Matricule « 46 002 » à Auschwitz

Jean Porte le 8 juillet 1942 (photo retouchée)
Jean Porte : né en 1901 à Saint-Etienne (Loire) ; domicilié à Paris 18ème ; arrêté comme droit commun en avril 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 août 1942.

Jean Porte est né le 4 mai 1901 à Saint-Etienne (Loire). Il est domicilié au 5, rue Pajol dans le 18ème arrondissement de Paris au moment de son arrestation, ou dans le 10ème (1).
Il est le fils d’Antoinette Thibaud, 44 ans et de Pierre Porte, 46 ans sont époux. Ses parents sont tous les deux passementiers (la passementerie stéphanoise est renommée à cette époque : on dénombre au moins 300 ateliers en 1900 à Saint-Etienne).
Jean Porte habite au 18, rue du Vernay, à Saint-Étienne avant 1921. Conscrit de la classe 1921, il est appelé au service militaire le 5 octobre 1921. Mais il purge à cette date une peine de prison de deux ans pour vol qualifié. A sa sortie de prison, le 1èr décembre 1922, il est envoyé sous escorte policière au 5ème régiment d’infanterie légère d’Afrique (les « bat’s d’Af‘ ») à Gabès (Tunisie).
Il est libéré de ses obligations militaires le 24 décembre 1924 (certificat de bonne conduite « refusé »). Il vient habiter au 12, rue du Moret à Saint Etienne.
On ignore quelle est sa profession (le registre matricule militaire met un point d’interrogation à cette rubrique). On sait seulement qu’il subit trois condamnations (de deux à trois mois) pour « vol et port d’arme prohibée » entre 1926 et 1930.
Le 11 octobre 1930, il épouse à Saint-Etienne Marguerite, Augustine Placé. Le 17 février 1933, Il est condamné par la cour d’assise de la Loire à quatre ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction de séjour pour « meurtres avec excuse de la provocation ».
En 1937, il est « monté à Paris ». Il est à nouveau condamné le 4 février 1938 par la 14ème chambre correctionnelle de la Seine à trois mois de prison pour « violences à particuliers et à agents, et infraction à une interdiction de séjour commises le 26 décembre précédent ». Il récidive à nouveau et le 27 décembre 1938, il est condamné par la 11ème chambre correctionnelle de la Seine à quatre mois de prison pour port d’arme prohibée, bris de clôture et infraction à une interdiction  de séjour ».
Après le décret de mobilisation générale, il est mobilisé le 7 septembre 1939 au centre mobilisateur d’infanterie n° 132 et affecté au dépôt
d’infanterie n° 172 bis, stationné au camp militaire de Livron à Caylus (Tarn-et-Garonne) et  destiné à former des bataillons d’infanterie légère
(13ème) composés d’ex droits-communs ayant purgé leur peine. Le 22 septembre, la commission de réforme le classe « service auxiliaire »
pour des problèmes moteurs.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Jean Porte est arrêté en avril 1942, il est interné à Fresnes (ou au camp des Tourelles). Le 5 mai 1942 il fait partie d’un groupe de 35 communistes qui rejoignent à la gare du Nord la trentaine d’internés administratifs de la police judiciaire (classés comme « indésirables »(1)), extraits de Centre de séjour surveillé  des Tourelles. Ils sont tous mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le jour même, en tant qu’otages.
A Compiègne Jean Porte reçoit le matricule « 5172 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jean Porte  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Jean Porte est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46002» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Jean Porte meurt à Auschwitz le 18 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 959 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il convient de souligner que vingt-six autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 17 et 18 août (c’est le début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes « sélections » et du transfert du
camp des femmes). Lire « 80 % des 45000 meurent dans les 6 premiers mois », pages 126 à 129 in Triangles rouges à Auschwitz.

L’arrêté du 19 septembre 2012 paru au Journal Officiel du 16 novembre 2012 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Jean Porte corrige la date et le lieu erronés inscrits à la Libération «  Décédé le 19 août à Auschwitz (Pologne) et
non à Compiègne le 6 juillet 1942
 ».

Jean Porte a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».

  • Note 1 : Il existe plusieurs adresses parisiennes dans son dossier au DAVCC qui correspondent certainement à diverses locations, qui ont lieu à partir de sa montée de Saint-Etienne à Paris. Le 213, rue Saint-Maur à Paris 10ème figurant sur l’acte de décès d’Auschwitz, le 2, rue Fleury à Paris 18ème, le 20, rue de la Charbonnière à Paris 18ème. J’ai retenu l’adresse correspondant à celle de « M. Porte », qui est sans doute celle de son épouse à la Libération. Il n’y a aucune mention de Jean Porte à l’une de ces adresses lors du recensement de 1936.
  • Note 1 : « Indésirables » : des militants communistes, dont plusieurs anciens des Brigades Internationales et des « droits communs », dont Jean Porte.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives en ligne de Saint-Etienne. Etat civil et registre matricule militaire N° 2003, classe 1921.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle relevée en octobre 1993 par André Montagne.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande,
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d ’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.

Notice biographique mise à jour en 2013 et 2020 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet pour l’exposition de Paris
de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un mail à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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