au 15, impasse du Puits à Paris 19ème.

Il épouse Henriette Bernard le 23 décembre 1920 à Paris 19ème.
Elle est née le 22 octobre 1892 à Paris 11e (elle est décédée  le 2 mars 1976). Edouard Hoyer travaille alors comme ouvrier du Bâtiment (il est couvreur, plombier).
En 1925, il a déménagé dans le 20ème au 18 rue Denoyez. En 1934, il habite Coubron (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis) au 160 avenue du Contrat. En mars 1937, il est revenu à Paris et habite au 45, rue des Amandiers dans le 20ème. Il est inscrit sur les listes électorales de cet arrondissement cette même année.
Il est membre du Parti communiste. Si l’on en croit l‘Oeuvre (cf coupure de presse de décembre 1940, citée ci-après) il est arrêté le 26 décembre 1939 avec Louis Thorez et Lucien Roger, pour distribution de tracts communistes.  Mais  il s’agit d’une « erreur » du journal collaborationniste l’Œuvre en décembre 1940, car la seule date d’arrestation qui figure dans son dossier au DAVCC est celle du 4 octobre 1940.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Louis Thorez, Edouard Hoyer et Lucien Roger condamnés à 8 mois sans sursis in L’Œuvre du 11/12/1940

Considéré par la Police comme un « meneur communiste », Edouard Hoyer est arrêté le 4 octobre 1940, à son domicile, par la police française, pour activité communiste. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute), Il est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé le 7 octobre. Il est condamné à 8 mois de prison et écroué à Fresnes le 14 novembre.

 En page 3 du journal collaborationniste, l’Œuvre », on lit : Trois communistes dont Louis Thorez condamnés : la deuxième Chambre correctionnelle a jugé Louis Thorez, frère de Maurice Thorez, l’ancien secrétaire général du parti communiste, Edouard Hoyer et Lucien Roger, tous trois arrêtés le 26 décembre 1939, pour distribution de tracts communistes. Tous trois ont été condamnés à huit mois de prison sans sursis.
Dans la notice biographique de Louis Thorez que lui consacre le Maitron, on lit « Le 9 octobre 1940, il fut arrêté avec quatre autres militants du quartier des Amandiers pour distribution de tracts du Parti communiste« . Ce qui confirme bien que les dates de l’article de l’Oeuvre sont erronées.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, Edouard Houyer est renvoyé au Dépôt de la Maison d’arrêt de la Santé.

7 avril 1941, internement administratif d’Edouard Hoyer

Le préfet de police de Paris, Camille Marchand, ordonne son internement administratif le 7 avril 1941 en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1).
Le 21 avril 1941, Edouard Hoyer est interné administrativement (dossier n° 16.477) – avec un groupe d’autres militants – au CSS d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes du département de la Seine. Lire dans le site Le camp d’Aincourt.

Liste des renseignements généraux : mention concernant Edouard Hoyer

Sur la liste des militants communistes internés le 21 avril 1941 reçue des Renseignement généraux par le commissaire Andrey, directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Edouard Hoyer on lit :«meneur communiste. A été condamné à 8 mois de prison pour infraction au décret du 26.9.39 ».
Le 6 septembre 1941, il est transféré avec 148 autres internés du camp d’Aincourt au CIA de Rouillé (2). Le 14 octobre, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui d’Edouard Hoyer. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre 1941. Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎
Pour Edouard Hoyer, la fiche comportant les motifs de l’internement est  rigoureusement identique à celle envoyée par les RG à Aincourt.

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp
allemand de Compiègne.
Le nom d’Edouard Hoyer y figure (n° 102 de la liste) et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il arrive au
camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Edouard Hoyer  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45670 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible (âge, forme du visage, front), ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la
persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Dessin de Franz Reisz

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Edouard Hoyer meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 477 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Un arrêté ministériel du 4 novembre 1992 paru au Journal Officiel du 24 décembre 1992 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès d’Edouard Hoyer. Il indique la date de décès de l’état civil d’Auschwitz, qui figure sur son acte de naissance dès le 12 décembre 1946.

  • Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • © Archives en ligne de Paris
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. Dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et desHumanités.
  • Camp de Rouillé : Archives départementales de la Vienne (109W75)
  • Liste des militants communistes internés administrativement au CSS de Rouillé le 10 novembre 1941. Archives de la police /C – 331 – 24.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires de la Seine.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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